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[Interview exclusive] La présidente de la Fédération française de l’assurance (FFA), Florence Lustman, s’est très rarement exprimée dans les médias depuis l’irruption de l’épidémie de Covid-19 et le confinement. Elle revient en exclusivité pour L’Argus de l'assurance sur les conséquences de la crise pour l’assurance, notamment son coût financier, le bilan des engagements solidaires de la profession et la polémique quant à l’indemnisation des pertes d’exploitation des indépendants.
PROPOS RECUEILLIS PAR LA RÉDACTION

L’assurance a annoncé une contribution de plus de 3 Md€ au titre de la solidarité nationale et du plan de relance de l’économie. Comment s’assurer que ces engagements seront bien tenus ?
L’assurance s’est effectivement engagée au cours de cette épidémie à apporter un soutien exceptionnel aux citoyens et à l’économie à hauteur de 3,2 Md€, à savoir 1,75 milliard de mesures de solidarité extracontractuelles et 1,5 Md€ d’investissements pour favoriser la reprise économique. Nous sommes le seul secteur privé à consentir un tel effort. La FFA vient d’interroger ses 280 membres pour faire le suivi de ces engagements et il s’avère en fait que ces mesures de solidarité dépassent largement les 1,75 Md€, elles s’élèvent à 2,3 Md€. Elles bénéficient à quelques 640 000 personnes physiques et plus d’un million d’entreprises. Nous tenons donc nos engagements et allons même bien au-delà.
Est-ce que ces 2,3 Md€ intègrent l’abondement au Fonds de solidarité nationale ?
Oui et on voit bien que cette contribution de 400 M€ n’est qu’une petite part des mesures prises par les assureurs. Quelques 860 000 professionnels ont bénéficié d’un report de primes et les impayés représentent une charge pour les assureurs d’environ 40 M€. Le dispositif d’indemnités journalières en faveur des personnes fragiles a concerné près de 19 000 personnes, pour un coût de 50 M€. Et je pourrais citer également les extensions de garanties, notamment pour les soignants, qui se chiffrent à plus de 70 M€. En parallèle, les assureurs ont pris des mesures individuelles à hauteur de 1,3 Md€ dont 630 M€ d’aides financières extracontractuelles pour 125 000 entreprises qui avaient souscrit des contrats pertes d’exploitation qui ne jouent pas dans la crise actuelle.
Comment expliquez-vous la virulence de la polémique concernant l’attitude des assureurs sur la prise en charge des pertes d’exploitation ?
Je crois qu’il y a eu un fossé entre d’un côté des assurés qui - en toute bonne foi - pensaient être couverts par leurs contrats pertes d’exploitation, et de l’autre les assureurs qui affirmaient aussi de bonne foi que le risque pandémique était clairement exclu de leurs contrats. Et on peut comprendre en effet que pour la plupart de ces TPE en détresse, les contrats de pertes d’exploitation soient apparus comme une bouée de sauvetage. Côté assureurs, nous avons répété depuis le début de la crise que la pandémie était un risque systémique, donc non assurable. Au fil du temps, il est apparu qu’une petite fraction des contrats pouvait néanmoins laisser une marge d’interprétation, avec des clauses qui avaient été rédigées à une époque où personne n’aurait évidemment imaginé la situation que nous connaissons aujourd’hui. Je me réjouis que l’ACPR se soit saisie du sujet. Cela permettra de clarifier les choses avec objectivité et sérénité.
Faut-il, selon vous, engager un travail de réflexion sur la lisibilité des garanties contractuelles ?
L’action des assureurs s’inscrit dans un temps long qui n’est pas toujours celui du temps médiatique. Je ne dis pas que tout a été bien fait et nous aurons, bien sûr, encore des efforts à mener sur la rédaction des contrats. Mais il ne faut pas tirer des conclusions hâtives. La grande diversité de notre secteur est un énorme atout pour les consommateurs. Il permet à chacun de trouver le contrat le mieux adapté à ses besoins et au meilleur prix. Cette crise révèle également le vrai besoin d’éducation financière de nos concitoyens et d’une compréhension plus profonde des garanties qu’ils souscrivent. Nous avons commencé à travailler sur ce sujet en lien avec la Banque de France.
Avec le recul, n’estimez-vous pas que certaines erreurs de communication ont été commises ?
La FFA a communiqué les messages et engagements collectifs et, en parallèle, nos 280 membres pouvaient évidemment annoncer en toute liberté leurs propres orientations. Je conçois que cela ait pu brouiller parfois les messages aux yeux de l’opinion mais c’est cohérent avec la gouvernance de notre secteur. Je l’assume totalement. Il faut expliquer que notre secteur est divers avec des modèles économiques très différents. Cette crise va affecter les assureurs mais pas tous au même degré. Certains peuvent se permettre des gestes commerciaux plus importants que d’autres.
Que répondez-vous aux réseaux de distribution, et notamment aux agents généraux, qui se désolent du manque de solidarité entre adhérents de la FFA ?
Des gestes de solidarité, il y en a eu beaucoup ! Dès le début, nous avons pris des mesures collectives à destination des personnes vulnérables. Tout cela est passé totalement inaperçu ! Pendant la crise, nous n’étions pas audibles. Les 400 M€ versés au Fonds de solidarité ont capté toute la lumière médiatique, occultant le reste. Une crise de cette ampleur est inédite. Fallait-il prendre d’autres mesures ? Je ne parierai pas, par exemple, sur la sinistralité auto en 2020 qui repart à la hausse depuis le début du déconfinement. Rendez-vous à la fin de l’année pour faire les comptes. Le secteur a perdu beaucoup plus d’argent avec la baisse des produits financiers qu’il n’en a gagné avec la baisse de la sinistralité durant le confinement.
« L’affaire » Crédit Mutuel a suscité de vives réactions dans la profession. Comment évolue la procédure en interne ? Faut-il aller jusqu’à exclure les ACM de la FFA ?
Je suis la présidente de tous les membres. Je respecte notre gouvernance. Lorsque j’ai reçu le courrier adressé par Jean-Laurent Granier et Thierry Martel, je l’ai immédiatement partagé avec les trois vice-présidents [Jean-Laurent Granier, Thierry Martel et Jean-François Lequoy, NDLR]. Nous avons unanimement décidé d’interroger la commission de déontologie pour nous éclairer sur les points juridiques évoqués. Il s’agit d’une commission technique et, par conséquent, non disciplinaire. Il n’y a aucune procédure interne d’exclusion du Crédit Mutuel en cours. L’ACPR s’est saisie du sujet des pertes d’exploitation. Le superviseur est le plus légitime pour s’exprimer sur cette question. Sur la problématique du droit au contrat, c’est au juge qu’il appartient de trancher.
La FFA participe au groupe de travail de Bercy en vue de créer un nouveau dispositif assurantiel pour couvrir les entreprises en cas d’événement exceptionnel comme le Covid-19. Quel est, à ce stade, le scénario privilégié par la FFA ?
Nous avons pris l’initiative de travailler sur ce sujet dans le but de nourrir la réflexion pilotée par la direction générale du Trésor. Nous nous sommes entourés de professionnels de l’assurance, mais aussi de représentants de la société civile, d’entreprises, de parlementaires, auditionnés en un temps record. Nos pistes de réflexion s’appuient sur un régime public-privé à l’image du régime de catastrophes naturelles, qui devra se montrer très efficace en cas de crise majeure. L’indemnisation doit être rapide, et par conséquent forfaitisée. C’est une solution réaliste et moins coûteuse que si l’on ambitionnait de prendre en charge toutes les pertes d’exploitation. Elle se concentrerait sur les TPE/PME, en première ligne dans cette crise. Les grandes entreprises ont des besoins particuliers, et des moyens dont ne disposent pas les plus petites. Enfin, on peut imaginer de rattacher ces garanties aux contrats d’assurance couvrant les incendies ou les pertes d’exploitation.
Vous allez soumettre cette proposition au groupe de travail. Qu’en attendez-vous ? Un projet de loi à la rentrée, comme l’a laissé entendre la majorité ?
Les conclusions de nos travaux seront arbitrées dans les prochains jours par le conseil exécutif. Il s’agit d’une contribution ouverte de la FFA au débat public, sur ce qu’il est possible de faire raisonnablement dans une logique assurantielle. En cohérence avec mon ambition pour cette Fédération : être davantage présent dans le débat public. Mais ce sujet n’est pas seulement une question technique mais une question sociétale sur la manière dont nous souhaitons gérer la prochaine crise de ce type. Nous espérons que nos travaux seront utiles aux parlementaires qui vont en débattre.
Le vice-président de l’ACPR Bernard Delas a alerté sur « l’impact majeur » de cette crise sur le secteur. Comment les assureurs traversent-ils la crise, en termes de solvabilité notamment ?
La crise est profonde et les assureurs vont être intensément touchés. Nous analysons actuellement les différents impacts sur le secteur. Tout d’abord, en termes de sinistralité. La branche automobile, après une pause pendant le confinement, devrait voir la sinistralité repartir à la hausse. Nous recensons, par ailleurs, d’autres branches dans lesquelles les risques sont aggravés, en entreprises, en assurance-crédit, en responsabilité civile et en prévoyance. Les impayés vont aussi affecter le chiffre d’affaires et les assureurs subissent des dépréciations d’actifs du fait de la situation sur les marchés financiers. Ce à quoi s’ajoute le coût des gestes de solidarité du secteur.
Le Lloyd’s a évalué l’impact de la crise sur l’assurance mondiale à 200 Md$. La France représentant 5% du marché mondial, l’impact pourrait s’élever à 10 Md$ ou 9 Md€. Cet ordre de grandeur ne me paraît pas incohérent au regard des évaluations que nous menons actuellement.
Les assureurs ont toutefois abordé cette crise avec un ratio de solvabilité de 200 % en moyenne. L’impact du Covid-19 estimé par l’ACPR est de l’ordre de 20 à 30 points sur ces ratios, les assureurs vont donc rester solvables.
Le troisième projet de loi de finances rectificative (PLFR 3) est en discussion au Parlement. Redoutez-vous que l’idée de créer une taxe exceptionnelle sur l’assurance ne ressurgisse ?
Aucune menace n’est jamais à écarter. Mais j’ai l’impression que notre important travail de pédagogie commence à porter ses fruits. Le suivi très précis de nos engagements plaide en notre faveur ; les parlementaires ont conscience que nous avons déployé un effort colossal tout en préservant l’intérêt de nos assurés. Nous avons également mis en œuvre rapidement notre programme d’investissements pour soutenir la reprise. Les parlementaires sont sensibles à ces gestes concrets qui témoignent de notre volonté d’agir.
L’exécutif vient d’annoncer la création d’un cinquième risque pour la dépendance. Est-ce qu’un tel choix ne conduit pas à écarter l’assurance d’un rôle dans la prise en charge de la perte d’autonomie ?
Pour avoir dirigé le plan Alzheimer pendant cinq ans, je ne peux que me réjouir de l’engagement des pouvoirs publics sur le sujet. Mais quelle est la réalité de leur projet ? Nous n’avons pour le moment que l’information d’une contribution de 2 Md€ de l’Etat, qui n’est pas négligeable, mais en deçà du besoin de financement annuel de 10 Md€ évoqué par le rapport Libault. Il y a de la place pour d’autres intervenants et la FFA a construit avec la Mutualité française une très belle proposition qui a pour mérite de couvrir très largement la population pour les risques les plus lourds – les GIR 1 et 2. Le choix d’une inclusion à la complémentaire santé permet en outre au régime d’être opérationnel immédiatement en s’appuyant sur le principe de la répartition.
Etes-vous satisfaite de l’amendement du gouvernement en faveur du maintien des garanties santé/prévoyance pour les salariés en activité partielle ?
La FFA fait partie des organisations à l’origine de cette proposition. J’ai beaucoup milité en sa faveur, et je me réjouis de son adoption. Et cela en premier lieu pour les assurés : il aurait été très choquant que les salariés en activité partielle se retrouvent dans une situation épouvantable, dépourvus de couverture prévoyance et santé.
L’assurance vie a connu une importante décollecte en avril : est-ce que le Covid-19 peut éloigner les Français de leur produit de placement préféré ?
L’assurance vie a en effet enregistré un collecte négative deux mois d’affilée. La poursuite de cette tendance serait une très mauvaise nouvelle pour l’économie, car ce sont les assureurs qui la financent : 60% de leurs actifs sont investis dans les entreprises. Mais cette décollecte montre aussi toute l’utilité de nos réseaux de distribution qui ont été à l’arrêt pendant le confinement : sans animation commerciale, cette décollecte n’est pas surprenante !
Mais les épargnants semblent privilégier d’autres supports que l’assurance vie …
Le flux d’épargne important sur les livrets A et les comptes bancaires traduit les inquiétudes sur l’avenir et la volonté des Français de maintenir une épargne disponible. Notre travail est de conseiller les assurés au regard de leurs besoins et de leur appétit pour le risque. A nous de faire valoir que le maintien de liquidités n’empêche pas d’abonder l’assurance vie. Cette phase de conseil doit être également l’occasion d’en finir avec une séparation manichéenne entre Euros et UC qui peuvent aussi incorporer des garanties. Certes les marchés financiers ont fortement chuté au début de la crise, puis ont rebondi. Ce type d’aléa fait partie de la vie du contrat et il est systématiquement évoqué lors de la souscription d’UC.
Propos recueillis par Aurélie Abadie, Sébastien Acedo et François Limoge
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