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Dans un environnement de taux bas, l’engouement des fonds d’investissement pour les cabinets de courtage n’a jamais été aussi fort, et les opérations se multiplient. Ce qui entraîne une envolée des prix de cession...

Le courtage, nouvelle poule aux œufs d’or des fonds de private equity ? Phénomène apparu il y a une quinzaine d’années, le rapprochement entre courtiers et fonds d’investissement trouve son origine dans le capital transmission : à l’époque, il s’agissait de permettre à des familles fondatrices de vendre, tout en récompensant les managers pour leur fidélité et leur performance, en leur offrant l’opportunité de devenir actionnaires. Aujourd’hui, les motivations qui poussent les courtiers à se rapprocher des fonds plutôt que d’autres acheteurs sont plus nombreuses : non seulement ces derniers concentrent une grande partie des capitaux disponibles sur le marché, mais ils valorisent plutôt bien les cabinets, et leur permettent de répondre à une pression réglementaire croissante, exigeante en investissements humains et technologiques. « La recherche de la taille critique incite les acteurs à se rapprocher pour mutualiser ces coûts réglementaires imposés par l’extérieur. Or ils ont besoin des fonds d’investissement pour trouver les capitaux nécessaires à leurs opérations de croissance externe », résume Pierre Decré, partner au sein de Parquest Capital. « Les fonds permettent aux courtiers de poursuivre leur maillage géographique ou de compléter leur offre produits », souligne aussi Monique Cohen, directrice associée d’Apax Partners, qui a récemment accompagné Ciprés Assurances dans le rachat d’Axelliance.
? 2011 JC Flowers rachète CEP-CBP, un courtier nantais spécialisé en assurance emprunteur, pour près de 900 M€ (environ 10 fois l’ebitda?(1)).
?? Février 2017 West Street Capital Partners VII (Goldman Sachs) débourse 265 M€ pour acquérir Meilleurtaux à Equistone, qui en avait fait l’acquisition en 2013 pour 25 M€.
?? Juillet 2017 Apax Partners remplace TA Associates au capital de Ciprés Assurances, qui rachète Axelliance en 2018 pour des multiples proches de 15 fois l’ebitda.?
? Juin 2018 Qualium Investissement rachète Eurodommages au fonds Cobalt Capital avec des multiples proches de 13 fois l’ebitda.
?? Juin 2018 Charterhouse entre au capital de Siaci Saint Honoré et franchit la barre symbolique du milliard d’euros.?
? Juillet 2018 Eurazeo PME signe un accord en vue de la cession au fonds à TA Associates de sa participation dans le groupe Odealim (ex-AssurCopro), courtier en assurances des copropriétés, et réalise un multiple de deux fois son investissement initial.
La tendance s’accentue
De leur côté, à la recherche d’investissements rentables dans des actifs non cotés, les fonds apprécient particulièrement les cabinets de courtage. « La tendance n’est pas nouvelle, mais elle s’est accentuée ces dernières années », confirment en chœur Philippe André, directeur général de Priscus Finance, et Pierre-Alain de Malleray, président du groupe Santiane, qui en est à son troisième fonds. Dans un environnement de taux bas et de faible performance des actifs financiers, où les liquidités abondent, les sociétés de courtage sont la cible de toutes les attentions. Elles sont même « le portrait-robot » de ce que les fonds recherchent, selon Pierre-Alain de Malleray : « Leur croissance dépasse celle du PIB, même dans les pays matures. Et, contrairement à d’autres secteurs, elles n’immobilisent pas beaucoup de capital. » « Ces structures offrent une conversion de l’Ebitda [NDLR : bénéfice d’une société avant soustraction des intérêts, impôts, taxes, dépréciation et amortissements] en cash très importante, une forte récurrence des cash-flows et des taux de marge élevés. Les effets de levier sont donc importants », renchérit Pierre Decré. « En outre, les sociétés de courtage maîtrisent la data et offrent un accès direct aux clients, ce qui est aujourd’hui précieux », complète David Hamelin, fondateur du cabinet en recrutement People Leverage et ex-banquier conseil.
Autant d’atouts qui attirent les investisseurs. Le montage financier est assez simple, en général basé sur le principe du LBO pour leverage buy out (achat par effet de levier) : un ou plusieurs managers du cabinet investissent entre 1 et 3% du montant de la transaction, le fonds, aux alentours de la moitié, et le reste constitue de la dette. L’idée étant que celle-ci soit, à terme, remboursée par les résultats de l’entreprise rachetée. Le management en place, qui connaît bien la structure et sa stratégie, rassure les fonds sur la continuité de l’activité et sa profitabilité. Au bout d’une période comprise entre cinq (voire quatre actuellement) et sept ans, le fonds cède l’entreprise, le plus souvent à un autre fonds, en réalisant une plus-value.
Opération de croissance
Les fonds apprécient particulièrement de pouvoir développer les entreprises qu’ils détiennent. Le courtier Finaxy Group (détenu par le fonds Equistone Partners), a ainsi réalisé 17 opérations de croissance externe en cinq ans. Le hic, c’est que ces opérations de build-up (des LBO qui procèdent à l’acquisition d’autres sociétés) se multiplient. Le mouvement semble même sans fin, les petits se faisant manger par les moyens, lesquels se font racheter par les gros.
Dans cette course effrénée, personne ne semble épargné, pas même le géant Siaci Saint Honoré, dont le management vient de réaliser un LBO avec le fonds Charterhouse, pour le montant record de 1,05 Md€. Et les prix flambent ! Alors que dans les opérations de cession classiques, il y a une dizaine d’années, les estimations s’appuyaient sur le chiffre d’affaires annuel net de rétrocessions multiplié par deux à trois, les fonds ont aujourd’hui une approche de valorisation plus favorable aux courtiers : entre 9 et 12 fois l’Ebitda. « Nous sommes passés d’une logique patrimoniale axée sur les commissions à une logique de rentabilité financière », résume Jean-Louis Duverney Guichard, partner spécialisé en M&A chez EY. Et, logiquement, quand plusieurs fonds sont intéressés par les mêmes cibles, les prix grimpent… « Pour les récentes opérations en courtage, nous sommes arrivés à des multiples proches d’avant la crise, voire supérieurs, ce qui inquiète certains. Le mot de bulle commence à être sur les lèvres » confie Pierre Decré. Pourtant, à en croire les principaux intéressés, les conditions d’une bulle spéculative ne seraient pas réunies. En premier lieu parce que les taux d’intérêt sont proches de zéro, contrairement à la période qui a précédé la crise de 2008.
L’aubaine des taux bas
« Les montages financiers devraient continuer de bénéficier d’un environnement de taux bas pendant encore quelques années car les économies européennes restent fragiles et les États sont trop endettés pour se permettre une hausse des taux », analyse Jean-Louis Duverney Guichard. « On peut parler de hausse des prix, mais pas de bulle, car ces montants reflètent la qualité du business model, notamment sa récurrence et sa visibilité claire sur l’année », tranche Monique Cohen d’Apax Partners. En outre, pour Philippe André, « la différence actuelle entre le taux de rendement interne (TRI) des obligations d’État (2%) et celui des LBO (15%) correspond à une prime de risque rémunératrice. Il n’y a donc pas de bulle spéculative.» Et d’ajouter : « Si, demain, les taux d’intérêt remontaient, il y aurait peut-être une diminution des multiples, mais pas drastique. »
Enfin, comme le rappelle David Hamelin, « dans les opérations de LBO, les courtiers ne choisissent pas toujours le plus offrant, car le courtage reste un people business ». Dans le cas de Siaci Saint Honoré ou d’AssurCopro, les managers ont ainsi refusé de faire voler en éclat le management, malgré des valorisations alléchantes. Pas d’inquiétude, donc, selon les spécialistes interrogés, même si l’un d’entre eux confesse : « Personne ne dira qu’il y a bulle, mais tout le monde y pense…». Une chose reste certaine pour David Hamelin : « En achetant les entreprises à un prix trop élevé, cela créé des attentes fortes et met la pression sur les équipes pour délivrer la croissance attendue. Le private equity devrait mettre les sociétés sous tension, mais pas sous pression. »
Jean-Louis Duverney Guichard : « C’est presque une faute de ne pas avoir de courtier dans son portefeuille »
« L’engouement des fonds de private equity pour le courtage est assez récent, mais s’explique par le business model des cabinets, riche en trésorerie, où l’on peut financer en partie l’opération avec de la dette. En outre, le secteur du courtage, bien que concentré au sommet avec les majors, est encore très atomisé, ce qui se prête aux build-ups, très appréciés par les fonds. Enfin, avec l’arrivée de nouveaux entrants, les courtiers sont vus comme des entrepreneurs dynamiques, à la fois agiles et malins. Leur approche plus financière que patrimoniale séduit. Cet effet de mode dépasse le marché français, et atteint même les fonds anglo-saxons : aujourd’hui, c’est presque devenu une faute de ne pas avoir de courtier dans son portefeuille ! L’engouement est particulièrement sensible pour les actifs de taille significative, autour de 5 M€ d’Ebitda. Pour autant, malgré cet effet rareté, et des multiples qui augmentent, je ne crois pas à l’explosion d’une bulle, car les actifs qui se valorisent le mieux ont démontré leurs avantages compétitifs. »
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