Suspension judiciaire du permis de conduire : « oui, mais… »

Nul ne peut être puni d’une peine qui n’est pas prévue par la loi….

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De manière très schématique, le code pénal français et le code de la route distinguent classiquement entre les peines principales (amende, emprisonnement) et les peines complémentaires qui seront infligées à la personne reconnue coupable de l’infraction.

Ces peines complémentaires peuvent être obligatoires ou facultatives. Dans la premiè­re hypothèse, le texte qui les prévoit ordonne au juge de la prononcer. Dans la deuxième hypothèse, le texte lui donne seulement la possibilité d’y recourir.

Ces peines complémentaires sont extrêmement nombreuses et sont prévues tout à la fois par le code pénal et par le code de la route (ex. : art. L. 224-16 pour la conduite malgré une suspension ou annulation du permis de conduire ; art. L. 224-17 pour non restitution du titre de conduite ; art. R. 415-8 pour non-respect des priorités ; art. L. 234-2 pour la conduite sous un état alcoolique délictuelle (voir encadré : « Les peines complé­mentaires de la conduite sous état alcoolique ») ; art. L. 235-1 pour la conduite sous stupéfiants etc.).

En matière de droit routier, ces peines complé­mentaires concernent essentiellement le permis de conduire de l’automobiliste (suspension, annulation, et interdiction de repasser le permis de conduire avant une période de tant de mois, obligation de suivre un stage de sensibilisation aux dangers de la sécurité routière etc.), voire la confiscation du véhicule dont le prévenu s’est servi pour commettre l’infraction s’il en est propriétaire, notamment en matière de récidive. La distinction classique se complique lorsqu’une juridiction prononce à titre princi­pal la peine complémentaire prévue par le texte d’incrimination (exemple : suspension judiciaire du permis de conduire de l’automobiliste) à l’exception de toute autre peine (voir encadré : « Lorsque le complément devient le principal »).

L’essentiel

La peine complémentaire de suspension du permis de conduire n'est pas encourue en cas d'excès de vitesse de moins de 30 km/h.

Principe de la légalité des délits et des peines

Par contre, en vertu du principe constitutionnel de la légalité des délits et des peines qui garantit la sécurité juridique pour les justiciables, ces peines complémentaires doivent être spécialement prévues par des textes pour chaque infraction. L’article 111-3, aliéna 2 dispose ainsi que : « Nul ne peut être puni d’une peine qui n’est pas prévue par la loi, si l’infraction est un crime ou un délit, ou par le règlement, si l’infraction est une contravention » (voir : « Contravention et peines complémentaires »).

Par conséquent, au vu des principes précédents, une juridiction répressive ne peut jamais condamner un justiciable à une peine qui n’est pas envisagée par les textes, donc à une peine qui juridiquement n’existe pas.

Toutefois, le praticien confronté à la dure réalité des prétoires sait que parfois ce beau principe est battu en brèche par certaines juridictions qui s’affranchissent un peu trop rapidement des textes.

Ainsi la décision d’une cour d’appel qui avait condamné un prévenu à titre de peine principale pour l’infraction d’outrage à magistrat, à trois ans d’interdiction des droits civiques, civils et de famille a été cassée par la chambre criminelle de la Cour de cassation aux motifs que : « l’article 434-44 du code pénal, qui énumère les délits passibles de la peine complémentaire de l’interdiction des droits civiques, civils et de famille, ne mentionne pas le délit d’outrage à magistrat, en sorte que cette peine ne pouvait être prononcée en application de l’article 131-11 dudit code, et que, d’autre part, cette mesure ne figure pas au nombre des peines privatives ou restrictives de liberté énumérées à l’article 131-6 du code susvisé et pouvant être prononcées à la place de l’emprisonnement ou de l’amende, la cour d’appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé » (Crim., 13 avril 2010, n° 09-84.583, D. 2010, p. 1 285 - AJ pénal 2010 p. 395).

S’agissant de droit pénal routier, une contrevenante qui n’avait pas respecté l’arrêt impo­sé par un feu rouge fixe ou clignotant (C. route, art. R. 412-30) ne peut juridiquement être condamnée à titre de peine principal par une cour d’appel à devoir effec­tuer un stage de sensibilisation à la sécurité routière (C. pén., art. 131-35-1).

En effet, certes, l’article 131-16 7° du code pénal prévoit de manière générale que cette peine complémentaire est applicable aux contraventions, mais encore faut-il qu’en vertu de l’article 131-16 du même code le règlement le prévoit expressément. Or, l’article R. 412-30 du code de la route prévoit uniquement comme peine complémentaire la suspension judiciaire du permis de conduire.

Une juridiction ne peut donc condamner un prévenu à effectuer un tel stage, que ce soit à titre de peine principale ou complémentaire lorsqu’un texte sanctionnant tel ou tel comportement au volant ne le prévoit pas expressément (CA Pau, 10 février 2005, AJ pénal 2005, p. 200, obs. J. – P. Cere).

Il en irait de même également pour un refus d’obtempérer. Ce délit ne peut en effet jamais être sanctionné de l’annulation judiciai­re du permis de conduire. Ainsi, dans un arrêt du 20 février 2007, la Cour de cassation a décidé au visa de l’article 111-3 du code pénal que :

« Attendu que nul ne peut être puni d’une peine qui n’est pas prévue par la loi ;

Attendu qu’après avoir déclaré Selim X... coupable de refus d’obtempérer à une somma­tion de s’arrêter, l’arrêt attaqué le condamne notamment à l’annulation de son permis de conduire ;

Mais attendu qu’en prononçant ainsi une peine complémentaire non prévue par l’arti­cle L. 233-1 du code de la route réprimant le délit reproché, la cour d’appel a méconnu les texte et principe ci-dessus rappelés » (Crim., 20 février 2007, n° 06.86231).

L’espèce ci-dessous rapportée illustre une nouvelle fois la problématique du prononcé de peines illégales.

Un automobiliste était poursuivi pour deux excès de vitesse inférieur à 30 Km/h (C. route, art. R. 413-14) et en bonne logique, et en droit, le risque d’une éventuelle suspension de son permis de conduire était écarté.

En effet, l’article R. 413-14 II du code de la route prévoit une peine complémentaire de suspension judiciaire de permis de conduire uniquement quand le dépassement de la vitesse est supérieur ou égal à 30 Km/h.

Néanmoins, en cette espèce, la cour d’appel de Riom (CA, Riom, 16 janvier 2014, Inédit) avait en toute illégalité condamné l’automobiliste à deux peines d’amende et à deux fois 15 jours de suspension judiciaire de son permis de conduire à titre de peine complémentaire. Peines complémentaires qui étaient donc purement et simplement illégales...

Le prévenu n’avait donc pas d’autre choix que de former un pourvoi en cassation contre une telle décision.

C’est pourquoi malgré un problème procédural relatif à la recevabilité du mémoire personnel produit par le demandeur (C. proc. pén., art. 585-1), la chambre crimi­nelle de la Cour de cassation a relevé d’office le moyen pour pouvoir prononcer une cassation et annulation de la peine complémen­taire par voie de retranchement plus que justifiée.

Peines complémentaires de la conduite sous état alcoolique

Code de la route : Article L. 234-2
  • « I.- Toute personne coupable de l'un des délits prévus à l'article L. 234-1 encourt également les peines complémentaires suivantes :
    1° La suspension, pour une durée de trois ans au plus, du permis de conduire, cette suspension ne pouvant pas être limitée à la conduite en dehors de l'activité professionnelle ;
    2° L'annulation du permis de conduire avec interdiction de solliciter la délivrance d'un nouveau permis pendant trois ans au plus ;
    3° La peine de travail d'intérêt général selon des modalités prévues à l'article 131-8 du code pénal et selon les conditions prévues aux articles 131-22 à 131-24 du même code et à l'article 20-5 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante ;
    4° La peine de jours-amende dans les conditions fixées aux articles 131-5 et 131-25 du code pénal ;
    5° L'interdiction de conduire certains véhicules terrestres à moteur, y compris ceux pour la conduite desquels le permis de conduire n'est pas exigé, pour une durée de cinq ans au plus ;
    6° L'obligation d'accomplir, à ses frais, un stage de sensibilisation à la sécurité routière ;
    7° L'interdiction, pendant une durée de cinq ans au plus, de conduire un véhicule qui ne soit pas équipé par un professionnel agréé ou par construction d'un dispositif homologué d'anti-démarrage par éthylotest électronique. Lorsque cette interdiction est prononcée en même temps que la peine d'annulation ou de suspension du permis de conduire, elle s'applique, pour la durée fixée par la juridiction, à l'issue de l'exécution de cette peine.
  • II.- La suspension du permis de conduire prévue au présent article ne peut être assortie du sursis, même partiellement ».

Contravention et peines complémentaires

Code pénal : Article 131-16

« Le règlement qui réprime une contravention peut prévoir, lorsque le coupable est une personne physique, une ou plusieurs des peines complémentaires suivantes :

  • 1° La suspension, pour une durée de trois ans au plus, du permis de conduire, cette suspension pouvant être limitée à la conduite en dehors de l'activité professionnelle sauf si le règlement exclut expressément cette limitation […]
  • 5° La confiscation de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l'infraction ou de la chose qui en est le produit ;
  • 6° L'interdiction de conduire certains véhicules terrestres à moteur, y compris ceux pour la conduite desquels le permis de conduire n'est pas exigé, pour une durée de trois ans au plus ;
  • 7° L'obligation d'accomplir, à ses frais, un stage de sensibilisation à la sécurité routière… ».

Lorsque le complément devient le principal

Code pénal
  • Article 131-11 alinéa 1er
    « Lorsqu’un délit est puni d’une ou de plusieurs des peines complémentaires mentionnées à l’article 131-10, la juridiction peut ne prononcer que la peine complémentaire ou l’une ou plusieurs des peines complémentaires encourues à titre de peine principale. »
  • Article 131-18
    « Lorsqu’une contravention est punie d’une ou de plusieurs des peines complémentaires mentionnées aux articles 131-16 et 131-17, la juridiction peut ne prononcer que la peine complémentaire ou l’une ou plusieurs des peines complémentaires encourues. »
  • Article 131-44
    « Lorsqu’une contravention est punie d’une ou de plusieurs des peines complémentaires prévues à l’article 131-43, la juridiction peut ne prononcer que la peine complémentaire ou l’une ou plusieurs des peines complémentaires encourues. »

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