Assurance des emprunteurs : quelles options tarifaires ?
Avec les récentes évolutions réglementaires, le marché de l’assurance emprunteur tend à être de plus en plus concurrentiel. Dans ce secteur en pleine transformation, les assureurs revoient leur stratégie tarifaire. Une analyse de Maxence de Lissac, Guillaume Leroy et Frédéric Planchet (Prim'act).

L’amendement Bourquin du 1er janvier 2018 permet aux particuliers de changer leur assurance emprunteur à chaque date anniversaire du contrat et ce, quelle que soit la date de souscription de celui-ci. Cet assouplissement de la souscription d’une couverture d’assurance de prêt vient compléter un ensemble de mesures qui, ces dernières années, ont eu pour objectif d’augmenter la concurrence. Dans ce contexte, on peut s’attendre à ce que ce marché, pour le moment encore dominé à 85 % par les bancassureurs, s’ouvre encore davantage aux assureurs proposant des solutions d’assurance individuelle présentant des prix attractifs, et à ce que la concurrence s’accentue. Dans cet environnement en pleine mutation, l’assureur doit choisir parmi les différentes options tarifaires envisageables, en particulier concernant les garanties décès et arrêt de travail, et examiner ex-ante les conséquences de ce choix pour l’assuré et pour lui-même, sous l’angle commercial, technique et de gestion.
Les structures tarifaires envisageables
Pour la garantie décès, trois modalités de présentation du tarif sont envisageables. La modalité historique, la plus répandue, consiste à déterminer un tarif fixe sur la durée du prêt en fonction du capital initial emprunté : par exemple, une prime annuelle de 0,06 % du montant de l’emprunt pour couvrir le risque décès pendant 15 ans pour un emprunt souscrit à l’âge de 40 ans.
Une seconde option est d’exprimer la prime en fonction du capital restant dû (CRD), le taux de prime étant déterminé au moment de la souscription de l’assurance, la prime en euros étant décroissante au cours du temps. La prime annuelle est de 0,12 % du CRD pour couvrir le risque décès dans l’exemple précédent.
Enfin, on constate le développement d’une prime calculée sur la base du CRD, mais en tenant compte de l’âge atteint chaque année par l’emprunteur, la prime suivant le risque porté sur l’année. La prime annuelle passerait alors de 0,07 % du capital emprunté, puis de 0,08 % à 41 ans et 0,12 % à 45 ans.
Ces logiques se transposent pour l’arrêt de travail, le tarif pouvant être fixé à la souscription avec un lissage sur la durée du prêt ou réajusté annuellement. On obtient ainsi trois profils distincts reflétant l’évolution, sur la durée du prêt, du montant payé par l’assuré.
La figure 1 montre les conséquences de ces trois approches. La courbe verte (CRD / âge atteint) s’ajuste au risque porté, le profil résultant de la combinaison de deux effets opposés : la décroissance du CRD est compensée au début du prêt par la croissance des taux de décès. La courbe noire (capital initial), sous-estime le risque au début, le surestime ensuite. La courbe rouge (CRD / âge initial) conduit à une prime qui décroît parallèlement au CRD, partant d’un point plus élevé que le tarif « prime de risque ». En seconde partie de prêt, ce tarif induit une prime inférieure à la prime de risque.
Du point de vue de l’assureur, le choix de la méthode de tarification sera déterminé en fonction de deux critères principaux : ses besoins en termes de communication ; l’exposition au risque de résiliation et de remboursement anticipé et le besoin, dans certaines configurations, de constituer une provision pour risque croissant (PRC).
À retenir
- Le tarif peut être déterminé en tenant compte de la durée du prêt, du capital de l’assuré ou encore de l’âge de ce dernier.
- Les tables d’expérience permettent de fixer un tarif adapté au risque du portefeuille de contrats.
Les différentes solutions ont un impact faible sur le TAEG (1) de l’emprunt, pour des tarifications cohérentes entre elles : celui-ci intègre le coût total des flux d’assurance, qui sont équivalents dans les trois modèles.
Le choix d’une prime constante en fonction du capital initial a l’avantage d’une prime plus faible sur les premières années. La prime appelée étant inférieure à la prime de risque, ce type de tarif nécessite la constitution d’une PRC, afin de combler l’écart entre primes et engagement de l’assureur. La prime fonction en CRD / âge atteint est, par construction, représentative du risque annuel porté par l’assureur et permet d’éviter la constitution d’une PRC et de se prémunir des risques de sortie anticipée. La tarification CRD / âge initial constitue une solution intermédiaire. Comme le montre l’illustration ci-dessous, elle présente l’inconvénient de conduire à une prime initiale plus élevée que les deux autres. La constitution d’une PRC est aussi nécessaire en fin de prêt, mais facilitée par les gains réalisés par l’assureur sur les premières années.
On observe depuis quelques années que la durée initiale des prêts augmente, mais que leur durée effective reste relativement stable. Il convient donc de tenir compte, dans l’appréciation de l’équilibre tarifaire, d’un taux de sortie anticipé. Prendre en compte un taux de sortie anticipé a pour effet d’augmenter la prime constante, de diminuer la prime en CRD / âge initial, mais est logiquement sans impact sur la prime en CRD / âge atteint.
Ce phénomène réduit légèrement les écarts entre les différents modèles de tarification. En reprenant l’exemple de l’assuré de 40 ans détenant un prêt de 15 ans et en intégrant dans le tarif un taux de remboursement moyen anticipé annuel (2) de 5 %, la prime annuelle d’équilibre couvrant le risque décès fonction du capital initial passe de 0,06 % à 0,07 %, et la prime annuelle, fonction du capital restant dû à l’âge de souscription, passe de 0,12 % à 0,11 %.
À noter
La loi du 21 février 2017 qui permet à l’assuré de bénéficier d’une faculté annuelle de résiliation, a ouvert le marché de l’assurance de prêt.
L’exploitation des données
Quelle que soit la structure tarifaire finalement retenue, la construction de tables d’expérience permet de produire un tarif adapté au risque du portefeuille de contrats. Une bonne coordination des différents outils et modèles statistiques permet, en s’appuyant sur l’estimation de taux de décès, taux d’entrée et de taux de sortie en arrêt de travail complétés par des mesures de l’impact des caractéristiques des assurés, de construire des classes tarifaires robustes et de structurer ensuite le tarif en ayant une vision claire des niveaux de marge technique associés à chaque segment. Quand bien même la base de données serait de taille relativement faible, notamment dans le cas de l’invalidité, les méthodes de projection utilisées produisent des résultats suffisamment fins pour être exploités en pratique.
Un nouveau contexte
Dans un contexte incertain quant aux évolutions du marché dans les années à venir, une réflexion sur la segmentation tarifaire et les marges de manœuvre qu’elle peut, le cas échéant, permettre de dégager pour faire face à une concurrence accrue, fournit un élément d’appréciation fondamental dans le cadre de la construction d’un tarif. Une matière statistique, même relativement modeste, peut permettre de mesurer les principaux effets. Cette analyse, couplée à un choix argumenté en termes de structure tarifaire, combinant les aspects commerciaux, de gestion et technique, permet de proposer des tarifs maîtrisés, dont le suivi sera facilité. Cela semble constituer une étape cruciale de la refonte ou la construction d’une offre d’assurance de prêt dans le nouveau contexte compétitif validé par la décision QPC 2017-685 du 12 janvier 2018 du Conseil Constitutionnel.
1. Le taux actuariel effectif global du prêt est défini par le code de la consommation et fournit au client emprunteur une évaluation à la souscription de l’emprunt du coût total de celui-ci, c’est-à-dire y compris le coût de l’assurance décès-arrêt de travail souscrite de manière quasi systématique.
2. Ce taux pourrait être en pratique modulé en fonction de l’ancienneté du prêt, mais le niveau de 5 % est utilisé dans des formules tarifaires du marché.
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