RC médicale, la guerre des hôpitaux publics

La Sham, acteur historique de la RC médicale, et le courtier BEAH se disputent ce marché depuis 10 ans. BEAH vient de porter plainte auprès du parquet financier pour « favoritisme » et « prise illégale d’intérêt » dans l’attribution du marché des Hospices civils de Lyon (HCL).

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RC médicale, la guerre des hôpitaux publics

C’est le dernier épisode en date d’une guerre qui fait rage depuis 10 ans. En 2009, le courtier indépendant BEAH (Bureau européen d’assurance hospitalière) a débarqué sur le marché hexagonal de la RC médicale. Acteur historique sur le marché, la mutuelle d’assurance Sham a alors vu d’un mauvais œil l’arrivée de ce trouble-fête venu la concurrencer et tirer les prix à la baisse. Depuis, les deux acteurs se livrent une guerre sans merci, se contestant à tour de rôle l’attribution de marchés publics dans le secteur hospitalier. Selon le site d’investigation local Médiacités, BEAH vient ainsi de porter plainte contre X auprès du parquet national finan­cier pour « favoritisme » et « prise illégale d’intérêt » dans l’attribution du marché des Hos­pi­ces civils de Lyon, un contrat historiquement détenu par Sham et qui a été remis en jeu en 2018. Ce groupement lyonnais de 13 hôpitaux a décidé de ne pas attribuer ce marché de 5 M€ au motif qu’il ne pouvait trancher entre l’offre de la Sham et celle du BEAH.

Un nouvel appel d’offres

Le contrat existant avec la Sham a donc été prolongé de quelques mois, en attendant de lancer un nouvel appel d’offres. Rien d’anormal, se défend la Sham : « Le marché des HCL a été déclaré sans suite, comme cela peut arriver dans le cadre de la procédure de passation de marchés publics, pour des raisons liées à la sécurisation de l’analyse des offres des différents concurrents. Une nouvelle procédure va être relancée prochainement. » Pour BEAH, c’est clair : il s’agit de « concurrence déloyale ». Le courtier dénon­ce en particulier un conflit d’intérêt dans la prise de décision, la directrice des HCL, Cathe­rine Geindre, étant présidente de la Conférence des directeurs généraux de CHU et, de fait, membre du conseil d’administration de la Sham.

« La Sham est une société d’assurance mutuelle, et à ce titre, les administrateurs de la mutuelle font statutairement partie de ses clients-sociétaires (établissements publics et privés de santé, établissements médico-sociaux, professionnels de santé…) », argue la mutuelle. Et de rappeler que l’article L. 322-26-2 al 3 du code des assurances prévoit expressément que « tout élu ou agent public peut siéger au conseil d’admi­nistration ou de surveillance d’une société d’assurance mutuelle en tant que représentant d’une personne morale de droit public elle-même sociétaire ». Rien d’illégal, donc, dans le fait que Catherine Geindre, représentant les HCL, siège au conseil de la Sham dont les HCL sont sociétaires.

Conflit d’intérêt ou pas ?

« Les administrateurs, qui exercent leur rôle à titre parfaitement bénévole, participent à la gouvernance non exécutive de Sham, c’est-à-dire qu’ils définissent les grandes orientations stratégiques de l’entreprise et suivent leur mise en œuvre par la direction générale. À ce titre, ils n’ont aucun rôle opérationnel. En aucune façon le conseil d’administration n’a à connaître des procédures d’appel d’offres en cours », précise par ailleurs la mutuelle… Un argument qui ne convainc pas Marco Fava­le, directeur général du BEAH. « Cathe­rine Geindre est membre du comité financier du conseil d’administration de la Sham, qui définit la stratégie et les prix de la mutuelle. On a du mal à croire qu’elle n’a pas d’intérêt à voir la Sham engranger de bons résultats. Elle aurait dû se retirer du conseil d’administration lorsque l’appel d’offres a été lancé », confie-t-il à L’Argus de l’assurance.

Marco Favale se dit échaudé par des « pratiques commer­ciales déloya­les » de la part de la Sham. « Nous avons déjà obtenu gain de cause dans une série de contentieux. La Sham dispose de moyens de pression politique sur les directeurs d’hôpitaux. Souvent, les pratiques sont les mêmes : lorsque la Sham ne peut remporter l’appel d’offres, des moyens d’évitement administratif sont trouvés pour ne pas réattribuer le marché. » Pour le directeur général du BEAH, « les Hospices civils de Lyon, c’est le dossier de trop. Nous avons travaillé un bon mois sur cette offre qui aurait permis à ces hôpitaux d’économiser 1,5 M€ par rapport au marché précédent ». Depuis son arrivée il y a 10 ans, le courtier qui place des contrats auprès du Lloyd’s of London, CNA ou encore AM Trust, subirait une « politique agressive de la Sham ». Jusqu’en 2009, le marché des hôpitaux publics se partageait, en effet, entre la Sham qui détenait 80 % des contrats et Axa pour les 20 % restants.

  • 439 M€ Le chiffre d’affaires du groupe Sham enregistré en 2017 (+ 15 %)
  • 25,7 M€ Le résultat net du groupe Sham en 2017 (+ 42 %)

Sham en quasi-monopole

Une situation de « duopole » qui aurait permis, selon Marco Favale, de pratiquer « une politique commune de tarifs à la hausse ». L’arrivée de BEAH aurait permis de diviser les prix par deux en 10 ans, estime-t-il. En cassant les prix, au mépris des fondamentaux techniques, argue son concurrent. « Nous remportons un appel d’offres sur trois ou quatre. Ce serait beaucoup plus si nous cassions réellement les prix ! Nous effectuons juste notre travail de courtier », répond le DG de BEAH, qui ne détient en portefeuille que sept ou huit CHU sur une totalité de 32 hôpitaux en France. « En vérité, c’est la Sham qui casse ses prix dans un réflexe de survie pour défendre son porte­feuille. Lorsque l’on fait une offre qui représente moins de la moitié du coût des sinistres, on fait du dumping ! », ajoute-t-il. L’arrivée de cette concurrence nouvelle a, de fait, redistribué les cartes sur le marché de la RC médicale. Les derniers résultats financiers publiés par le groupe Sham, pour l’année 2017, ont ainsi été tirés par sa croissance à l’international, tandis que son chiffre d’affaires dans l’Hexagone a accusé un recul de 6,3 M€.

« En France, sur un marché en pleine mutation, la forte concurrence entre les acteurs et la pression tarifaire exercée à la baisse ont un impact direct sur l’activité historique d’assurance responsabilité civile médicale, qui représente 55 % de notre chiffre d’affaires en 2017, contre 66 % en 2016 », précise le groupe.

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