Pratiques anticoncurrentielles : vers une amélioration des droits des victimes

Transposant une directive européenne de 2014, l’ordonnance du 9 mars 2017 instaure un nouveau cadre juridique pour l’action en dommages et intérêts des victimes de pratiques anticoncurrentielles. Les règles de droit commun se conjuguent avec le droit de la concurrence.

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Pratiques anticoncurrentielles : vers une amélioration des droits des victimes

Sont considérées comme des pratiques anticoncurrentielles l’abus de dépendance économique, l’abus de position dominan­te, l’entente et la pratique d’un prix abusi­vement bas. Ces comportements, quand ils ont pour objet, ou pour effet, de désorganiser le marché et l’équilibre existant, conduisent à des sanctions pécuniaires (amendes) prononcées le plus souvent par les autorités de concurrence. À cela peut s’ajouter la réparation du préju­dice subi par les victimes de ces pratiques, telles que les entreprises concurrentes ou non, les consommateurs, les acheteurs publics. Pourtant, et notamment, en raison d’importantes difficultés proba­toires, ces actions sont demeurées, jusque-là, peu fréquen­tes en France.

C’est dans ce cadre qu’il est apparu nécessaire d’améliorer l’action d’indem­ni­sation des prati­ques anti­­concurrentielles dans un cadre juridique rénové et adapté, conjuguant les princi­pes fondamentaux de droit commun de la responsabilité civile avec le caractère spéci­fique du droit de la concurrence. La directive européenne, n° 2014/104, du 26 novem­bre 2014 répond à cet objectif. Elle a été transposée en droit français par l’ordonnance n° 2017-303 et son décret n° 2017-305 du 9 mars 2017.

L’instauration de présomption

Conformément au droit commun de la responsabilité civile, les victimes de pratiques anticoncurrentielles peuvent obtenir, auprès du responsable, la réparation intégrale du préju­dice qu’elles ont subi, dès lors que les conditions posées pour l’enga­gement de la responsabilité civile de cette personne sont réunies : preuve de la fau­te, d’un préju­dice et d’un lien de causalité. Afin d’adapter cette action en indemnisation à la spécificité du droit de la concurrence, et par dérogation au droit commun, l’ordonnance du 9 mars 2017 instau­re un dispositif qui facilite la preuve du fait générateur de responsa­bilité et du préjudice réelle­ment subi.

Concernant le fait générateur, l’existence d’une pratique anticoncur­rentielle – et son imputation – est réputée établie de manière irréfragable dès lors qu’elle est constatée par une décision ne pouvant plus faire l’objet « d’une voie de recours ordinaire » (article L. 481-2 du code de commerce). Par ailleurs, « il est présumé jusqu’à preuve du contraire qu’une entente entre concurrents cause un préjudice » (article L. 481-7 du code de commer­ce). À préciser que cette présom­ption est simple et permet au défendeur d’apporter la preuve contraire. Ainsi, la victime qui s’est fournie directement auprès des membres de l’entente est présumée avoir subi un préjudice en n’ayant pas pu répercuter le surcoût sur ses clients directs. Cette notion de surcoût est nouvelle et adaptée à la matière du droit de la concurrence.

Dans le même sens, les nouvelles dispo­sitions de l’ordonnance du 9 mars 2017 facili­tent également la possibilité d’obtenir la répa­ration des domma­ges indirects. En effet, dans ce type d’affai­res, les victimes ont souvent subi la hausse des prix par ricochet, en raison de l’alignement de leur fournisseur sur les prix convenus entre les cartellistes. Les principes du droit commun de la responsabilité civile ont été mobilisés pour résoudre les difficultés liées à la matière du droit de la concurrence. Le préjudice subi et indemnisable comprend désormais la perte de chance, la perte d’un gain manqué ainsi que le préjudice moral.

à retenir

  • En transposant la directive du 26 novembre 2014, l’ordonnance du 9 mars 2017 vise à améliorer les droits des victimes de pratiques anticoncurrentielles.
  • En droit de la concurrence, l’action des victimes fondée sur le droit commun de la responsabilité civile intègre des règles supplémentaires de présomption et de solidarité, afin d’être adaptée à la matière.

La solidarité des responsables

De plus, l’ordonnance introduit le principe de la responsabilité solidaire des coauteurs d’une pratique anticoncurrentielle qui devront contribuer à la dette à concurrence, de « la gravité de leurs fautes respectives et de leur rôle causal dans la réalisation du dommage » (article L. 481-9 du code de commerce).

La solidarité s’applique également aux groupes de sociétés, ainsi la socié­té mère peut être condamnée par l’Autorité de la concurrence du fait de son appartenance à la même entente que sa filia­le, auteur de la pratique prohibée. Elle répondra solidairement avec sa filiale de la dette de réparation. Ce mode d’impu­tation de la responsabilité est différent de celui du droit commun et présente l’avantage d’être en prise avec les réalités économiques des situations traitées.

En raison d’une clémence, le bénéfi­ciaire d’une immunité totale d’amende ne sera tenu à la solidarité à l’égard des victimes, autres que ses contractants directs ou indirects, qu’à titre subsidiaire, c’est-à-dire lorsqu’elles n’auront pas obtenu répa­ration auprès des autres codébiteurs.

à noter

De nouvelles règles sur la communication de pièces sensibles sont prévues dans les actions en dommages et intérêts du fait des pratiques anticoncurrentielles.

L’aménagement du délai de prescription

Toujours pour encourager la mise en œuvre de l’action en indemnisation de pratiques anticoncurrentielles, la prescription ne court pas, tant que la pratique n’a pas cessé. Le délai de prescription ne commencera à courir qu’à partir du jour où le deman­deur connaît, ou aurait dû connaître, de façon cumulative : les actes ou faits imputés au responsa­ble du dommage, le fait que cette pratique lui cause un dommage et l’identité de l’un des auteurs de cette pratique. La prescription ne court pas non plus à l’égard des victimes du bénéficiaire d’une exonération totale de sanction pécuniaire suite à une procédure de clémence, tant qu’elles n’ont pas été en mesure d’agir à l’encontre des auteurs de la pratique anticoncurrentielle (article L. 482-1, al. 3 du code de commerce).

La communication des pièces sensibles

Enfin, de nombreuses dispositions sont consacrées à la communication et à la production de pièces. En effet, en matière anticoncurrentielle, de multiples pièces sont couvertes par le secret des affaires pouvant empêcher l’action d’une victime à aboutir. Désormais, face à une demande de production de pièces, le juge doit toujours mettre en balance l’utilité pour le dossier avec le risque d’attein­te au caractère confidentiel de ces pièces.

Dès lors, si une partie allègue que la pièce demandée ou produite est de nature à porter atteinte au secret des affaires, il appartiendra au juge de décider de la confidentialité des débats, voire de déroger au principe du contradictoire ou de limiter l’accès à certains éléments de la pièce. Sa décision devra être motivée. Dans l’hypothèse d’un rejet de demande de communication de pièces, la déci­sion du juge pourra faire l’objet d’un recours dans le seul cadre de l’action au fond. Un recours devant le premier président de la cour d’appel de Paris ou devant le président de la cour administrative d’appel peut être porté à l’encontre d’une décision enjoignant une communication de pièces.

Le juge ne peut pas solliciter la production d’une pièce auprès d’une autorité – Autorité de la concurrence, ministre de l’économie, autorité de concurrence d’un autre état membre de l’Union européenne ou Commission européenne – si celle-ci peut raisonnablement être commu­niquée par l’une des parties ou un tiers. Par ailleurs, les pièces issues d’une procédure de clémence ou d’une transaction ne peuvent pas être communiquées.

L’ensemble de ces nouvelles règles est applicable aux actions en réparation, dont le fait générateur est né ou survenu après le 11 mars 2017, à l’exclusion des règles relatives à la communication des pièces en gran­de partie applicables aux actions introduites depuis le 26 décembre 2014. Le régime français de la réparation des préjudices nés de prati­ques anticoncurrentielles est désormais unifié avec celui de l’Europe.

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