Attention aux clauses de résiliation abusives !

Par un arrêt du 10 avril 2013, la Haute juridiction a qualifié d'abusive une clause d'un contrat de location avec option d'achat d'un véhicule automobile imposant au locataire de restituer le véhicule loué dans les plus brefs délais à compter de la résiliation du contrat.

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Attention aux clauses de résiliation abusives !
Rachel Maman, avocat au barreau de paris

La location avec option d'achat (LOA) de véhicule, aussi appelée leasing ou location avec promesse de vente (LPV), permet au

En cas de défaillance du locataire dans l'exécution du contrat, le bailleur est en droit d'exiger, outre la restitution du bien et le paiement des loyers échus et non réglés, le versement d'une indemnité.
locataire de disposer d'un véhicule moyennant le versement de loyers pendant une période généralement comprise entre vingt-quatre et soixante-douze mois. En cours de bail, ou à terme, le bénéficiaire peut décider de lever l'option pour acquérir le véhicule loué, la location faisant office de crédit à la consommation. Les achats en location avec option d'achat ne représentent qu'une faible part des ventes de voitures neuves aux particuliers, moins de 10% en 2011, alors que 61% des achats se font à crédit (source : Comité des constructeurs français d'automobiles, données 2012).

Le recours limité à ce mode de financement locatif, dont les loyers sont calculés pour couvrir la valeur du bien et les intérêts, pourrait s'expliquer par le poids des obligations qu'il fait porter au locataire durant l'exécution du contrat. En effet, outre le paiement mensuel du loyer, le locataire doit s'acquitter des frais de la carte grise établie au nom de la société de location, du coût d'une assurance « tous risques » du véhicule établie au nom de la société. Le locataire est par ailleurs tenu d'effectuer l'entretien et les réparations nécessaires. En cas de vices cachés, il lui appartient d'intenter une action en justice. Au regard de ces nombreuses obligations, le locataire se trouve de fait dans une situation tout aussi contraignante que s'il était propriétaire.

En cas de défaillance du locataire dans l'exécution du contrat, le bailleur est en droit d'exiger, conformément à l'article L. 311-25 du code de la consommation (anciennement art. L. 311-31), outre la restitution du bien et le paiement des loyers échus et non réglés, une indemnité. Les conditions de son versement et son montant sont fixés et encadrés par l'article D. 311-8 du code de la consommation (anciennement art. D. 311-13), selon lequel le bailleur peut exiger une « indemnité égale à la différence entre, d'une part, la valeur résiduelle hors taxes du bien stipulée au contrat augmentée de la valeur actualisée, à la date de la résiliation du contrat, de la somme hors taxes des loyers non encore échus et, d'autre part, la valeur vénale hors taxes du bien restitué », étant précisé que la valeur vénale est celle obtenue par le bailleur en cas de vente du véhicule.

La valeur de vente du véhicule est donc la seule inconnue dans l'équation déterminant le montant de l'indemnité au moment de la résiliation. Par conséquent, il est important pour le consommateur que le véhicule ne soit pas sous-estimé et qu'il soit vendu au meilleur prix. C'est la raison pour laquelle il doit être prévu la faculté pour le locataire, « dans le délai de trente jours à compter de la résiliation du contrat, de présenter au bailleur un acquéreur faisant une offre écrite d'achat. S'il ne l'accepte pas et s'il vend ultérieurement à un prix inférieur, la valeur à déduire devra être celle de l'offre refusée par lui » (C. conso., art. D. 311-8, anciennement art. D. 311-13).

La mise en oeuvre pratique de ce droit de présentation d'un acquéreur a été au coeur du litige ayant opposé un particulier à la société de financement Diac, une filiale de Renault, et en vertu duquel la Cour de cassation a rendu l'arrêt ci-après commenté.

Déséquilibre entre les parties

Un particulier avait souscrit un contrat de location assorti d'une promesse de vente d'un véhicule automobile auprès d'un établissement de crédit. À la suite de la résiliation anticipée du contrat de location et de la vente aux enchères du véhicule, l'établissement de crédit a sollicité le versement de l'indemnité prévue au contrat au moyen d'une injonction de payer.

Le particulier a formé opposition à l'injonction, considérant que la clause du contrat prévoyant l'obligation de restituer le véhicule loué dans les plus brefs délais à compter de la résiliation était abusive.

Les juges de première instance ont rejeté cette opposition au motif selon lequel la clause litigieuse reprenait « les dispositions des articles L. 311-31 et D. 311-13 du code de la consommation dans leur rédaction applicable à la cause » (aujourd'hui article L. 311-25 et D. 311-8), puisque ladite clause prévoyait aussi « la restitution du véhicule loué, ainsi que la faculté pour le locataire de présenter un acquéreur au bailleur dans le délai d'un mois à compter de la résiliation ».

La question qui a donc été posée au visa de l'article L. 132-1 du code de la consommation était de savoir si les modalités pratiques de la résiliation du contrat ne privaient pas le consommateur de la faculté, impérativement ouverte par les textes, de vendre lui-même le véhicule.

La Cour de cassation donnera finalement raison au consommateur, après avoir exposé que « la clause litigieuse, qui imposait au preneur de restituer le véhicule loué dans les plus brefs délais à compter de la résiliation et l'empêchait ainsi de mettre en oeuvre la faculté de présentation d'un acquéreur impérativement ouverte par les textes précités, avait pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ».

Les Hauts Magistrats ont à travers cet arrêt, publié au bulletin, sanctionné les conditions anormales de reprise des véhicules en cas de défaillance du locataire, en qualifiant d'abusives les dispositions imposant une remise immédiate du véhicule.

La prohibition de l'exigence de restitution à bref délai

Le constat de l'anormalité des conditions de reprise avait déjà été opéré en 1986 par la Commission des clauses abusives, qui avait alors établi une préconisation spécifique aux conditions de reprise dans sa recommandation n° 86-01 concernant les contrats de location avec option d'achat de biens à la consommation. Selon la Commission, devaient en effet être éliminées les clauses ayant pour objet ou pour effet « d'autoriser l'établissement de crédit à réaliser le bien repris en cas de défaillance du locataire sans même permettre à ce dernier de présenter un acheteur faisant une offre satisfaisante ».

La valeur de vente du véhicule est la seule inconnue dans l’équation déterminant le montant de l’indemnité au moment de la résiliation.
S'inscrivant dans cette logique, les textes ont donc prévu que soit impérativement ouverte au locataire la faculté, « dans le délai de trente jours à compter de la résiliation du contrat, de présenter au bailleur un acquéreur faisant une offre écrite d'achat. Si le bailleur n'accepte pas cette offre et s'il vend ultérieurement à un prix inférieur, la valeur à déduire devra être celle de l'offre refusée par lui » (C. conso., art. D. 311-8, anciennement art. D. 311-13).

Par ailleurs, cette recommandation a été suivie de l'adoption, par arrêté en date du 19 avril 2006, d'un modèle type d'offre préalable de location avec option d'achat annexée à l'article R. 311-6 du code de la consommation. Or, dans l'espèce commentée, la clause de résiliation proposée par la société Diac était substantiellement différente de celle du modèle type. Si le contrat donnait au locataire la possibilité de présenter l'offre écrite d'un acquéreur potentiel dans le délai prévu par la loi, il exigeait également la restitution du véhicule dans les plus brefs délais.

Dans ce contexte, la Cour a donc simplement relevé, à juste titre, l'incohérence entre l'esprit des dispositions légales et réglementaires et les conditions du contrat soumis à son examen. En effet, la restitution quasi immédiate après résiliation était de nature à empêcher, de facto, le locataire de trouver un acquéreur. C'est cette privation dans les faits qui a motivé les Hauts Magistrats à qualifier d'abusive la clause de restitution litigieuse.

Rappelons qu'en vertu de l'article L. 132-1 alinéa 1 du code de la consommation « dans les contrats conclus entre professionnels et non professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ». Or, en l'espèce, l'obligation de restitution à bref délai a effectivement diminué les droits du consommateur, alors que ceux du bailleur ont été maintenus, créant ainsi un déséquilibre.

En somme, on retiendra de cet arrêt que la mise en oeuvre d'une clause ne doit pas aboutir à priver le consommateur d'un droit garanti. En outre, le seul rappel de ce droit ne suffit pas. Il faut également que dans les faits, son exercice effectif soit matériellement possible. Aussi, le rédacteur-négociateur de contrat pourra retenir que chaque clause doit être appréciée à la lumière de l'ensemble du contrat. Le rédacteur veillera notamment à ce que l'introduction d'une clause ne gêne pas la mise en oeuvre pratique de droits impérativement ouverts par les textes.

La décision Civ. 1re, 10 avril 2013, pourvoi n° 12-18.169

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l'article L. 132-1 du code de la consommation ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que par acte sous seing privé du 18 avril 2008, M. X. a conclu avec la société Diac un contrat de location assorti d'une promesse de vente d'un véhicule automobile ; qu'après résiliation du contrat et vente aux enchères du véhicule, la société a déposé à l'encontre de M. X. une requête en injonction de payer l'indemnité de résiliation prévue au contrat ; que M. X. a formé opposition contre l'ordonnance ayant accueilli cette demande ; Attendu que pour condamner M. X. au paiement de l'indemnité litigieuse, l'arrêt retient que la clause prévoyant la restitution du véhicule loué ainsi que la faculté pour le locataire de présenter un acquéreur au bailleur dans le délai d'un mois à compter de la résiliation ne saurait être considérée comme abusive dès lors qu'elle reprend les dispositions des articles L. 311-31 et D. 311-13 du code de la consommation dans leur rédaction applicable à la cause ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la clause litigieuse, qui imposait au preneur de restituer le véhicule loué dans les plus brefs délais à compter de la résiliation et l'empêchait ainsi de mettre en oeuvre la faculté de présentation d'un acquéreur impérativement ouverte par les textes précités, avait pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre branche du moyen :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 5 janvier 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble ;

Condamne la société Diac aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Diac, la condamne à payer à M. X. la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix avril deux mille treize.

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