L’expertise et litiges en protection juridique

L’assurance de protection juridique se nourrit du travail des experts en automobile. Ces deux parties ont tout à gagner à conjuguer leurs efforts, fondés sur la matière juridique.

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L’expertise et litiges en protection juridique

Les litiges automobiles représentent une part très importante des sinistres gérés par les sociétés de protections juridiques. Les contrats d’assurance automobile incluent, pour la plupart, une option protection juridique qui est rattachée exclusivement au véhicule assuré. S’agissant des conducteurs, ceux-ci, s’ils sont désignés aux conditions particulières, peuvent venir au bénéfice de cette précieuse garantie. Celle-ci prémunit en effet le titulaire des risques juridiques inhérents à la détention du véhicule (conduite, achat, vente, réparations, etc.).

Certains assureurs ont créé des cellules spécifiques de gestion de ces dossiers, dans lesquels le maître mot est la rapidité pour répondre aux besoins des clients.

L’objet de l’assurance de protection juridique

Définition. Elle est issue de la directive européenne du 22 juin 1987, « portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant l’assurance protection juridique » (87/344/CEE), transposée en droit français par la loi du 31 décembre 1989 portant adaptation du code des assurances à l’ouverture du marché européen (n° 89-1014).

Ainsi, c’est l’article L. 127-1 du code des assurances qui donne la définition du contrat de protection juridique : « Est une opération d’assurance de protection juridique toute opération consistant, moyennant le paiement d’une prime ou d’une cotisation préalablement convenue à prendre en charge des frais de procédure ou à fournir des services découlant de la couverture d’assurance, en cas de différend ou de litige opposant l’assuré à un tiers, en vue notamment de défendre ou représenter en demande l’assuré dans une procédure civile, pénale, administrative ou autre ou contre une réclamation dont il est l’objet ou d’obtenir réparation à l’amiable du dommage subi. »

Qu’est-ce qu’un litige au sens du code des assurances ? La mise en œuvre de la garantie protection juridique suppose l’existence d’un litige. La loi a adopté une définition du sinistre dans l’article L. 127-2-1 du code des assurances : « Est considéré comme sinistre, au sens du présent chapitre, le refus qui est opposé à une réclamation dont l’assuré est l’auteur ou le destinataire. »

L’étendue des garanties pj en auto

La loi a pour but de fournir une protection à l’assuré dans le cadre de la mise en œuvre de ses droits à l’appui d’un contrat d’assurance. Le contenu du contrat quant à lui et l’étendue de la garantie relèvent de la liberté contractuelle. On peut rencontrer deux types de contrats :

- les contrats tout sauf : c’est-à-dire que les domaines non garantis sont listés. Par opposition, les autres litiges non exclus peuvent être pris en charge au titre du contrat ;

- les contrats listant limitativement les domaines d’intervention. Il faut ici distinguer les contrats de protection juridique dite générale et les contrats de protection juridique spécifiques.

En matière automobile, le contrat couramment usité est un contrat qui liste limitativement les domaines d’intervention.

En cas de désaccord sur l’interprétation des clauses du contrat, le litige peut être soumis au médiateur des assurances (voir charte de la Médiation de l’assurance : www.mediation-assurance.org).

La notion de litige englobe également les poursuites pénales, l’adversaire étant dans ce cas le ministère public. Certaines restrictions peuvent être apportées par le contrat s’agissant notamment des faits intentionnels.

Qu’est-ce qu’un litige automobile ? La typologie de litiges automobiles liés à la détention d’un véhicule est vaste. Il s’entend de l’achat, la vente, l’entretien, la location de véhicule ou encore l’action pénale liée à la détention du véhicule.

Dans certains cas, la garantie peut joueur en présence de poursuites pénales (restriction : en matière de faits non intentionnels). Par exemple : infraction au code de la route, perte de points du permis de conduire, etc.

Bien souvent l’assureur demande que le titulaire du contrat soit en mesure de contester l’infraction.

L’actualité, notamment avec l’affaire Volkswagen (lire l’encadré ci-contre) montre la complexité des litiges et les difficultés à résoudre un différend. À cela s’ajoute la charge financière : les frais à engager pour y parvenir. Le risque contentieux est de plus en plus manifeste et implique que soient proposées des solutions susceptibles d’apporter à l’assuré, à la fois une assistance juridique (conseils, intervention amiable) et les moyens financiers pour faire face aux frais de justice.

Intervention de l’expert auto

L’intervention de l’expert automobile dans le cadre d’un litige de protection juridique est prévue et articulée dans le cadre du code des assurances. Ainsi, l’article L. 127-3 du code des assurances dispose que « tout contrat d’assurance protection juridique stipule explicitement que, lorsqu’il est fait appel à un avocat ou à toute autre personne qualifiée par la législation ou la réglementation en vigueur pour défendre, représenter ou servir les intérêts de l’assuré, dans les circonstances prévues à l’article L. 127-1, l’assuré a la liberté de le choisir ». C’est donc dans le cadre de ces dispositions que l’assureur PJ peut proposer à l’assuré l’intervention d’un expert automobile en phase amiable ou judiciaire tant en défense qu’en demande.

Mise en œuvre de la garantie. Dès lors que l’assuré a déclaré son sinistre à l’assureur PJ, la garantie peut être mise en œuvre. Le gestionnaire va alors prendre la décision, en fonction des éléments qui lui sont soumis, soit de gérer amiablement le litige soit, dans la plupart des cas, de confier le dossier à un expert automobile, qui, en sa qualité de sachant, va apporter des éléments techniques au dossier.

Phase amiable. L’expert automobile va pouvoir intervenir en phase amiable, en défense, lorsque l’assuré est convoqué à une expertise amiable et contradictoire suite à la détention du véhicule.

En demande, c’est l’assureur PJ qui est à l’origine de la mission en vue de contribuer à résoudre le différend. Ces services s’intègrent dans le cadre d’une prestation de service.

Suite au décret du 11 mars 2015, relatif à la simplification de la procédure et à la communication électronique et à la résolution amiable des différends, les interventions amiables devront, en cas d’échec, être justifiées lors de la saisine du juge de première instance. Le juriste en protection juridique, en possession d’un rapport d’expertise amiable et contradictoire (EAC), pourra transmettre un dossier structuré à l’avocat en cas d’échec de la phase amiable. Le rapport aura déterminé les éléments techniques permettant de matérialiser les différends, les préjudices subis et les responsabilités.

En phase judiciaire : Voir article de Me Lièvremont ci-après.

La collaboration de l’assureur et de l’expert

Préalable. Que doit faire l’expert désireux de rejoindre un assureur ? En pratique, les compagnies d’assurance travaillent avec un réseau d’ex­perts, qui leur est propre et dont le maillage est national. Cependant, il est possible que, dans certains départements, de nouveaux besoins conduisent les compagnies à diversifier leur réseau et à rechercher de nouvelles compétences. L’expert désireux de rejoindre une compagnie d’assurance devra au préalable identifier le bon interlocuteur, les gestionnaires sont de précieuses sources d’informations pour donner les noms des référents.

De plus, la commercialisation de nouveaux contrats par les compagnies (engins spéciaux, véhicules de collection, camping-car, cycles…) conduit l’assureur à chercher de nouvelles compétences auprès des experts.

La mission que l’assureur va confier à l’expert doit contenir le plus d’informations possible sur le litige afin d’orienter favorablement le travail de l’expert. Sont indispensables :

- l’immatriculation du véhicule ;

- le lieu d’immobilisation du véhicule.

Plus encore sont préconisés :

- un résumé des circonstances qui ont conduit l’assuré a déclaré le litige à son assureur. Cette étape est très importante, car elle va guider le travail de l’expert, tel le médecin qui écoute le patient lui exposer ses symptômes ;

- éventuellement, l’orientation juridique de la mission (cf. tableau sur les notions juridiques utiles à l’expert automobile pour l’accomplissement de ses missions PJ). Sur ce point, les avis divergent : certaines compagnies d’assurance confient uniquement à leurs experts des missions techniques sans fil conducteur juridique. En effet, l’analyse juridique sera faite ultérieurement au niveau du gestionnaire. Cependant, certains cabinets d’expertise, organisés en réseau, ont des experts qui sont spécifiquement formés pour ces missions. Il peut dès lors être utile d’indiquer dans le mandat à l’expert les faits pertinents dont le juriste peut avoir besoin pour la poursuite du dossier.

Le litige lié à la vente d’un véhicule. Des documents précontractuels ont pu être remis préalablement à la vente. Sur ce point, le travail collaboratif entre le gestionnaire et l’expert est fondamental. Avant la vente, le vendeur particulier pourra avoir pris soin de faire signer un contrat à son acheteur qui reprend les informations délivrées sur l’état du véhicule. Ce document peut alors s’analyser en une clause d’exonération de responsabilité qu’il convient d’étudier attentivement. Le juriste a alors besoin de l’avis technique de l’expert pour confirmer ou non l’étendue et la portée de la clause.

En revanche, un vendeur professionnel ne peut pas opposer ce type de clauses à un particulier. En effet, l’article R. 132-1 du code de la consommation dispose que « dans les contrats conclus entre des professionnels et des non-professionnels ou des consommateurs, sont de manière irréfragable présumées abusives, au sens des dispositions du premier et du troisième alinéa de l’article L. 32-1 et dès lors interdites, les clauses ayant pour objet ou pour effet de supprimer ou réduire le droit à réparation du préjudice subi par le non-professionnel ou le consommateur en cas de manquement par le professionnel à l’une quelconque de ses obligations ».

La question qui peut également se poser est celle de l’entretien hors réseau du véhicule. La garantie constructeur s’applique-t-elle encore ? Pour rappel, toute mention contractuelle qui prévoit que « le véhicule doit être entretenu conformément aux directives et aux instructions du fabricant et dans son réseau sous peine de déchéance de la garantie constructeur est illégale » (règlement européen 1400/2002/EC).

L’expert va tout d’abord examiner le véhicule dans le cadre de sa tournée, et rendre compte à son mandant. Sans anticiper sur la suite de l’affaire, l’expert donnera déjà un premier avis technique.

La prise en compte technique du litige et la rapidité avec laquelle l’expert va voir le véhicule vont rassurer le client, qui, dans cette matière hautement sensible, se sentira pris en compte.

La plus-value qu’apporte l’expert dans la prise en considération d’un litige automobile est très importante tant pour l’assureur que pour le client. En effet, un expert bien organisé, qui suit les processus imposés par ses mandants et qui intervient à bref délai va pouvoir examiner techniquement le bien-fondé de la réclamation. Il évitera ainsi une immobilisation inutile d’un véhicule dont l’usage est pour certains vital.

Il n’est pas impossible que l’expertise s’arrête à ce stade quand l’examen technique ne permet pas de valider le bien-fondé de la réclamation.

Il pourra également mettre en lumière les zones de fragilité des éléments de preuve du dossier. Il peut s’agir par exemple du non-respect des préconisations d’entretien du véhicule.

L’assureur pourra ainsi informer son client sur ses droits et les risques du recours.

La seconde étape est l’expertise amiable et contradictoire à proprement parler. Les parties vont être réunies contradictoirement autour du véhicule afin de procéder à des démontages et à l’analyse technique des circonstances de la panne. En pratique, un usage répandu dans la profession est d’accorder un délai de vingt et un jours entre la date de la convocation et la date de réunion. Cependant, cette pratique n’est validée par aucun texte.

La chambre mixte de la Cour de cassation, par deux arrêts du 28 septembre 2012, a complexifié le travail en phase amiable.

« Le juge peut valablement se fonder sur une expertise amiable non contradictoire pour trancher un litige, pour autant, cependant, qu’il ne s’agisse pas du seul élément sur la base duquel il ait forgé sa conviction. »

Toutefois, lorsque le tiers est présent à l’expertise, l’expert va tenter de dénouer la situation technique et parfois faire signer une transaction. Il transmettra, en plus du rapport détaillé, un protocole transactionnel qui aura été régularisé entre les parties. Parfois, l’expert peut jouer un rôle de médiateur et permettre un arrangement amiable lors des opérations d’expertise.

Bien évidemment, dans cette matière hautement sensible, l’adage « Une mauvaise conciliation vaut mieux qu’un bon procès » prend tout son sens.

L’affaire Volkswagen

L’affaire Volkswagen tend à démontrer l’utilité d’un accompagnement personnalisé, mais mené à grande échelle par l’assureur PJ, c’est-à-dire sur l’ensemble des véhicules concernés assurés auprès d’une même compagnie.

Dans l’affaire Volkswagen, les automobilistes concernés ont aussi porté plainte de façon individuelle ou collective au travers d’associations de consommateurs.

  • L’objet de la plainte « Pratique commerciale, trompeuse, publicité mensongère, tromperie, escroquerie, mise en danger de la vie d’autrui, complicité, faux et usage de faux. »
  • De nombreuses interrogations. Dans son communiqué de presse du 15 octobre 2015, le centre européen de la consommation s’interroge : « Côté consommateurs, au vu du nombre de personnes concernées, engager une action de groupe, instaurée il y a tout juste un an en France, serait une option. Mais le champ d’application de l’action de groupe étant limité à la consommation et à la concurrence, impossible par exemple pour les actionnaires français ou étrangers d’agir en groupe en matière boursière pour obtenir une indemnisation. Fonder son action de groupe sur le droit de la consommation pourrait être envisagée (garantie légale de conformité, publicité mensongère, pratique commerciale trompeuse...), mais de nombreuses questions sur l’opportunité d’une telle procédure dans l’affaire Volkswagen restent sans réponses : comment chiffrer le montant du préjudice ? Une “réparation” est-elle vraiment possible ? Un consommateur étranger ayant acheté son véhicule en France pourrait–il se joindre à cette procédure ? Contre qui diriger une action de groupe : vendeur français ou constructeur allemand ? »

De possibles responsabilités en chaîne

  • L’article 1165 du code civil dispose: « Les conventions n’ont d’effet qu’entre les parties contractantes ; elles ne nuisent pas au tiers, et elles ne lui profitent que dans le cas prévu par l’article 1121. »
    Par exception au principe de l’effet relatif des contrats, les tiers à un contrat sont fondés à invoquer l’exécution défectueuse de celui-ci lorsqu’elle leur a causé un dommage. Par exemple, l’assuré représenté par l’expert, bien que second vendeur, un quatrième acheteur pourrait l’actionner en responsabilité au titre des vices cachés. Il faut cependant rappeler que la prescription en matière de vices cachés est enfermée dans un délai spécifique : voir sur le sujet Jurisprudence automobile, n° 878-879 novembre 2015.
  • Astuce permettant d’impliquer tous les responsables : convoquer un maximum d’intervenants (garagistes, précédents vendeurs particuliers ou professionnels, contrôle technique, fournisseur de pièces)…

Stockage du véhicule pendant l’expertise judiciaire : attention aux frais de gardiennage

  • Si le tiers n’est pas présent ou représenté, il est nécessaire de mettre en œuvre une expertise judiciaire. La mission de l’expert amiable se termine. Il doit alors informer son mandant.
  • À ce stade, la compagnie d’assurance peut proposer à son assuré de remorquer le véhicule vers un garage agréé ou un épaviste afin de stocker le véhicule à moindre coût. En effet, les experts, les garages les épavistes sont organisés en réseau par les compagnies d’assurance avec des tarifs négociés.

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