Le Cefarea promeut l'amiable com position
Le Centre français d'arbitrage de réassurance et d'assurance (Cefarea) vient de se doter d'un nouveau règlement d'arbitrage qui opte, délibérément, pour l'amiable composition.
PIERRE-OLIVIER LEBLANC, AVOCAT ASSOCIÉ, ET VINCENT BÉNÉZECH, AVOCAT, CABINET HOLMAN FENWICK WILLAN FRANCE LLP. COORDONNÉE PAR JÉRÔME SPERONI
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PIERRE-OLIVIER LEBLANC, AVOCAT ASSOCIÉ, ET VINCENT BÉNÉZECH, AVOCAT, CABINET HOLMAN FENWICK WILLAN FRANCE LLP. COORDONNÉE PAR JÉRÔME SPERONI
Présenté en fin d'année 2013, le nouveau règlement du Cefarea présente la particularité de prévoir que les arbitres statuent en principe comme amiables compositeurs (ex aequo et bono), c'est-à-dire en équité, sauf si les parties en sont convenues autrement dans la convention d'arbitrage (article 23.1 du règlement). Il s'agit là d'une originalité, dans la mesure où en droit français, le principe est inverse : les arbitres statuent conformément aux règles de droit, à moins que les parties ne leur confient la mission de statuer en amiable composition selon l'article 1478 du code de procédure civile. Bien entendu, les parties conservent la possibilité, lorsqu'elles adhèrent au règlement d'arbitrage Cefarea, de préciser qu'elles entendent confier au tribunal arbitral la mission de statuer en droit.
On comprend aisément que les parties puissent souhaiter ainsi confier au tribunal arbitral le pouvoir de statuer en équité sans être tenu au strict respect des règles de droit. Le concept suscite pourtant souvent des réserves ou des craintes qui résultent bien souvent d'une méconnaissance de cette procédure. Si l'amiable composition consacre l'équité, elle n'en demeure pas moins encadrée.
L'équité au coeur des débats
L'amiable compositeur dispose du pouvoir de s'affranchir de certaines règles de droit, ou d'en limiter, modérer, modifier les effets qui seraient contraires à l'équité. Peuvent ainsi être écartés les droits subjectifs dont les parties ont la libre disposition, c'est-à-dire ceux auxquels elles peuvent renoncer. L'amiable composition est ainsi une forme de renonciation des parties à la sanction de leurs droits. Elle implique donc une volonté de leur part de coopérer loyalement, ce qui est adapté dans un secteur où les opérateurs souhaitent conserver de bonnes relations commerciales malgré l'existence de tensions dans des situations où leurs intérêts divergent.
À titre d'exemple, l'arbitre statuant en amiable composition pourra modérer le montant de la clause pénale sans être contraint par les conditions de l'article 1152 du code civil, il pourra prononcer la solidarité entre des débiteurs, même si elle n'a pas été stipulée expressément, il pourra choisir le mode de réparation le plus équitable, il devrait également pouvoir modifier les règles de preuve, même si les tribunaux ont encore du mal à l'admettre.
L'arbitre qui a reçu pour mission de statuer en amiable compositeur doit user des pouvoirs exceptionnels qui lui ont été ainsi conférés pour juger en équité. Il s'agit d'un pouvoir, mais également d'un devoir que lui confèrent les parties.
Bien entendu, l'amiable compositeur peut avoir recours aux règles de droit pour trancher un litige, mais il s'agit d'une faculté, d'un outil mis à sa disposition, qu'il ne peut utiliser qu'à condition d'avoir vérifié que l'effet de la règle de droit est conforme aux exigences de l'équité. La Cour de cassation rappelle d'ailleurs régulièrement qu'il appartient à l'arbitre statuant comme amiable compositeur non seulement de statuer effectivement en équité, mais également de faire ressortir dans sa sentence qu'il a pris en compte l'équité et les raisons d'équité qui l'ont conduit à retenir la solution adoptée (Civ. 1re, 1er février 2012, n° 11-11.084 ; Civ. 1re, 17 décembre 2008, n° 07-19.915). À défaut, la sentence est susceptible d'annulation.
Un cadre tout aussi protecteur
Cette liberté conférée à l'amiable compositeur ne doit cependant pas laisser penser que son pouvoir est discrétionnaire. On l'a vu, l'application de l'équité est une exigence qui fait l'objet d'un contrôle dans le cadre du recours en annulation. Par ailleurs, les pouvoirs de l'amiable compositeur sont encadrés de manière que l'équité ne soit pas source d'arbitraire. À ceux qui craignent, en ayant recours à l'amiable composition, de perdre en sécurité juridique ce qu'ils gagnent en équité, il faut rappeler que l'amiable compositeur ne dispose pas d'une liberté totale vis-à-vis des règles de droit.
En principe (2), il ne peut pas évincer les règles d'ordre public, qu'il soit local ou international. En ce qui concerne les règles d'ordre public de direction, qui ont pour objectif d'orienter l'activité économique au nom de l'intérêt général, elles ne sont pas susceptibles d'éviction. Les arbitres doivent les respecter en toutes circonstances. Elles sont nombreuses en droit des assurances.
Par ailleurs, le règlement Cefarea apporte une garantie supplémentaire en exigeant à l'article 23.3 que « le tribunal arbitral décide conformément aux stipulations du contrat et il tient compte des usages de la profession ». Mais, alors que la jurisprudence a fini par admettre un pouvoir modérateur de l'arbitre statuant comme amiable compositeur à l'égard des clauses contractuelles à condition qu'il soit motivé par des considérations d'équité (Civ. 2e, 18 octobre 2001, n° 00-12.880), l'obligation faite aux arbitres de se conformer aux stipulations du contrat devrait cependant restreindre leur pouvoir en la matière. Ainsi, le pouvoir d'amiable composition ne peut conduire l'arbitre à modifier l'économie du contrat sous peine de dénaturation (CA Paris, 6 mai 1988, « Unijet », Rev. Arb. 1989.83, note Loquin). La prise en compte des usages de la profession aura également pour effet d'orienter les arbitres dans les moyens qu'ils utilisent pour rendre une décision conforme à la vocation sectorielle du Cefarea.
Enfin, il faut garder à l'esprit que l'arbitre investi d'une mission d'amiable composition demeure un arbitre, et non un médiateur ni un conciliateur. Il doit user de son pouvoir juridictionnel pour rendre une décision, et, pour cela, respecter la procédure d'arbitrage définie. En outre, il a pour obligation de motiver sa décision (art. 26).
Plusieurs conséquences découlent de la nature juridictionnelle de l'arbitrage en amiable composition. Tout d'abord, la procédure conserve les avantages d'une procédure d'arbitrage, tels que la célérité, la confidentialité, la compétence des arbitres adaptée au litige. Par ailleurs, les plaideurs bénéficient des garanties inhérentes à toute procédure juridictionnelle. Une abondante jurisprudence impose ainsi à l'amiable compositeur de respecter les droits de la défense et les principes directeurs du procès (voir notamment Civ. 2e, 28 février 1990, n° 88-19.638, Rev. Arb. 1991, p. 646, à propos de l'article 9 du code de procédure civile).
Le régime des recours est identique que l'arbitrage soit en amiable composition ou que les parties aient opté expressément pour l'arbitrage en droit. La décision est ainsi rendue en dernier ressort, et seul le recours en annulation, restreint à quelques griefs graves, est ouvert aux parties, sauf à ce qu'en matière internationale, elles y aient renoncé (article 27).
L'arbitrage en amiable composition adopté sauf accord contraire des parties par le règlement d'arbitrage du Cefarea fournit aux arbitres les outils leur permettant de rendre une décision plus adaptée aux opérateurs exerçant dans un même secteur d'activité, tel celui de l'assurance. Les préoccupations commerciales des parties qui souhaitent conserver pour l'avenir de bonnes relations sont ainsi davantage prises en compte et les arbitres peuvent répondre plus efficacement aux besoins de la pratique.
1. Voir Stéphane Choisez et Alexandre Job, « Contentieux en matière d'assurance : quel règlement choisir ? », RGDA, 2013, n° 3, p. 501.
2. Ce n'est que lorsque les droits dont l'acquisition est protégée par la loi ont été acquis que l'amiable compositeur retrouve le pouvoir d'écarter certaines règles de l'ordre public de protection.
Le cefarea en quelques mots
- Association créée en 1995, le Cefarea propose aux courtiers, assureurs, réassureurs ou entreprises ayant un litige national ou international relatif à une question d'assurance ou de réassurance de le régler par la médiation ou l'arbitrage. Pris en charge par des professionnels indépendants agréés par le Cefarea, ils ont l'avantage d'être plus rapides et, surtout, plus discrets que les tribunaux.
- L'association regroupe des assureurs, réassureurs, courtiers, avocats spécialisés en assurance et réassurance, risk-managers... Créée sous l'égide de l'Association internationale du droit de l'assurance (Aida), elle a de nombreuses soeurs dans le monde, regroupées sous le nom d'Arias (Associations for Reinsurance and Insurance Arbitration Societies).
- Compte tenu de l'évolution des mentalités et de l'encombrement des tribunaux,la médiation et l'arbitrage devraient prendre une place plus importante à l'avenir. Il est à noter que quand bien même les parties n'auraient pas prévu contractuellement ces modes de règlement alternatifs, elles peuvent y recourir si elles y ont convenance.
- Le nouveau règlement évoqué dans cet article intégre les nouvelles règles édictées par le décret du 13 janvier 2011. Son contenu a été toiletté afin qu'il soit davantage en adéquation avec les souhaits des parties.
Michel Yarhi, président du Cefarea, coauteur des « modes alternatifs de règlement des conflits dans l'assurance », éditions l'Argus de l'Assurance
À retenir
- Fin 2013, le Cefarea s'est doté d'un nouveau règlement d'arbitrage.
- Il opte par principe pour un arbitrage en amiable composition.
- Celle-ci postule le recours à l'équité pour trancher le litige.
- Les principes d'ordre public et fondamentaux du droit sont respectés pour préserver la sécurité juridique des parties au litige.
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