Contrôle du taux d’alcoolémie : la validité de l'homologation des éthylomètres sous l'oeil de la Cour de cassation
La chambre criminelle vient, dans un arrêt du 10 janvier 2012, de préciser que le changement de fabricant d'un éthylomètre n'a pas d'impact sur la validité de son homologation.
Jean-Baptiste le Dall, avocat à la Cour, docteur en droit, président de l'Institut de recherche et d'études en droit automobile (Ireda)

\ 00h00
Jean-Baptiste le Dall, avocat à la Cour, docteur en droit, président de l'Institut de recherche et d'études en droit automobile (Ireda)

Les appareils de métrologie légale comme les cinémomètres pour les mesures de vitesse ou les éthylomètres pour la mesure du taux d'alcoolémie doivent faire l'objet de vérifications. Le praticien pensera immédiatement à la vérification périodique annuelle pour laquelle la Cour de cassation fait peser des obligations extrêmement strictes, avec, par exemple, la présence nécessaire au dossier de la dernière date de vérification et non d'une simple période de validité. Le premier des contrôles réside, en fait, dans l'homologation de l'appareil.
Celle-ci porte généralement sur une période de dix ans, comme l'explique l'article 4 de l'arrêté du 8 juillet 2003 relatif au contrôle des éthylomètres : « Les certificats d'examen de type ou les décisions d'approbation de modèle portant une limite de validité pourront être renouvelés pour une période de dix ans au plus. »
Dans l'affaire soumise à la Cour de cassation le 10 janvier 2012, le prévenu soutenait que le contrôle d'alcoolémie était dépourvu de valeur probante, ayant été opéré par un éthylomètre dont le fabricant n'était titulaire, au moment du contrôle, d'aucun certificat d'examen de type en cours de validité.
En d'autres termes, la durée de validité du certificat n'était pas remise en cause par l'automobiliste, mais un changement de fabricant était intervenu pendant la période de dix ans.
L'éthylomètre Seres 679 SE, au centre des débats, a fait l'objet d'un certificat d'examen de type - certificat n° LNE-17020 - délivré à la société Seres Environnement le 24 septembre 2009, prévoyant une validité jusqu'au 23 septembre 2019.
Deux mois à peine après l'obtention de ce certificat d'examen de type, Seres Environnement a transféré l'intégralité de son activité liée à la fabrication, à la commercialisation et au service après-vente des éthylomètres à la société Alcolock France. Ce transfert décidé en novembre 2009 est intervenu le 1er janvier 2010.
Ce n'est, toutefois, qu'en avril 2010 que cette nouvelle société a obtenu la délivrance d'un certificat à son nom pour l'éthylomètre 679 SE - certificats d'examen de type n° LNE-19721-0 et 19721-1 - avec une « extension - à son bénéfice - du certificat d'examen de type » précédemment délivré à Seres Environnement.
L'analyse de ces certificats d'examen de type peut sembler fastidieuse, mais elle permet de constater l'existence d'une période de quatre mois pendant laquelle l'éthylomètre Seres 679 SE ne bénéficiait plus d'un certificat ayant été délivré à la société le commercialisant.
Un automobiliste poursuivi, notamment, pour conduite sous l'empire d'un état alcoolique a entendu exploiter cette carence, le prévenu ayant été contrôlé en février 2010 avant l'obtention du nouveau certificat.
Cependant, le changement de fabricant n'a pas été perçu par les différentes juridictions ayant eu à connaître du problème comme remettant en cause la validité du certificat d'examen de type.
Le tribunal correctionnel de Boulogne-sur-Mer et la cour d'appel de Douai ont écarté l'argumentation du prévenu, soulignant que le certificat d'examen de type « est délivré pour un type d'instrument et pour un temps donné et non à un fabricant ; qu'il conserve donc sa validité, pour les appareils distribués de ce type, peu important l'évolution de la situation juridique ou économique du fabricant qui en a sollicité la délivrance ».
La position de la cour d'appel de Douai est assez logique, nous n'avons pas d'informations supplémentaires sur l'éthylomètre utilisé lors du contrôle, mais il est raisonnable de partir de l'hypothèse que cet éthylomètre avait été fabriqué et vendu par Seres qui était bien détentrice du certificat d'examen de type à l'époque de la commercialisation. L'argumentation eût, peut-être, connu un sort différent si l'éthylomètre avait été fabriqué et commercialisé par Alcolock France sans être détenteur d'un certificat d'examen de type. Mais rien n'est moins sûr au regard de l'arrêt rendu par la chambre criminelle le 10 janvier.
En effet, la Cour de cassation a suivi la cour d'appel de Douai, précisant « qu'en se déterminant ainsi, la cour d'appel a fait l'exacte application de la loi, dès lors que le caractère probant des constatations opérées au moyen d'un type d'appareil homologué n'est aucunement affecté par le transfert à une autre personne morale du certificat d'examen de type initialement obtenu par son fabricant ».
Toutefois, l'intérêt de cet arrêt ne réside pas véritablement dans la problématique du transfert du certificat d'examen de type, mais dans celle de la durée de validité de ce certificat. La lecture de cet arrêt et des termes de celui de la juridiction d'appel qui fait référence à un certificat délivré « pour un temps donné » laisse à penser que peu importe le transfert à une autre personne morale tant que la fin de validité du certificat n'est pas atteinte. Cette lecture confère inévitablement une importance toute particulière à la durée de validité du certificat d'examen de type. L'interprétation sera confortée par l'intervention, moins d'un mois après, d'un nouvel arrêt de la chambre criminelle.
Le 7 février 2012, la Cour de cassation a eu à connaître à nouveau de la problématique de l'homologation des éthylomètres (Crim, 7 févr. 2012, n° 11-84.149) :
« Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que M. X a été cité à comparaître pour avoir, le 13 mars 2009, conduit un véhicule sous l'empire d'un état alcoolique ; que, devant le tribunal correctionnel, puis devant la cour d'appel, il a soulevé la nullité de la procédure aux motifs que l'homologation de l'éthylomètre utilisé n'était plus valable au moment du contrôle et que le procès-verbal ne mentionnait pas que la dernière visite périodique avait été effectué par un laboratoire agréé ;
Attendu que, pour écarter cette argumentation, l'arrêt retient que, par décision d'approbation du 12 novembre 1998, la durée de l'homologation de l'appareil a fait l'objet, en application de l'article 4 de l'arrêté du 8 juillet 2003 relatif au contrôle des éthylomètres, d'une extension de validité de dix ans ; que, par ailleurs, la cour d'appel a souverainement estimé, au vu des mentions du procès-verbal, que l'appareil avait été vérifié par un laboratoire agréé ;
Attendu qu'en cet état, l'arrêt n'encourt pas la censure... »
Dans cet arrêt, comme dans celui du 10 janvier, la chambre criminelle reprend l'argumentation de la juridiction d'appel en rappelant notamment que « la durée de l'homologation de l'appareil a fait l'objet, en application de l'article 4 de l'arrêté du 8 juillet 2003 relatif au contrôle des éthylomètres, d'une extension de validité de dix ans ».
Encore une fois, la durée de validité du certificat d'examen de type se retrouve au centre des préoccupations. Or, cette préoccupation n'est pas seulement partagée par les juridictions d'appel et la chambre criminelle.
L'exigence de l'homologation de l'éthylomètre
La lecture conjuguée des deux arrêts rendus par la Cour de cassation les 10 janvier et 7 février 2012 ne manquera pas de conforter de nombreuses juridictions de première instance qui ont eu à trancher la question du dépassement de la durée de validité du certificat d'examen de type pour certains éthylomètres. Les éthylomètres Seres 679 T et E n'ont pas, par exemple, fait l'objet de renouvellement de leurs certificats d'examen de type.
L'éthylomètre Seres 679 T a, ainsi, bien reçu un certificat d'examen de type en 1990 et 1998, mais il n'avait pas été renouvelé depuis. Le premier certificat de type le concernant a été pris en date du 8 juin 1990 et précise bien : « La présente décision est valable jusqu'au 21 novembre 1998. » Le certificat de type de l'éthylomètre Seres 679, 679A et 679 T du 22 janvier 1996 confirme encore que « la présente décision est valable jusqu'au 21 novembre 1998 ». Puis, l'homologation de l'éthylomètre 679 T du 8 juin 1990 a été renouvelée par une décision d'approbation du 12 novembre 1998 qui indique : « La présente décision a une validité de dix ans à compter de la date figurant sur son titre. » Cette décision était donc valable jusqu'au 12 novembre 2008. Depuis, rien, aucune nouvelle décision n'est intervenue prolongeant la validité du certificat d'examen de type. La même démonstration peut être faite avec l'éthylomètre Seres 679 E, seules les dates changent. Mais le problème demeure, in fine, le même : la limite de validité du certificat est dépassée.
Or, l'homologation de l'éthylomètre est une exigence que ne manque pas de rappeler le code de la route. On pourra, par exemple, se reporter aux dispositions de l'article L. 234-4 du code de la route qui posent que « les vérifications destinées à établir la preuve de l'état alcoolique sont faites soit au moyen d'analyses et examens médicaux, cliniques et biologiques, soit au moyen d'un appareil permet-tant de déterminer la concentration d'alcool par l'analyse de l'air expiré à la condition que cet appareil soit conforme à un type homologué ».
De même l'article R. 234-4 fait clairement référence aux deux conditions nécessaires à la régularité de la mesure : homologation et vérification périodique : « l'officier ou l'agent de police judiciaire fait usage d'un appareil homologué permettant de déterminer le taux d'alcool par analyse de l'air expiré ».
L'arrêté du 8 juillet 2003 relatif au contrôle des éthylomètres s'attache, lui aussi, à l'homologation des éthylomètres en y consacrant un titre II : « examen de type ». L'arrêté du 8 juillet 2003 rappelle, ainsi, dès son article 2 que le contrôle métrologique comprend : « L'examen de type ; la vérification primitive des instruments neufs et des instruments réparés ; le contrôle en service. » Ce même arrêté précise que « l'examen de type constitue l'homologation prévue à l'article L. 234-4 du code de la route ».
De nombreuses juridictions ont fait droit à l'argumentation liée à l'absence de validité du certificat d'homologation pour les éthylomètres Seres 679 T ou E. On peut, par exemple, citer les tribunaux correctionnels de Bobigny, de Versailles, de Dijon, de Montpellier, de Toulon, de Pontoise, de Paris ou de Grenoble.
D'ailleurs, cette dernière juridiction a clairement rejeté l'argumentation parfois mise en avant par le ministère public d'une possibilité d'utilisation de l'éthylomètre au-delà de la période de validité du certificat d'examen de type se fondant sur des dispositions du décret du 3 mai 2001 relatif au contrôle des instruments de mesure. Pour la juridiction grenobloise, « la disposition réglementaire en vertu de la hiérarchie des normes doit être écartée au profit du strict respect de l'article L. 234-4 du code de la route qui a la nature de disposition législative ».
L'arrêt rendu par la chambre criminelle le 10 janvier 2012 n'ouvrira donc pas de perspective de relaxe fondée sur la problématique du changement de fabricant. Mais la question de ce changement qui n'aurait, en tout état de cause, concerné que peu de procédures (compte tenu du faible délai entre le transfert d'activité et l'obtention du nouveau certificat) laisse finalement place à une problématique plus intéressante. Et il est raisonnable de penser la lecture de cet arrêt confronté à celle du 7 février 2012, qui ne manquera pas de favoriser le développement de la jurisprudence liée au dépassement de la durée de validité du certificat d'examen de type.
La décisionCrim, 10 janv. 2012, pourvoi n° 11-85.773LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : Statuant sur le pourvoi formé par
- M. Arnaud X...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Douai, 6e chambre, en date du 16 mai 2011, qui, pour conduite sous l'empire d'un état alcoolique en récidive et conduite sans permis, l'a condamné à quatre mois d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve, 150 € d'amende et a constaté l'annulation de son permis de conduire ;
Vu le mémoire personnel produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L. 234-4, R. 234-2 du code de la route et 6 du décret n°2001-387 du 3 mai 2001 ; Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que M. X... a été interpellé au volant d'un véhicule automobile et soumis à un contrôle d'alcoolémie au moyen d'un éthylomètre ; qu'il a été poursuivi des chefs de conduite sous l'empire d'un état alcoolique en récidive et conduite avec un permis non prorogé devant le tribunal correctionnel de Boulogne-sur-Mer, qui l'en a déclaré coupable ;
Attendu que le prévenu a soutenu que le contrôle d'alcoolémie était dépourvu de valeur probante, ayant été opéré par un éthylomètre dont le fabricant n'était titulaire, au moment du contrôle, d'aucun certificat d'examen de type en cours de validité ;
Attendu que pour écarter ce moyen et confirmer le jugement sur la culpabilité, l'arrêt attaqué retient que le type d'appareil en cause a fait l'objet d'une homologation valable jusqu'en 2019 ; que le certificat d'examen de type est délivré pour un type d'instrument et pour un temps donné, et non à un fabricant ; qu'il conserve sa validité pour les appareils de ce type, peu important l'évolution de la situation juridique ou économique du fabricant qui en a sollicité la délivrance ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, la cour d'appel a fait l'exacte application de la loi, dès lors que le caractère probant des constatations opérées au moyen d'un type d'appareil homologué ne sont aucunement affectées par le transfert à une autre personne morale du certificat d'examen de type initialement obtenu par son fabricant ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ; Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus.
Contrôle du taux d’alcoolémie : la validité de l'homologation des éthylomètres sous l'oeil de la Cour de cassation
Tous les champs sont obligatoires
0Commentaire
Réagir