Climat : les scénarios préoccupants du réchauffement

Les actuaires ont consacré leur congrès en juin aux changements climatiques. La profession est prête à s’engager face aux conséquences terribles d’une hausse globale des températures.

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Climat : les scénarios préoccupants du réchauffement

Les actuaires ne savaient pas encore que le mois de juillet 2019 serait le plus chaud jamais enregistré et que la forêt amazonienne serait ravagée par les flammes. Et pourtant, lors de leur 18e congrès, qui s’est tenu le 17 juin à Paris, David Dubois, président de l’Institut des actuaires, déclarait : « Le temps est à l’action. Nous devons nous engager et refuser ce qui s’annonce comme une fatalité. » Et d’ajouter : « Nous sommes une profession forte, à des postes clés dans des organisations puissantes. En tant qu’actuaires, nous avons la capacité de scénariser les événements. Nous pouvons donc apporter notre pierre aux experts climatiques. »

L’urgence, c’est maintenant

Puisqu’il est question de scénario, ceux du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec), n’incitent guère à l’optimisme : si rien n’est fait pour infléchir la courbe des émissions de gaz à effet de serre, la hausse des températures sera de 5,5 °C à la fin du siècle. « L’impact de 5 °C de plus ? s’interroge Jean-Marc Jancovici, président de The Shift Project. C’est très simple : la guerre partout. Parce que certaines zones vont devenir inhabitables, les rendements agricoles vont chuter, les incendies se multiplier… »

C’est pourtant bien ce vers quoi nous nous dirigeons : « Nous sommes déjà à + 1 °C », prévient Valérie Masson-Delmotte, paléoclimatologue et coprésidente du groupe de travail n° 1 du Giec (qui étudie les principes physiques du changement climatique). Le rythme du réchauffement s’accélère : « Il est aujourd’hui de + 0,2 °C tous les dix ans, poursuit Valérie Masson-Delmotte. Or chaque demi-degré supplémentaire a des conséquences importantes, notamment sur les événements climatiques extrêmes. »

Le Rapport spécial, publié en octobre 2018, par le Giec dresse la liste des conséquences d’une élévation de la température de « seulement » 1,5 °C (qui, au rythme actuel, sera atteint en 2040) : « Un monde à + 1,5 °C est un monde avec davantage d’événements climatiques extrêmes et des impacts importants sur les écosystèmes, les sociétés et les économies. » Impacts dont la liste semble sans fin : augmentation des températures extrêmes dans certaines zones (dont le bassin méditerranéen), pluies intenses dans d’autres (dont l’Europe du Nord), augmentation de l’intensité des cyclones et des sécheresses, perte de ressources côtières, déclin de 70 à 90 % des récifs coralliens, possible doublement de la fréquence des événements climatiques extrêmes, diminution des rendements de maïs, de blé, de riz et d’autres céréales…

Quand le climat se dérègle, les conséquences sont massives et dramatiques

  • X4 le nombre de catastrophes naturelles a quadruplé en 50 ans
  • 2/3 la part de la population mondiale exposée aux aléas climatiques
  • 150 000 le nombre de décès par an que causeront les canicules à l’horizon 2100

La santé en jeu

Médecin à l’Inserm, Robert Barouki ajoute les risques sanitaires : développement des maladies infectieuses, respiratoires, cardiovasculaires et cutanées, malnutrition, naissances prématurées, stress post-traumatiques liés aux événements extrêmes… « L’OMS (Organisation mondiale de la santé) estime que les températures extrêmes causeront 250 000 morts par an à travers le monde, les déséquilibres alimentaires 529 000 morts et l’extrême pauvreté 100 millions de morts en 2030 », explique-t-il. Ces tendances s’accélèrent à mesure que la température s’élève : à + 1,5 °C, 14 % de la population mondiale est exposée au moins tous les 5 ans à des températures extrêmes. Ce taux monte à 26 % si la température augmente de 2 °C. Les étés sans banquise en Arctique se produiront une fois par siècle si le réchauffement est contenu à + 1,5 °C, mais une fois tous les 10 ans s’il atteint + 2 °C.

Limiter le réchauffement climatique à 1,5 °C, comme le préconise le Giec, n’est possible que si l’ensemble de la planète prend des mesures drastiques : il faudrait réduire les émissions de gaz à effet de serre de 40 à 50 % par rapport aux niveaux de 2010 et atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050. Ce qui passe par des changements majeurs dans l’industrie, les transports, l’agriculture, la construction…

Et l’assurance ? Elle a intérêt à se pencher sérieusement sur la question : « Le nombre de catastrophes naturelles a été multiplié par 4 en 50 ans, explique Arnaud Chneiweiss, délégué général de la FFA. Leur coût a quant à lui triplé, passant de 1 Md€ par an dans les années 1980 à 2 Md€ dans les années 1990 et 3 Md€ aujourd’hui. » Selon lui, « la France sera particulièrement exposée aux risques d’inondations, de submersion marine et de sécheresse. Ce n’est pas un hasard si le Tarn-et-Garonne, qui cumule deux de ces risques, arrive en tête des départements les plus sinistrés. La question de l’assurabilité de certains territoires (dans les Antilles notamment) commen­ce à se poser. »

Le bilan des accords de Paris

  • La Conférence de Paris (Cop 21) pour le climat s’est conclue en décembre 2015 par la signature d’un accord juridiquement contraignant : les 195 pays signataires se sont engagés à contenir d’ici à 2100 le réchauffement climatique « bien en dessous de 2 °C par rapport aux niveaux préindustriels ».
  • Dès juin 2017, Donald Trump annonce le retrait des États-Unis de cet accord. Un an plus tard, l’Australie se désengage en renonçant à son projet de politique énergétique visant à réduire de 26 % les émissions de CO2 à l’horizon 2030. Après avoir envisagé, fin 2018, d’imiter Donald Trump, Jair Bolsonaro renonce mais, piétine ostensiblement les engagements pris par le Brésil. Ce qui favorise la multiplication des incendies en Amazonie…
  • Moins spectaculaire mais tout aussi inquiétant : seulement 58 états signataires ont réellement pris des mesures pour réduire leurs rejets de CO2 à l’horizon 2030. La France n’en fait pas partie.

Réinventer l’assurance cat’nat’

Directeur général de CCR, le réassureur public en charge du régime catastrophes naturelles, Bertrand Labilloy confirme : « La hausse du coût global des sinistres est majoritairement liée à des événements qui se produisent de façon récurrente. » Les territoires concernés ne resteront donc assurables que si de véritables stratégies de prévention sont mises en œuvre. Le paradoxe est que certains des territoires et des activités les plus exposés sont aussi les moins couverts. Au-delà des Antilles, Thierry Langreney, directeur général adjoint du groupe Crédit agricole Assurances et directeur général de Pacifica, pointe le cas des agriculteurs : « Seules 30 % des exploitations sont assurées ». Et ce taux n’est pas près de s’améliorer car l’assurance agricole est prise dans un cercle vicieux : manque de mutualisation, antisélection des risques, manque de rentabilité pour les assureurs, prix trop élevés aux yeux des agriculteurs « qui ont la mémoire sélective, observe Thierry Langreney. Au moment de souscrire, ils préfèrent penser aux années sans sinistres durant lesquelles ils se sont assurés ”pour rien”. »

Comment inciter les agriculteurs à mieux s’assurer ? « Il faut repenser l’ensemble du dispositif en liant la question de l’assurance à celle des aides nationales et communautaires », estime Bertrand Labilloy. En attendant, les assurtech explorent d’autres solutions : « La communauté internationale est prête à mobiliser des fonds importants pour développer de nouveaux outils de gestion du risque climatique », observe Bernard Finas, fondateur de Jola SAS et directeur de The Weather Option Ltd. Au risque de relativiser l’urgence climatique ? C’est aussi un risque…

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