Tribune : Peut-on couvrir les risques liés au bâtiment basse consommation ?
Pascal Dessuet Juriste, responsable des assurances pour les affaires immobilières du groupe Société générale.
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Pascal Dessuet Juriste, responsable des assurances pour les affaires immobilières du groupe Société générale.

La loi Grenelle 2 et les textes d'application du 26 octobre 2010 ont prévu la mise en place d'une nouvelle réglementation thermique, dite RT 2012. Ce dispositif vient renforcer les textes de l'ancienne norme RT 2005, pour en changer la nature même, puisque la norme contient désormais non seulement des obligations en termes de moyen, mais aussi des objectifs de performance énergétique (50 kWh par m2 et par an) : c'est le bâtiment basse consommation (BBC).
Le décret du 18 mai 2011 relatif aux attestations de prise en compte de la réglementation thermique vient matérialiser une autre innovation de la loi Grenelle 2. En effet, la prise en compte, au stade de l'exécution, du calcul pour atteindre cette performance énergétique des bâtiments devra être attestée à l'achèvement des ouvrages, par un document joint à la déclaration d'achèvement transmise à l'autorité qui a délivré le permis de construire.
Pas de réception/livraison sans attestation
Un arrêté à paraître définira le contenu même du document, mais, d'ores et déjà, la loi Grenelle 2 elle-même (art L. 111-9-1 du code de la construction et de l'habitation) a prévu que ladite attestation pourrait être établie par un tiers de confiance qui n'est pas intervenu au cours du chantier, ou par l'architecte qui a suivi l'exécution des travaux. Ainsi, désormais, un ouvrage ne pourrait être valablement réceptionné/livré sans la délivrance de cette attestation.
Sans doute ne s'agit-il que d'attester d'une performance simplement calculée, et non mesurée in situ. Cela n'en constitue pas moins un risque nouveau pour le maître de l'ouvrage, même si nombre de promoteurs étaient déjà rôdés à cet exercice, quand ils acceptaient, par souci commercial, de se soumettre librement à un label BBC, dont l'obtention supposait la délivrance d'une attestation par l'organisme accordant le label.
Précisément, il existe aujourd'hui un assureur qui délivre une garantie d'assurance pour indemniser les conséquences financières de la non-obtention de l'attestation. La question est de savoir s'il va accepter de transposer sa garantie dans le cadre de la nouvelle réglementation et, surtout, si l'offre va être reprise par d'autres assureurs.
Objectifs de nature « conventionnelle »
Par ailleurs, en cas de consommation excessive en phase exploitation, nonobstant la délivrance de l'attestation, quel sera le régime de responsabilité applicable et, derrière, les garanties d'assurance mobilisables ? C'est l'autre risque lié au BBC.
Les objectifs de performance énergétique sont définis dans tous les règlements thermiques, comme étant de nature « conventionnelle », c'est-à-dire résultant d'un calcul théorique établi pour l'immeuble dans sa globalité, sur la base de la mise en oeuvre de procédés de construction déterminés, et non d'une mesure réelle sur l'immeuble pour un appartement donné.
Pour envisager la mise en jeu de la RC décennale, donc de l'assurance obligatoire, si des excès de consommation étaient constatés en réel, il faudrait alors imaginer que, par-delà les normes, la so-briété en termes de consommation d'énergie fasse désormais partie de la destination normale d'un ouvrage.
En dehors de cette hypothèse, l'on pourrait hésiter à conclure que le non-respect de la norme, entendue au plan conventionnel, à raison de la dégradation du complexe d'isolation par exemple, serait susceptible d'entraîner la mise en jeu de la RC décennale, au seul motif qu'il s'agit d'une norme pénalement sanctionnée, sauf à considérer que cette performance simplement potentielle entre dans la destination d'un bâtiment en 2011.
Pascal Dessuet Juriste, responsable des assurances pour les affaires immobilières du groupe Société générale.
- Chargé d'enseignement à l'université Paris Val-de-Marne, dans le master 2 construction et urbanisme.
- Président de la commission construction de l'Amrae et de la commission assurance de la Fédération des promoteurs-constructeurs.
- Membre du Bureau central de tarification (BCT).
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