Du clair-obscur à l'« outrenoir »
FRÉDÉRIC BONNEVAY
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FRÉDÉRIC BONNEVAY
Ut pictura poiesis : si l'analyse économique est tout un art, c'est à la peinture qu'elle s'apparente, et le paysage européen hésite entre la nature morte et la pure abstraction. Les faibles lueurs d'espoir si largement relayées par les politiques et les médias pourraient être bien fugaces. La logique de la construction européenne était de doter le continent d'un moteur de croissance commun, l'obtention de crédit bon marché par les pays du Sud finançant leur déficit commercial envers les pays du Nord de la zone euro. L'endettement devint vite intenable, la croissance n'étant guère portée par des gains de compétitivité - Allemagne exceptée, natürlich - mais par une consommation débridée payée à crédit. Depuis, la crise financière a fait son oeuvre, et un profond rééquilibrage a mis à mal, en 2010, la viabilité même de l'union monétaire.
Les économies de la région, dans le lointain sillage des États-Unis et de la Grande-Bretagne, semblent enfin sorties d'affaire. L'Allemagne consomme, l'Espagne et la Grèce reviennent sur les marchés. La France elle-même se décide à entreprendre des réformes. Les investisseurs applaudissent : 25 Md$ auraient migré en 2013 vers les actions cotées du Vieux Continent. 2014 serait-elle l'année de l'Europe ? Ce serait négliger les « bienfaits » de la tourmente que traversent les émergents. Le chaos politique, les hoquets des matières premières, le retrait, surtout, de capitaux américains ont conduit ces pays - Argentine, Thaïlande et Turquie en tête - à procéder à de vigoureuses dévaluations.
Déstabilisantes aujourd'hui, elles conduiront à terme à de puissants regains de compétitivité, capables d'effacer d'un trait de plume les fruits des si douloureux efforts de l'Europe. Le flux ininterrompu des délocalisations industrielles, les investissements réels dont les émergents demeurent bénéficiaires en sont les prémisses. Faute d'une politique de change européenne plus active, le tableau est voué à s'assombrir : sans un prompt changement de palette, Mario Draghi verra son clair-obscur caravagesque se muer bien vite en « outrenoir » à la Soulages.
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