Coronavirus : «Nous faisons tout pour ne pas rompre la chaîne», selon le DG délégué d'Axa France
En pleine crise du coronavirus, le secteur de l'assurance est mobilisé en première ligne pour maintenir une continuité de service. Dans un entretien accordé à L'Argus de l'assurance, Guillaume Borie, directeur général délégué d'Axa France, détaille les mesures prises en interne et auprès des réseaux de distribution pour assurer l'activité et précise de nouvelles dispositions (travail à distance, cyberattaques, construction...) dans les contrats des professionnels et des entreprises pour faire face au contexte.

Quelles ont été les dispositions prises par Axa France auprès des collaborateurs et des agents depuis les mesures de confinement ?
Nous étions en veille active depuis plusieurs semaines, et dès la première allocution du président de la République [jeudi 12 mars à 20h, NDLR], nous avons déclenché notre plan de continuité d’activité (PCA). La première phase a consisté à répondre à l’urgence sanitaire avec des mesures à destination de nos collaborateurs et de nos agents. L’ensemble de nos salariés en France exercent aujourd’hui en travail à distance. Moins de 200 personnes sur la totalité de nos 14 000 salariés continuent de travailler sur site pour des missions qui exigent une présence indispensable à la continuité de service (infrastructures technologiques, back-office). Nos agences générales (agents d’assurance et agents prévoyance et patrimoine), en lien avec leur fédération, ont été fermées au public mais l’activité se poursuit afin de traiter les demandes des clients, qui sont nombreuses dans la période actuelle. Grâce aux investissements menés ces dernières années sur le télétravail et la digitalisation des process (e-mail, SMS, appels téléphoniques…), nous sommes aujourd’hui en capacité de traiter l’ensemble des flux. C’est une performance opérationnelle, rendue possible par la mobilisation de tous dès le premier jour, qu’il s’agisse de nos équipes, des réseaux de distribution, des agents, de leurs collaborateurs… Notre lien de proximité avec les clients n’a pas été rompu. C’est le plus important pour nous.
Aurez-vous recours à de nouvelles mesures (RTT, congés imposés, CET…) dans la période actuelle ?
L’impact sur notre activité est très différent selon les métiers. Notre activité commerciale s’est naturellement réduite, et nous avons donc immédiatement pris des mesures concernant les objectifs commerciaux de nos conseillers salariés, pour leur garantir un niveau de rémunération adapté. Dans le même temps, l’activité de gestion de sinistres reste soutenue, et nous sommes très sollicités par nos clients entreprises et professionnels. Les équipes font preuve d’une disponibilité pour faire face à cette charge accrue malgré les circonstances. Nous suivons donc l’évolution de l’activité au quotidien, et regardons toutes les dispositions proposées par les pouvoirs publics, justifiées par la situation inédite que nous connaissons. Nous échangeons régulièrement avec les partenaires sociaux, mais à ce stade, aucune mesure n’a été décidée.
Beaucoup d’entreprises (artisans, TPE, PME…) sont inquiètes des conséquences de cette crise sanitaire sur leur trésorerie. Elles se tournent souvent vers les assureurs dont les réponses ne sont pas jugées satisfaisantes…
Nous sommes le premier assureur des entreprises françaises, nous vivons donc pleinement le choc massif que constitue cette crise pour tous nos clients. C’est pourquoi la deuxième phase de notre plan d’action, c’est de traiter l’urgence économique et sociale. Nous avons un rôle de premier plan à jouer. C’est d’ailleurs pour cela que nous faisons partie de la liste des organismes essentiels établie par le gouvernement. Les agents généraux et les courtiers nous relaient l’anxiété de beaucoup de professionnels, artisans, commerçants… Nous avons pris des mesures immédiates et importantes pour permettre à nos intermédiaires d’agir vite et en fonction des besoins de nos clients : report des mises en demeure, mensualisation des prélèvements, accès à un processus rapide et prioritaire de traitement des sinistres… Plusieurs centaines de dossiers ont été traités pour libérer des flux financiers d’urgence, et nous allons continuer le temps que durera cette crise.
Plusieurs syndicats professionnels dont l’Umih réclament notamment une intervention sur la perte d’exploitation sans dommages…
La situation que nous vivons est exceptionnelle et unique comme le démontre l’ampleur des plans de soutien du gouvernement. Cela suffit à expliquer que ce risque n’est pas assurable. Nous parlons de dizaines de milliards d’euros d’indemnisation potentielle sur le seul marché français. L’assurance repose sur la mutualisation et l’aléa. Les deux ont disparu avec le coronavirus. Nous ne reviendrons pas sur l’exclusion de la PE sans dommages dans la situation actuelle. En revanche, la situation des contrats d’assurance ne doit pas constituer une charge pour les secteurs touchés par le confinement.
De quelle façon ?
Nous améliorons les garanties de nos contrats pour couvrir le travail à distance. Nous étendons nos garanties en cas de cyberattaques lorsqu’elles surviennent en télétravail. Il faut protéger l’outil de travail dans la situation du domicile. Nous activons également la limitation de garantie des flottes automobile, dont beaucoup sont à l’arrêt, aux seuls risques essentiels dont le vol, afin de soulager le poste assurance des entreprises. En construction, nous étendons les dates limites pour les chantiers. En matière de prévention, nous fournissons des kits spécifiques pour accompagner nos clients dans la fermeture de leurs sites. Et enfin, Axa est le premier contributeur à l’effort de 200 millions d’euros annoncé par la profession afin d’abonder le Fonds de solidarité mis en place par les pouvoirs publics en faveur des TPE et des indépendants. Au total, ces mesures représentent un investissement significatif de la part d’Axa France, à la hauteur des enjeux et de notre responsabilité.
Comment soutenir l’activité de vos agents généraux et des courtiers de votre réseau de distribution ?
Je tiens tout d’abord à rendre un hommage à nos agents généraux Axa et aux courtiers. Leurs efforts pour maintenir leur activité dans ce contexte difficile sont tout simplement impressionnants. Nous faisons tout pour ne pas rompre la chaine, et maintenir notre calendrier de paiement et les flux financiers avec tous nos intermédiaires. Pour soutenir l’activité d’une agence générale à distance, nous avons déployé un plan d’urgence de livraison de 600 PC portables à ceux qui en ont fait la demande pour remplacer un poste fixe d’un collaborateur d’agence. Nous nous préparons à en rajouter pour permettre 1800 accès supplémentaires à distance. En parallèle, nous encourageons l’utilisation de la « e-signature », et déployons des nouveaux canaux de communication pour maintenir un lien entre inspecteurs et agents.
Axa est-il en capacité de faire face à ce choc économique et financier ?
Oui, bien entendu. Le bilan du groupe est solide avec une solvabilité élevée à fin 2019. Nous avons démontré à maintes reprises au fil des années notre capacité à résister aux chocs importants. Je rappelle que la chute du cours de Bourse, commun aux entreprises cotées du secteur, n’affecte en rien la capacité de l’entreprise à tenir ses engagements. Au plan opérationnel, l’entreprise résiste très bien, et tous nos processus fonctionnent. Nous sommes capables d’une très grande réactivité, à la fois pour répondre aux demandes de nos clients et de nos distributeurs, et pour nous adapter à l’évolution quasi permanente de la situation. En quelques jours, nous avons ajusté l’organisation de nos équipes situées au Maroc pour faire face à la mise en place du confinement dans ce pays, sans impact majeur sur notre qualité de service que nous surveillons avec la plus grande attention.
La crise des marchés financiers aura-t-elle une incidence sur votre stratégie en assurance vie, en particulier sur le fonds euros ?
Depuis 10 ans, nous avons mené une stratégie de diversification au profit de nos clients avec toute une palette de produits. Le fonds euros est un bon outil dans une stratégie de diversification, en fonction du profil et des objectifs de l’épargnant. Le contexte actuel ne bouleverse pas notre discours conseillant à nos clients de diversifier leurs investissements avec un horizon de long terme. Les unités de compte (UC) ne sont pas toutes investies en actions, elles ne sont pas toutes atteintes par la chute des cours. J’en veux pour preuve la bonne résistance de nos UC immobilières.
Les épargnants ont-ils procédé à des arbitrages massifs sur leur assurance vie ces derniers jours ?
Nous avons observé une augmentation des sollicitations des clients qui, proactivement, souhaitent s’informer et comprendre l’impact du contexte actuel sur leurs contrats. Une légère hausse de demandes d’arbitrages et de réallocations a été constatée mais nous ne pouvons pas parler de comportement massif.
Les arrêts de travail risquent de se multiplier dans la période actuelle. Tous seront-ils couverts au titre de la prévoyance ?
Je constate beaucoup d’incompréhension ou de confusion sur cette question. Lorsque vous êtes atteint par le Covid-19, vous êtes bien sûr couvert par vos contrats prévoyance et santé. En prévoyance collective et TNS, peut de surcroît se poser la question des personnes qui ne peuvent plus travailler du fait de leur état de santé préexistant (personnes fragiles). La Sécurité sociale leur autorise un arrêt de travail sans certificat médical. Nous prenons nos responsabilités et indemniserons également nos clients dans ces cas précis, pour la durée prévue de 21 jours, même si cela n’est pas normalement prévu au contrat. Notre partenaire AGIPI a également décidé de créer un fonds de solidarité de 10 millions d’euros pour permettre à leurs adhérents, en particulier les personnels soignants, de bénéficier de prises en charges immédiates et exceptionnelles au-delà des dispositions contractuelles.
Propos recueillis par Sébastien Acedo et Nicolas Thouet
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