Complémentaire santé : Alerte sur l’hopital
Une progression à deuxchiffres des remboursements consacrés à l’hôpital: c’est la surprise de l’année écoulée pour les organismes complémentaires santé. Alors qu’ils remboursent à peine 5% dessoins hospitaliers, ceux-ci figurent parmi leurs premiers postes de dépenses.
Public comme privé, l’hôpital devient un sujet d’inquiétude pour les organismes complémentaires santé. L’an dernier, des hausses de l’ordre de 6 à 8% des dépenses liées à l’hôpital étaient déjà signalées. Cette année, les organismes complémentaires évoquent une progression de 10 à 15% « C’est le poste qui nous inquiète le plus », déclare Isabelle Hébert, directrice de la stratégie et du marketing santé et prévoyance du groupe de protection sociale Malakoff-Médéric « C’est aujourd’hui l’un de nos premiers postes. Il représente un peu plus de 25% de nos dépenses, soit autant que le médicament », explique David Dorn, directeur du marché santé,prévoyanceet dépendance individuelles d’Axa France. La dérive est-elle liée à une explosion des dépassements? Pendant la campagne présidentielle, de nombreuses voix s’étaient élevées en ce sens, stigmatisant les problèmes d’accès aux soins. Un mois avant le premier tour, une enquête de 60 millions deconsommateurs avait fait grand bruit. Le mensuel de l’Institut national de la consommation avait passé au crible, avec la société de services Santéclair, les dépassements pratiqués par les 1864 médecins de secteur 2 autorisés à fixer librement leur tarif dans le cadre de leur activité libérale à l’hôpital public. Elle révélait des pointes à 1200 € pour une opération de la cataracte à Lyon (pour un tarif Sécurité sociale de 271,10 €), ou 5000 € pour une prothèse de la hanche à Paris (459,80 € pour la Sécurité sociale).
Dépassements d’honoraires qui se généralisent
Ces dépassements excessifs ne sont pas la principale cause de la hausse. « La plupart des chirurgiens procèdent avec tact et mesure. Il y a une sorte de régulation qui s’opère de fait », constate Didier Bazzocchi, directeur général délégué de Covéa santé et prévoyance. Au-delà des tarifs exorbitants de quelques mandarins, c’est une multiplication desdépassements qui inquiète. « Les tarifs de la nomenclature [NDLR: la classification commune des actes médicaux, ou CCAM] sont bloqués, mais les statistiques montrent que les dépassements se généralisent. Nous en constatons aussi dans toutes les régions, ce qui n’était pas le cas il y a dix ans », précise Didier Bazzocchi. Selon les données des comptes nationaux de la santé, les honoraires nets moyens des chirurgiens sont passés de 176 000 € en 2000 à 250 000 € en 2010. Dans le même temps, la part des dépassements dans le total de leurs honoraires est passée de 21,1% à 31,6% –elle n’était que de 14,8% en 1990. Vu sa constance, le phénomène semble difficile à enrayer. Ce qui jette aussi un éclairage supplémentaire sur l’échec des négociations sur le secteur optionnel…
Décollage du forfait journalier
Aux dépassements d’honoraires, s’ajoutent trois ou quatre autres postes. Lemoins préoccupant est le ticket modérateur de 20% sur les actes. Personne ne semble craindre son augmentation. Si des curseurs doivent bouger, c’est plutôt sur les soins de ville. Pour preuve, l’été dernier, le gouvernement avait hésité entredoubler la taxe spéciale sur les conventions d’assurance (TSCA) de 3,5% à 7% des contrats de complémentaire santé et augmenter le ticket modérateur sur les consultations en médecine de ville. Par ailleurs, une grande partie des patients hospitalisés sont pris en charge à 100% par la Sécurité sociale. En revanche, celle-ci laisse à la charge de tous les assurés le forfait journalier hospitalier. Dû au titre de la participation du patient aux frais de l’hôpital, il n’a pas cessé d’augmenter. À sa création en 1983, il était de 20 francs (environ 3 €). Il triple pour atteindre 70 francs (soit environ 10,70 €) en 1996, avant de se stabiliser jusqu’à la création de la monnaie unique. En 2004, il passe à 14€ et reprend sa progression pour s’établir à 18€ depuis le 1er janvier 2010, soit une hausse de 38% en six ans, et de 500% en vingt sept ans! Même modeste, toute augmentation de ce forfait journalier contribue à la hausse du poste hospitalisation. En effet, le forfait ne figure pas dans le cahier des contrats responsables, mais il est très largement remboursé, puisque sa prise en charge est, lors d’un séjour en médecine, illimitée pour 92% des «contrats modaux» –une typologie de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) qui désigne les contrats les plus souscrits.
La chambre au tarif hôtelier
Le dernier poste qui explose est la chambre particulière. Selon le dernier rapport de la Drees sur les contrats les plus souscrits auprès des complémentaires santé, le coût moyen du remboursement de la chambre individuelle est de 42 €, tous types de contrats confondus, avec une durée de prise en charge illimitée pour sept assurés sur dix. Ce poste pèse d’autant plus lourd qu’à l’image des dépassements d’honoraires, la facturation de la chambre individuelle se généralise, y compris dans le public. À la recherche d’argent frais en raison d’un lourd déficit (90 M€ en 2011), l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) a introduit un tarif de 45 € pour une chambre particulière en février 2011. Cette notion même de chambre particulière suscite beaucoup d’interrogations. «Nous n’avons aucunmoyen de vérification,mais il semble que des tarifs de chambres particulières ont été appliqués pour des chambres doubles », déclare un assureur. « Nous avons de nouveaux postes de coûts, comme les chambres particulières ambulatoires », indique aussi Isabelle Hébert (Malakoff-Médéric). Il semble donc que certains établissements n’hésitent pas à la facturer pour le box délimité par des rideaux dans lequel le patient se repose pendant une ou deux heures après une coloscopie!
Facturer le patient… selon sa mutuelle
En fait, les complémentaires dressent le même constat qu’en optique ou en dentaire : certains professionnels santé commencent par demander à leur patient s’il a une «bonne mutuelle », et lui appliquent un tarif en fonction de ses garanties. Public comme privé, l’hôpital optimise sa facturation. « La dérive des dépenses est nationale. La tarification à l’activité (T2A) a placé tous les établissements dans une logique de rentabilité », explique David Dorn. Christine Nonnenmacher, directrice métiers santé prévoyance emprunteur et dépendance d’Allianz France, qui constate les mêmes évolutions, note que les organismes complémentaires sont « un peu démunis, sauf à déployer de nouveaux moyens de gestion ». C’est aussi une question de rapport de force: il est difficile de demander, comme en optique, 30 ou 40%de remise sur le tarif d’une chambre lorsque l’on finance à peine 5% de la dépense hospitalière–contre dix fois plus pour l’optique. Si les moyens d’action restent limités, les premières réflexions n’en sont pas moins engagées, justement dans la même logique que pour les réseaux de soins déployés en dentaireet enoptique. En la matière, les acteurs les plus avancés sont ceux qui travaillent avec des sociétés de services comme Itelis (pour Axa) ou Santéclair (pour Allianz et Covéa). Nénanmoins pour le moment, leurs projets sont classés secret défense! Tout juste apprend-on chez Axa que la nouvelle gamme qui doit être prochainement lancée en santé individuelle proposera un service d’évaluation des devis hospitaliers.
La transparence inscrite à l’ordre du jour
L’hôpital est aussi inscrit à l’ordre du jour des fédérations. L’Union nationale des organismes d’assurance maladie complémentaire (Unocam) est engagée dans des discussions avec les trois fédérations professionnelles (FHF pour le public, FHP pour le privé et FEHAP pour le privé non lucratif) sur la définition de la chambre particulière en ambulatoire. Enfin, l’Unocam fait partie du comité de pilotage de Fides-AMC (facturation individuelle des établissements de santé publics et privés d’intérêt collectif ), qui porte sur la normalisation des échanges pour la facturation entre les établissements, l’assurance maladie obligatoire et complémentaire (AMC). Objectif: injecter une dose de transparence. Reste à savoir si, outre ces démarches, les nouvelles négociations sur les dépassements d’honoraires promises par le gouvernement aboutiront à des résultats concrets.
Jean-Martin Cohen-Solal, directeur général de la Mutulité Française
« Réguler les dépassements, pas les solvabiliser »
- Quelle est la cause de l’explosion des dépenses hospitalières?
La facturation de la chambre particulière se généralise, dans le privé comme dans le public, y compris en ambulatoire. J’ai rencontré des patrons de grands centres hospitaliers universitaires qui expliquent clairement que le remboursement des soins ne leur permet pas d’équilibrer leurs comptes et que les chambres particulières constituent une recette de plus en plus importante.
- Comment juguler cette évolution?
La Mutualité française déploie un conventionnement hospitalier national. Le premier chantier est le tarif des chambres particulières. Près de 80% des mutuelles ont déjà adhéré au dispositif, et notre objectif est d’atteindre cette année un bon maillage en régions.
- Et les dépassements d’honoraires?
Les dépassements excessifs à l’hôpital public sont choquants, mais nous nous inquiétons aussi de la multiplication des dépassements. nous nous sommes opposés au secteur optionnel, car il ne résolvait en rien le problème. nous espérons que le nouveau gouvernement va se pencher sur le sujet pour réguler les dépassements et non pas pour les solvabiliser, ce qui augmenterait encore les
Le forfait Journalier hospitalier
- D’un montant de 18 €, il correspond à la participation de l’assuré aux frais de fonctionnement de l’hôpital et il est dû pour tout séjour supérieur à vingt-quatre heures. Quelques cas d’exonération sont prévus : femme enceinte hospitalisée pendant les quatrederniersmois de grossesse et douze jours après l’accouchement, bénéficiaires de la cmu-c, hospitalisation due à un accident du travail ou unemaladie professionnelle...
La participation forfaitaire
- De 18€ elle s’applique aux actes dont le tarif est supérieur ou égal à120€ ou ayant uncoefficient supérieur ouégal à 60, en soins de ville, consultation externe ou hospitalisation dans un établissement de santé–par exemple pour l’ablationd’unnodule de la thyroïde avec anesthésie (205€) oul’appendicectomie parcelioscopie avec anesthésie(284,09€). de nombreux cas d’exonération sont prévus (affection de longue durée, etc.).
Le ticket modérateur et les dépassements
- Dans un établissement public ou privé conventionné, l’assurancemaladie prend en charge les frais liés à l’hospitalisation à hauteur de 80% (sauf cas d’exonération). les consultations précédant une hospitalisation (anesthésiste, par exemple) sont remboursées à hauteur de 70%, comme une consultation de médecine de ville. les dépassements s’ajoutent au ticket modérateur.
Les suppléments
- De nombreux suppléments peuvent être facturés à la charge intégrale du patient et/ou de sa complémentaire santé, dans les établissements publics comme privés : outre la chambre particulière, ils peuvent comprendre le téléphone, la télévision, un lit pour un accompagnant, etc.
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