Les assureurs investissent le terrain

En matière de sponsoring, banquiers et assureurs font jeu égal. Selon le dernier rapport de l'agence de marketing sportif IFM Sport marketing survey, ces deux secteurs se retrouvent dans le Top 10 des sponsors sportifs au niveau mondial. En France, il suffit de regarder les maillots des footballeurs et des rugbymen, ou les logos sur les voiles des bateaux de course pour dresser le même constat. « Il y a énormément de contrats de sponsoring passés par les bancassureurs. Il s'agit d'un outil de communication qu'ils utilisent de manière forte, et depuis longtemps », confirme Nicolas Bailly, directeur développement de Sportfive. Pour Julien Pierre, coresponsable du MBA management des organisations sportives en Europe à l'université de Strasbourg, « la concurrence entre ces acteurs semble s'exacerber sur les terrains de sport, tant la plupart d'entre eux investissent et s'investissent pleinement dans le sponsoring sportif ». D'autant que seule une poignée de sports intéresse les assureurs, avec, dans le trio de tête, le rugby, la voile et le foot. Même s'il existe quelques exceptions, dont la plus célèbre est le partenariat de longue date entre BNP Paribas et le tournoi de tennis de Roland-Garros.
Esprit d'équipe
Les assureurs n'hésitent pas à s'épancher sur les qualités humaines du sportif ou sur les valeurs de l'activité sponsorisée. Pour expliquer son investissement dans le combiné sportif, Adréa mutuelle met en avant « les qualités d'endurance, de calme et la grande solidité mentale du skieur Jason Lamy-Chappuis qui sait se montrer aérien, tout en légèreté, finesse et concentration sur l'épreuve de saut, tandis qu'il fait preuve de puissance, de résistance et d'une volonté d'acier en ski de fond. C'est une personnalité profondément gentille, chaleureuse solidaire et généreuse ».
Axa rappelle que « le rugby véhicule des valeurs qui nous sont proches : esprit d'équipe, respect des hommes, engagement, courage. Un sport collectif dans lequel même les bons joueurs ne peuvent avancer seuls ». Le Crédit agricole estime que « le foot promeut des notions communes à celles du groupe : universalité, solidarité, proximité, utilité, diversité ». Pour André Renaudin, directeur général d'AG2R-La Mondiale, « notre engagement dans le cyclisme traduit parfaitement nos valeurs et plus particulièrement notre attachement à la solidarité. Si l'assurance de personnes n'est possible que grâce à la solidarité de tous, la réussite individuelle d'un coureur résulte toujours de l'esprit d'équipe qui anime ses coéquipiers ».
2 QUESTIONS À Julien Pierre Maître de conférences, coresponsable du MBA management des organisations sportives en Europe à l'université de Strasbourg
« Les valeurs du sport collent bien avec celles de l'assurance »
Comment expliquer l'engouement des assureurs pour le sponsoring sportif ?
Les principales sociétés du CAC 40 ou dont le chiffre d'affaires est important financent le sport. Il n'y a pas de raisons à ce que les banques et les assureurs échappent à cette règle. Ensuite, les valeurs du sport fonctionnent assez bien avec le monde de l'assurance, avec les notions de solidarité, de santé et de prévention du risque. Enfin, le sport constitue un vecteur privilégié pour toucher massivement la population.
Est-ce risqué d'être sponsor ?
Dans un contexte de crise, investir des millions d'euros dans le sport est parfois difficile à justifier en interne. De plus, que devient le sponsor si le sportif ou l'équipe dérape ? Plusieurs réactions sont observées. Festina n'a pas souffert de l'affaire éponyme, son chiffre d'affaires a même augmenté suite à ce scandale. De même, lorsqu'un bateau chavire lors d'une course, la télévision le filme bien plus que s'il avait terminé la course en milieu de classement. Cela n'empêche pas certains de revenir sur leur partenariat. Après le fiasco de l'Équipe de France de football, Quick a souhaité retirer ses affiches publicitaires avec Nicolas Anelka
Reste que l'histoire d'amour peut s'arrêter. Après six ans de fidélité au cyclisme et au football, la Caisse d'épargne a réorienté sa stratégie en 2011. « Après un sponsoring de masse avec ces sports pour développer notre visibilité, nous en sponsorisons désormais d'autres pratiqués (et non regardés) par le plus grand nombre. Nous mettons en place des actions de relation et de proximité, pour proposer plus de services et de privilèges à nos clients », explique Cédric Mignon, directeur communication image et sponsoring.
À chaque sport ses valeurs et... sa cible. « La voile touche un nombre important de Français, notamment les CSP + qui vivent dans les villes », avance Frédérique Granado, directrice de la communication externe de Groupama. Le sponsoring permet de toucher un public, mais aussi de soigner la relation client, de moderniser l'image, voire de mettre en avant une gamme de produits ou de services. Pour Groupama, qui vient de s'engager dans la Volvo Ocean Race, il s'agit de « faire évoluer notre image, notre notoriété à l'étranger, où nous réalisons plus de 30% de notre chiffre d'affaires », renchérit Frédérique Granado.
Cerise sur le gâteau, le sponsoring sportif peut bénéficier aux salariés de l'entreprise. Il peut s'agir, par exemple, d'offrir des invitations pour assister à un match, d'organiser des séminaires dans lesquels interviennent les sportifs sponsorisés ou des tables rondes. Exemple, le navigateur Franck Cammas donne des conseils sur la gestion du sommeil et sur l'alimentation aux salariés de Groupama.
La relation peut suivre le cours inverse. « D'anciens joueurs de rugby de haut niveau sont devenus agents généraux Axa, comme Patrice Lagisquet, finaliste de la première Coupe du monde de rugby, Jean-Pierre Bastiat et Jean-Luc Averous, vainqueurs du Grand Chelem, ou Stéphane Glas, international et champion de France avec le Stade français », raconte Éric Lemaire.
Bien exploiter cet outil
Reste la question du prix à payer. Les sommes sont aussi colossales que difficiles à obtenir. « Les contrats de sponsoring comportent des clauses de confidentialité. Les montants payés dépendent de la médiatisation du sport, des droits concédés au sponsor et, le cas échéant, de bonus liés à la performance sportive », précise Nicolas Bailly. Du coup, rares sont les assureurs à être transparents sur la question. Le budget total de Groupama dans le sponsoring sportif s'élève à 20 M€ (dont 17 M€ pour la voile), celui d'AG2R-La Mondiale à 9,3 M€ (dont 8,3 M€ pour le cyclisme), celui de Caisse d'épargne avoisine les 10 M€. Autre raison avouée sous couvert d'anonymat, « c'est difficile de vous donner le montant, car nous pourrions avoir un retour de manivelle des adhérents ».
Dernier point, « il est primordial de placer le sponsoring sportif au coeur de la stratégie de communication de l'entreprise, de le nourrir, de comparer les outils pour exploiter au maximum le partenariat », conseille Frédérique Granado. Histoire de transformer l'essai.
Les chiffres :
20 M€ : L'investissement de Groupama dans le sponsoring sportif, dont 17 M€ pour la voile.
Mécénat et sponsoring, deux pratiques bien différentesDans le cadre du sponsoring sportif, un annonceur verse une somme d'argent en échange d'une visibilité déterminée précisément et à l'avance. Il y a une idée d'équivalence. Dans le cadre du mécénat sportif, il faut parler de dons qui, sans être totalement désintéressés, dépassent le seul retour sur investissement. Par exemple, le mécène ne peut pas imposer une taille de logo. - De plus, contrairement au sponsoring, le mécénat bénéficie d'incitations fiscales. Les entreprises assujetties à l'impôt sur le revenu ou sur les sociétés bénéficient d'une déduction fiscale égale à 60% du montant du don dans la limite de 5 ? du chiffre d'affaires annuel.
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