Complémentaire santé : le crédit d'impôt sur les contrats seniors
La mesure fiscale qui incite les seniors à souscrire des contrats complémentaire en santé sera-t-elle suffisante à les rendre attractifs ?
? Florence Legallois, Manageret Florence Esmoingt, Directrice Associée EY
\ 17h00
? Florence Legallois, Manageret Florence Esmoingt, Directrice Associée EY

Lors du 40e congrès de la Mutualité française à Nice en 2012, le président de la République s’était engagé à généraliser l’accès à une complémentaire santé de qualité à l’horizon 2017. Cette promesse s’est d’abord traduite par la conclusion de l’accord national interprofessionnel (ANI) imposant aux entreprises, depuis le 1er janvier 2016, de faire bénéficier tous leurs salariés d’une complémentaire santé collective, dont 50 % au moins des cotisations seraient prises en charge par l’employeur (1). Ce dispositif faisait suite à la suppression, à compter des revenus 2013, de l’exonération d’impôt sur le revenu du complément de rémunération correspondant à la participation de l’employeur aux garanties « frais de santé » des contrats collectifs et obligatoires (2) ; il ne perdait pas totalement de vue les intérêts du Trésor public, donc. La généralisation de la complémentaire santé s’est poursuivie avec la réforme des contrats dits « responsables », la mise en concurrence des contrats ouvrant droit à l’aide au paiement d’une complémentaire santé (ACS) et, plus récemment, l’adaptation du dispositif prévu pour les salariés lorsque ces derniers sont en contrats courts et précaires. L’article 33 de la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2016 s’insère dans cette perspective (3) en ajoutant au code de la sécurité sociale un nouvel article L. 864-1 prévoyant l’octroi d’un crédit d’impôt au titre de la taxe de solidarité additionnelle aux cotisations d’assurances (TSA) pour les personnes âgées d’au moins 65 ans souscrivant des contrats labellisés d’assurance maladie complémentaire. Ce dispositif fait suite à la constatation que les personnes âgées de 65 ans et plus sont essentiellement couvertes par des contrats individuels tarifés en fonction de l’âge et qu’environ 5 % d’entre elles sont dépourvues de complémentaire santé (4), ce qui peut dans certains cas les conduire à renoncer à des soins. En effet, dès lors que leurs revenus sont supérieurs aux plafonds fixés pour bénéficier des dispositifs existants (CMU-C et ACS) les retraités se retrouvent pour la plupart privés de toute mesure d’aide en matière d’accès à un contrat d’assurance maladie complémentaire (qu’il s’agisse des contrats obligatoires et collectifs d’entreprise, des contrats labellisés des agents publics ou des contrats Madelin). Les pouvoirs publics avaient, en outre, pris conscience que la généralisation de la complémentaire santé en entreprise, via des contrats collectifs, était susceptible d’alourdir le coût d’une couverture santé pour les retraités. En effet, l’accroissement de la part de ces derniers dans la population assurée par voie de contrats individuels réduit la mutualisation entre les générations d’assurés. Les contrats collectifs présentent par ailleurs souvent un résultat technique déficitaire que les assureurs compensent en général par un résultat excédentaire des contrats individuels, ce qui pourrait les conduire à dégrader le rapport prestations/cotisations de ces derniers (5).
Une critique nourrie
L’option initialement soumise au législateur visait à permettre aux personnes de plus de 65 ans d’accéder à des offres d’assurance maladie complémentaire sélectionnées, à l’issue d’une procédure de mise en concurrence, sur des critères reposant sur la qualité des garanties et le prix proposé. La crainte des assureurs était alors de revivre les difficultés liées à la sélection des contrats dans le cadre de l’ACS (où seules 11 offres, issues de regroupement d’assureurs pour la plupart, ont été retenues) et le fait qu’une telle procédure conduise à limiter le nombre d’opérateurs sur le segment, privant ainsi les retraités de leur liberté de choix. La segmentation découlant de la création de contrats spécifiques aux retraités a pu en outre être perçue comme une atteinte aux principes de solidarité et de mutualisation intergénérationnelle susceptible de conduire à un résultat contraire à l’objectif recherché.
à retenir
- Le code de la sécurité sociale prévoit désormais l’octroi d’un crédit d’impôt, pour les personnes âgées d’au moins 65 ans souscrivant des contrats santé labellisés, à compter du 1er janvier 2017.
- Le crédit d’impôt est fixé à 1 % des primes hors taxes acquittées par les souscripteurs.
Enfin, les représentants du secteur ont fait part de leurs craintes quant à la cohérence économique du dispositif au regard de ce critère prépondérant du prix sur ce segment de population le plus exposé aux dépenses de santé et au risque de fragilisation de l’équilibre d’acteurs dont les retraités représentent une large part du portefeuille (parmi lesquels de nombreuses mutuelles). Face à ces critiques, le texte final, à défaut d’être supprimé, a été amendé. La procédure de mise en concurrence a été écartée pour une labellisation : afin que le nombre d’offres retenues ne soit pas limité a priori, toutes les offres répondant à un cahier des charges qui sera défini par décret en Conseil d’État seront éligibles au crédit d’impôt. Les contrats devront être « responsables », mais le prix ne devrait pas être un critère prépondérant (la prépondérance du critère du prix ayant, dans la version définitive de la loi, été supprimée).
Un crédit d’impôt incertain
Le nouvel article L. 864-1 du code de la sécurité sociale dispose que les contrats individuels ou, lorsque l’assuré acquitte l’intégralité du coût de la couverture, les contrats collectifs facultatifs d’assurance complémentaire en matière de santé, labellisés, qui sont souscrits par des personnes âgées d’au moins 65 ans ouvrent droit à un crédit d’impôt au titre de la TSA. Ce dispositif est non cumulable avec l’ACS ou la CMU-C.
Ce crédit d’impôt, que le projet de texte avait initialement fixé à 2 %, a été réduit à 1 % des primes hors taxes acquittées par les souscripteurs dans la version publiée de la loi. S’agissant par exemple d’un contrat dont les cotisations s’élèvent à 1 080 € (hors taxe) (soit 90 €/ht par mois), ce crédit d’impôt annuel serait de 10,80 € (1 % de 1 080 €)… soit l’équivalent d’une réduction du coût de la complémentaire santé de 0,90 € par mois. Ce dispositif, qui s’applique aux contrats prenant effet à compter du 1er janvier 2017, vise en principe à inciter les organismes complémentaires à candidater à la labellisation et à proposer des prix attractifs. À ce stade, si la labellisation peut être perçue comme un argument de vente des contrats, reste à mesurer quelle en sera l’attraction pour une population âgée. Autre question, l’éventuel coût de gestion du crédit d’impôt – dont les modalités d’imputation sur la TSA sont encore à définir par un décret en Conseil d’État –, combinés à ce crédit d’impôt au taux relativement faible, celui-ci conduira-t-il bien à une réduction du coût des complémentaires santé, les rendant ainsi accessibles aux personnes âgées de 65 ans et plus ayant actuellement renoncé à une telle couverture.
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