Producteur-distributeur : haro sur les recommandations de l'ACPR

Des voix se sont élevées pour contester l'interventionnisme de l'ACPR, allant même jusqu'à douter de la légalité des règles émises par le régulateur au nom de la protection de la clientèle. L'insatisfaction s'est matérialisée par un recours devant le Conseil d'État pour contester le bien fondé de la recommandation sur les conventions producteur-distributeur en assurance vie.
À RETENIR
Les raisons du mécontentement des assureurs :
- la portée quasi normative d'une recommandation dépassant la simple interprétation de la doctrine de l'ACPR ;
- la justification juridique discutable des « apports » à une réglementation existante déjà fournie ;
- les coûts commerciaux et opérationnels élevés.
L'ACPR, au-delà de la loi
Avant même d'analyser le contenu de la recommandation, il convient de relever que la liste des acteurs qu'elle concerne est très large puisqu'elle vise tant les acteurs du marché national que les organismes intervenant en France en libre prestation de services (LPS) ou en libre établissement (LE). Comme pour toutes les recommandations émises par l'ACPR, elle mentionne une date à compter de laquelle elle sera applicable (le 1er janvier 2015), et comme souvent, ajoute à la réglementation existante... S'agissant des communications à caractère publicitaire, le régulateur ajoute clairement aux dispositions existantes lorsqu'il impose à l'organisme d'assurance d'émettre un avis dans un délai fixé en nombre maximum de jours pour toutes les communications publicitaires qui lui sont soumises par l'intermédiaire. L'ACPR ajoute également aux dispositions prévues par la combinaison de l'ordonnance et du décret en précisant que l'intermédiaire ne pourra pas utiliser les documents publicitaires en cas de silence de l'organisme d'assurance. S'agissant des informations relatives au contrat d'assurance, l'ACPR précise que la convention liant le producteur et le distributeur doit contenir l'indication des documents destinés à la communication des informations nécessaires à l'appréciation de l'ensemble des caractéristiques du contrat (y compris les informations sur les unités de compte ou les frais). La recommandation prévoit aussi un délai fixé en nombre de jours minimum selon lequel les informations sont transmises. Au surplus, en cas de chaîne de distribution, l'ACPR entend réguler le contenu des conventions entre intermédiaire initial et distributeur. Elle recommande à l'intermédiaire initial qui a recours à d'autres intermédiaires de s'engager à conclure lui-même, avec chaque intermédiaire distributeur, une convention portant sur les modalités de validation et/ou d'utilisation des documents publicitaires et sur la transmission des informations nécessaires à l'appréciation de l'ensemble des caractéristiques du contrat d'assurance. Ces ajouts permanents à une réglementation qui était en l'espèce déjà fournie ont fini par lasser les assureurs qui ont déjà affronté pas moins de sept recommandations relatives à l'assurance vie depuis 2010.
Recours en excès de pouvoir
Les acteurs du marché de l'assurance n'ont cessé de dénoncer la portée excessive des recommandations émises par l'ACPR au titre d'une « Soft Law » qui, en réalité, leur imposent des obligations nouvelles (voir : L'Argus, 25 avril 2014, Cahier pratique). La Fédération française des sociétés d'assurances (FFSA) a donc décidé de prendre le taureau par les cornes et de contester une recommandation qui, outre ses répercussions en termes de coûts (tant commerciaux qu'opérationnels), restreint la liberté contractuelle des producteurs et des distributeurs au mépris de l'ordonnance et du décret qui leur laissaient de la latitude dans l'organisation de leurs rapports contractuels. La position des assureurs semble pour le moins compréhensible dès lors qu'il est évident que l'ACPR entend donner à ses recommandations une portée qui dépasse la simple interprétation de sa doctrine pour constituer, en réalité, de véritables textes à visée normative. Pour autant, les chances de succès de cette procédure doivent être appréciées au regard de la jurisprudence du Conseil d'État et notamment d'une décision rendue le 5 mars 2012 (n° 343412) par laquelle la haute juridiction administrative avait annulé la décision par laquelle la commission bancaire avait enjoint au Crédit Immobilier de France Développement de respecter un ratio de solvabilité sur fonds propres de 12 %, au lieu de 8 % imposé à l'époque. En effet, si le Conseil d'État avait fait droit aux demandes de la banque, il avait pris soin de noter que la Commission bancaire n'avait pas commis d'erreur d'appréciation en enjoignant à la banque « de détenir des fonds propres d'un montant supérieur au montant minimal prévu par la réglementation applicable ». Cette décision semble donc pouvoir s'interpréter comme une reconnaissance de la possibilité, pour l'ACPR, d'excéder les dispositions prévues par la réglementation lorsque les circonstances l'imposent. Bien entendu, les conséquences d'une décision individuelle et celles d'une recommandation dont la portée est générale ne sont pas nécessairement identiques. Pour autant, il ne fait aucun doute que le régulateur ne manquera pas de relever l'existence d'une certaine analogie. En tout état de cause, l'issue de ce recours en excès de pouvoir entraînera nécessairement une modification de la politique de l'ACPR, et cela, alors que le Conseil d'État décide de consacrer l'existence d'un pouvoir quasi normatif ou de limiter les velléités interventionnistes du régulateur
Commentaires
Producteur-distributeur : haro sur les recommandations de l'ACPR