Loyers impayés : la fin de l'entre-deux avec Visale
L’avènement du Visa pour le logement et l’emploi (Visale), dernier-né des couvertures publiques contre les impayés de loyers, signe l’enterrement de la garantie des risques locatifs (GRL). Il met un terme à un partenariat État–assureurs qui n’aura rencontré, en huit ans d’existence, ni son public ni son modèle économique.

Le faire-part de naissance est arrivé le 20 janvier. À quelques jours d’un départ annoncé, Sylvia Pinel, ministre du Logement, dévoilait sa toute dernière mesure en matière de couverture publique de loyers impayés : Visale pour Visa pour le logement et l’emploi. Cette caution locative – née sur les ruines de la garantie universelle des loyers (GUL), le système public et obligatoire rêvé par Cécile Duflot – vise à faciliter l’accès des jeunes actifs ou des salariés de plus de 30 ans en situation précaire aux quelque 6,5 millions de logements du parc locatif privé en France. Pour les entreprises, l’outil a aussi pour ambition d’améliorer la mobilité professionnelle des salariés. Et ce, alors que 500 000 emplois ne sont pas pourvus en moyenne chaque année, faute de solution de logement pour les personnes intéressées, selon les conclusions d’une étude réalisée par l’Association pour l’accès aux garanties locatives (APAGL). Gratuit pour le bailleur et le locataire, le dispositif, opérationnel depuis le 25 janvier, intervient en cas d’impayé de loyer pour une durée maximale de trois ans. Quant au financement, la caution solidaire sera supportée par les fonds du « 1 % logement » (Action Logement) et le redéploiement des ressources affectées aujourd’hui à la garantie des risques locatifs (GRL) à hauteur de 70 M€, pour un coût total annuel estimé entre 120 M€ et 130 M€… Bref, rien de bien nouveau sous le soleil des solutions publiques de loyers impayés. Et pour cause : dans les faits, l’État ne fait, ni plus ni moins, que ressusciter le Loca- Pass, un dispositif mis en place en 1998 au succès relat i f (250 000 ménages équipés) et qui ressemble trait pour trait à Visale : destiné aux jeunes de moins de 30 ans et aux salariés assujettis au 1 % logement, couverture des impayés du locataire lorsque celui-ci rencontrait des difficultés financières.
L’un chasse l’autre
La naissance de Visale a provoqué par ricochet la disparition de la GRL (ndlr : garantie des risques locatifs, ), cette couverture hybride à la fois privée et publique instaurée début 2008 et destinée à faciliter l’accès au logement des locataires fragiles (dont le taux d’effort (1) se situait entre 33 et 50 %). Des profils considérés comme non-assurables par la garantie des loyers impayés (GLI), couverture assurantielle 100 % privée proposée par le marché depuis 1980. Concrètement, les assureurs certifiés perçoivent les primes auprès des bailleurs et couvrent les risques comme dans un contrat GLI, sauf en cas de sur-sinistralité où l’État intervient en tant que réassureur ultime. Aussi séduisante soit-elle sur le papier, force est de constater que la GRL n’a pas fonctionné. Tout d’abord au regard du nombre de contrats souscrits, à peine 150 000 baux en 2014, bien loin de l’objectif d’1,2 million fixé à l’origine. Ensuite, en raison des lourdeurs de gestion : « La montée en charge trop rapide des sinistres impayés a contribué à la disparition de la GRL. Elle n’était pas assez rentable pour les assureurs en raison de la fréquence de sinistres (NDLR : un peu plus de 6 % contre 2 % pour la GLI). À prime équivalente, nous recensons trois fois plus de dossiers entre la GRL et la GLI. L’activité est déficitaire, malgré une gestion rigoureuse », pointe Alain Ledemay, directeur général de Galian dont la société gère 25 000 contrats GRL. Même constat pour Laurent Werner, DG de la Mutuelle Alsace-Lorraine– Jura (40 000 contrats GRL en portefeuille) : « Sans la compensation de l’État, la GRL n’était pas rentable. Elle concentrait principalement des locataires au taux d’effort supérieur à 30 %, au détriment du principe de mutualisation ». En somme, les bons risques à la GLI, les mauvais à la GRL. Reste à gérer la transition entre Visale et cette GRL. Les 150 000 contrats en cours seront gérés en run-off jusqu’à leur extinction définitive, moyennant une période de tranisition. De ce point de vue, les assureurs n’auront sans doute pas tout perdu. « Si les administrateurs de biens l’acceptent, nous basculerons les contrats GRL en GLI à l’échéance du contrat, en fonction de leur sinistralité », souligne Alain Ledemay.
D’autres, à l’instar de la Mutuelle Alsace-Lorraine–Jura, voient dans Visale une occasion de boucher les trous d’assurance : « Le dispositif nous oblige à nous remettre en cause pour proposer de nouvelles offres aux bailleurs et aux locataires pour combler le différentiel de garanties entre la GRL et Visale à travers la prévoyance individuelle du locataire et la protection juridique pour le propriétaire ».
1. Taux d’effort : (loyer+ charges)/ revenus d’activité.
GARANTIE DES LOYERS IMPAYÉS
- Année de lancement : 1980.
- Population concernée : bailleurs privés dont le taux d’effort des locataires se situe entre 0 et 30%.
- Fonctionnement : couverture privée en cas de défaillance du locataire. Elle prend en charge les loyers, charges et indemnités d’occupation. Les frais de contentieux et les détériorations immobilières sont également couverts.
- Cotisations : 150 M€.
- Nombre de contrats gérés : 850 000.
- Taux de sinistralité : 2 à 2,5%.
- Intervenants : Axa, L’Équité, Macif, Galian...
GARANTIE DES RISQUES LOCATIFS
- Année de lancement : 2008.
- Population concernée : bailleurs privés dont le taux d’effort des locataires (jeunes actifs et précaires) se situe entre 30 et 50%.
- Fonctionnement : couverture privée destinée à faciliter l’accès au logement des locataires en situation précaire. En cas de sur-sinistralité, l’État joue le rôle de réassureur auprès des assureurs certifiés.
- Coût annuel : environ 160 M€.
- Nombre de contrats gérés : 150 000.
- Taux de sinistralité : 6,3%.
- Intervenants : Galian Assurances, Mutuelles Alsace-Lorraine–Jura, Fidelidade Mundial France, Genworth Financial et le groupe SMA-Sagena.
VISALE
- Année de lancement : 2016.
- Population concernée : bailleurs privés dont le taux d’effort des locataires (jeunes actifs et précaires) n’excède pas 50%.
- Fonctionnement : caution locative gratuite souscrite par le locataire. En cas d’impayé de loyer, le bailleur est couvert par l’État dans la limite de trois années de loyers. Les frais de contentieux et les détériorations immobilières ne sont pas couverts.
- Coût estimé : entre 120 et 130 M€ par an.
- Nombre de contrats gérés : non disponible.
- Taux de sinistralité attendu : 6%.
- Intervenant : État.
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