Courtier, un métier qui a encore de l’avenir
Journées du courtage 2018 Dossier

Le courtage est confronté à des contraintes en tout genre et les relations avec les assureurs ne sont pas toujours simples. Néanmoins, les effectifs de la profession sont en augmentation. Preuve que le métier a encore de beaux jours devant lui.
Être courtier en assurance n’est pas un long fleuve tranquille. Entre les évolutions législatives et réglementaires, une concurrence accrue, des clients de plus en plus exigeants, une digitalisation tous azimuts, l’apparition de nouveaux risques – le cyber notamment –, il y a fort à faire. Sans parler de l’évolution démographique de la profession liée au nombre élevé de départs en retraite. « C’est un métier qui est en perpétuel renouvellement. En 25 ans de carrière, je ne pense pas avoir vécu une année sans évolutions, sourit Bertrand Villeneuve, directeur commercial de Ciprés Assurances. Le courtier qui réussit – et qui réussira demain – sera celui qui sera capable de s’adapter. » Un constat qui vaut, selon lui, pour les petits, mais aussi pour les gros acteurs. Des propos qui font écho à ceux de Michaël Fitoussi, associé fondateur de Kyrin Courtage : « Le courtier monocanal qui ne travaille qu’en agence aura peu de chances de survivre. Idem pour celui qui ne commercialise que des produits de masse. Aujourd’hui, un courtier se doit d’être multicanal et polyvalent sur un grand nombre de risques. Bref, il est nécessaire de se muer en véritable couteau suisse, que ce soit sur la maîtrise des processus de souscription, de gestion des contrats, de la réglementation, du digital, etc. Le courtier se doit d’être un manager et un gestionnaire hors pair. » À les entendre, le métier de courtier n’est donc pas une sinécure. Dans ce contexte : la profession a-t-elle conservé son pouvoir de séduction ? La réponse est oui, si l’on en juge par les statistiques de l’Orias, le registre unique des intermédiaires ayant recensé 23 780 courtiers en juillet 2018 contre 23 299 en juillet 2017, soit une augmentation de 2% des effectifs dans la profession. Ce qui veut dire qu’il y a bien des installations de nouveaux courtiers pour pallier les départs en retraite.
La première difficulté, obtenir des codes
Ceux qui entrent dans le métier sont néanmoins confrontés à une difficulté de taille : l’ouverture de codes chez les porteurs de risque. Cette démarche semble de plus en plus compliquée. Surtout dans les grandes compagnies d’assurance. Celles-ci se défendent de vouloir réduire le nombre de courtiers avec lesquels elles travaillent. Les assureurs mettent plutôt en avant une sélection raisonnée des intermédiaires collaborant avec eux. « Régulièrement, des courtiers souhaitent acquérir de nouveaux codes chez nous. Mais attention, nous n’ouvrons pas des codes pour en ouvrir. L’objectif est de créer un partenariat de développement dans le temps », explique Bruno de Seguins, le directeur de la direction commerciale proximité chez Aviva France. Même son de cloche chez Generali, qui assume son choix de vouloir construire « une relation durable » avec ses courtiers, selon Arnaud Leboucher, directeur commercial courtage IARD. « Plutôt que de raisonner en nombre d’ouvertures de codes, nous raisonnons en termes de durée. Nous devons pouvoir construire une relation de business, de développement. Parce que le courtier qui créé son activité, c’est une personne sur laquelle nous allons beaucoup investir, qu’il s’agisse du temps que les inspecteurs passent avec lui, du temps d’accompagnement, notamment pour les former à l’utilisation de nos nouvelles filières de souscription, comme pour Generali Protection Flottes ou Generali Protection Entreprises. »
Les courtiers grossistes sont-ils les grands gagnants ?
Une stratégie de sélection de la part des compagnies qui, selon Michael Fitoussi, fait les affaires des courtiers grossistes. « De ce fait, ces derniers en profitent pour démarcher activement les courtiers de proximité en leur proposant un accompagnement différenciant. » Comment ? Selon le dirigeant de Kyrin Courtage, outre des inspecteurs spécialisés par ligne de métier, les courtiers grossistes proposent des plateformes ou extranets performants, permettant une souscription et un suivi du portefeuille digitalisés, un accompagnement dans la réalisation d’actions de marketing direct et des offres segmentées couvrant un large panel de risques. Ce que confirme Claire Fabre, directrice d’April Courtage : « Chez April, nous ouvrons des codes continuellement. L’intérêt, chez nous, c’est l’accompagnement du courtier pour répondre à ses problématiques. » Même argumentaire chez Ciprés Assurances, qui revendique 6 000 courtiers référencés : « Aujourd’hui, les grands noms de l’assurance n’ouvrent plus des codes aussi facilement qu’il y a dix ans, confie Bertrand Villeneuve. C’est tout l’intérêt de passer par des courtiers grossistes, car en ouvrant un code chez Ciprés Assurance, un courtier a accès à Malakoff Médéric, Axa, Groupama Gan, Allianz…».
Des aspirants expérimentés
Quel est le profil des courtiers entrant aujourd’hui dans la profession ? Bertrand Villeneuve recense quatre principales catégories : des commerciaux de compagnies qui s’installent, des cadres d’assureurs, principalement basés en région parisienne, qui reprennent des cabinets en province, d’ex-chefs d’entreprise ou ex-banquiers s’établissant comme courtiers, mais plutôt avec une vocation de CGPI, et enfin des agents généraux exerçant une activité de courtage accessoire. « Pour la plupart, ceux qui cherchent à s’installer sont des collaborateurs de compagnies ou de courtiers qui ont une fibre entrepreneuriale », estime Thierry Rogez, directeur commercial courtage Vie chez Generali, qui réfute l’idée selon laquelle de plus en plus d’intermédiaires épouseraient le métier de courtier sans avoir d’expérience dans l’assurance. « Des profils de personnes issues d’un autre secteur que l’assurance, c’est plutôt ce que l’on observe chez les agents généraux », ajoute Thierry Rogez pour qui il n’y a pas de « génération spontanée de courtiers, qui sortent d’une école pour devenir intermédiaire ». Bref, le portrait-robot du courtier serait celui, par exemple, de Jean-François Cousin, établi à Audruicq (Pas-de-Calais), et qui a toujours baigné dans ce monde. « Pour moi, reprendre le cabinet créé par mon père était une évidence. Je voulais perpétuer la tradition familiale. » Fait nouveau, dans son observatoire 2018 sur les courtiers de proximité (602 professionnels interrogés), April relève également une tendance à la féminisation du métier, avec 30% de femmes, contre 23% il y a cinq ans. Le grossiste lyonnais constate aussi une tendance à l’amélioration des formations initiales chez les courtiers avec lesquels il travaille, qui affichent des formations allant de Bac +2 à Bac +4 ou +5, les diplômés d’écoles de commerce étant de plus en plus nombreux.
Le métier attire de nouveaux profils
Le métier attire donc des profils qu’on ne voyait pas précédemment, ce qui est bon signe. Tous les acteurs interrogés par L’Argus estiment d’ailleurs que la profession a de beaux jours devant elle. « À condition que les courtiers négocient le virage des différentes évolutions et qu’ils combinent le digital avec le service de proximité et de conseil », affirme Arnaud Leboucher. Un constat partagé par Michael Fitoussi : « Le métier de courtier est compliqué et va encore se complexifier. Mais il a, à mon sens, encore de l’avenir, à condition de bien se positionner sur une cible, avec un niveau d’expertise accru et des innovations constantes pour se différencier ». A fortiori lorsque, comme le rappelle Franck Le Vallois, membre du comex et en charge de l’unité distribution d’Allianz France, on assiste à « l’émergence de nouveaux acteurs, notamment des courtiers en ligne comme +Simple, qui mettent énormément l’accent sur l’expérience client ».
Éric Wauquiez (Synervial) : « Je bâtis un projet.
Pour moi, ça n’a pas de prix »
C’est après avoir exercé en tant que salarié dans un cabinet de courtage, puis dans une compagnie en tant qu’inspecteur, qu’Éric Wauquiez décide de reprendre, en décembre 2017, le cabinet de courtage lyonnais Synervial, spécialisé en assurance de personnes. « Après avoir étudié un certain nombre d’opportunités, j’ai décidé qu’il fallait prendre le risque. Un de mes clients souhaitait vendre son cabinet, explique ce quinquagénaire. Il a fallu pratiquement un an pour finaliser l’opération. J’ai choisi de devenir courtier car c’est un milieu que je connais bien. Il y a de l’indépendance et je bâtis un projet. Pour moi, ça n’a pas de prix. Mon ambition est de développer mon cabinet tout en gardant une taille humaine, en mettant l’humain au centre. Pour un petit comme moi, la réglementation vient, certes, compliquer les choses mais je pense que cela va permettre un écrémage du marché et, pourquoi pas, à terme, se transformer en opportunité. Nous sommes confiants. »
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