Transaction : un mode de résolution des conflits encore efficace
La transaction est un mode alternatif de résolution des litiges qui présente des avantages aussi bien pour les assurés que pour les assureurs. Toutefois, son régime est strictement encadré par la loi.L'analyse de Frédérique de la Chapelle, associée du cabinet Eversheds Sutherland

La transaction, définie en droit français par l’article 2044 du code civil comme « un contrat par lequel les parties, par des concessions réciproques, terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître », consacre la liberté des parties en leur permettant de « statuer » ensemble sur leur différend. Dans un contexte législatif de plus en plus complexe, et alors que les juridictions étatiques ne sont pas toujours suffisamment spécialisées pour appréhender la complexité grandissante des conflits et tous les domaines du droit, l’aléa judiciaire paraît grandissant. Il milite, dans de nombreux cas, en faveur de la recherche d’une transaction qui donnera aux parties de la sécurité juridique et leur évitera des contentieux longs, coûteux et aléatoires.
La tendance législative, depuis de nombreuses années, est clairement en faveur du développement des modes alternatifs de résolution des conflits, au premier plan duquel figure certainement la transaction. Ainsi, depuis un décret n° 2015-282 du 11 mars 2015, l’article 56 du code de procédure civile prescrit de mentionner dans l’assignation les diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable du litige (sauf motif légitime). La réforme du droit des contrats (ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016) a, par ailleurs, entendu clarifier la définition de la transaction et a abrogé les articles 2047 et 2053 à 2058 du code civil afin de « dépoussiérer » cette vieille institution de certaines dispositions surannées ou superfétatoires.
L’extension du domaine de la transaction
La volonté politique de faciliter les recours à la transaction, motivée par une volonté de désengorger les tribunaux, se manifeste par l’extension du domaine de la transaction. À l’origine confinée aux litiges entre personnes de droit privé, la transaction s’est développée en matière administrative, puis en matière pénale. En droit de l’environnement, l’article L. 173-12 du code de l’environnement définit une procédure permettant à l’autorité administrative de transiger tant que l’action publique n’a pas été déclenchée. Ces dispositions ont été validées par le Conseil d’État (27 mai 2015, n° 505).
De même, la loi de régulation bancaire et financière de 2010 a mis en place un dispositif de transaction avec l’AMF (Autorité des marchés financiers) en cas de manquements aux obligations professionnelles commis par les intermédiaires de marché et, depuis la loi du 21 juin 2016, d’abus de marché, manquements en matière de transparence ou encore manquements commis par les infrastructures de marché. Ces « transactions » s’éloignent, cependant, de la transaction civiliste en ce que les parties ne sont pas à égalité et que la transaction ne porte pas sur des intérêts purement privés. Elles sont donc plus encadrées. Certains litiges restent exclus du champ des transactions car la société considère que seul un juge peut se prononcer compte tenu des intérêts d’ordre publics concernés.
La stabilité juridique actuelle
L’objet même de la transaction est de mettre un terme irrévocable à un différend né ou à naître. La stabilité de la transaction est donc essentielle. La stabilité de la transaction et son caractère irrévocable sont d’ailleurs pris en considération par les parties dans l’estimation des concessions réciproques. Par exemple, une partie peut accepter de verser une indemnité transactionnelle alors qu’elle contestait sa responsabilité (ce qui est une concession) et l’autre peut accepter de recevoir une indemnité inférieure à ce qu’elle estimait lui être due, justement pour éviter l’aléa judiciaire et un contentieux long et coûteux.
Remettre en cause une transaction est donc un acte grave en ce qu’il vient finalement fragiliser ce qui constitue la substantive moelle de la transaction : le terme irrévocable mis à un litige né ou à naître. Transiger est, pour la même raison, un acte grave que la loi assimile à un acte de disposition : pour transiger, il faut avoir la capacité de disposer (art. 2045 du code civil). La force de la transaction s’apprécie d’une part par la difficulté de remise
en cause de sa validité. La jurisprudence semble, dans son ensemble, assez mesurée. Ainsi, si la transaction doit être conclue par écrit (art. 2044 du code civil), la jurisprudence estime qu’il s’agit d’une règle de preuve et pas d’une règle de validité (Cass. Civ. 1re 18 mars 1986, pourvoi n° 84-16817).
De même, la Cour de cassation contrôle l’existence de concessions réciproques sans vérifier la proportion des concessions. La nullité n’est encourue qu’en cas de concessions dérisoires, étant précisé que la jurisprudence requalifie parfois alors la transaction en un acte de renonciation. La force de la transaction s’apprécie ensuite par ses effets. L’ordonnance de 2016 a remplacé la notion d’autorité de la chose jugée en dernier ressort de la transaction par la formulation qui figue à l’article 2052 du code civil : « la transaction fait obstacle à l’introduction ou à la poursuite entre les parties d’une action en justice ayant le même objet ».
La transaction doit être rédigée en termes généraux avec une portée générale de manière à enfermer dans son objet toutes les demandes présentes et futures liées directement ou indirectement avec le différend. L’article 2049 précise en effet que « les transactions ne règlent que les différends qui s’y trouvent compris, soit que les parties aient manifesté leur intention par des expressions spéciales ou générales, soit que l’on reconnaisse cette intention par une suite nécessaire de ce qui est exprimé ».
La Cour de cassation semble désireuse de respecter la portée des transactions. Ainsi, dans un arrêt récent du 30 mai 2018 (n° 16-25426), la chambre sociale de la Cour de cassation a jugé irrecevables les demandes de retraite complémentaire d’un salarié licencié dès lors que celui-ci avait déclaré, dans une transaction, avoir reçu toutes les sommes auxquelles il pouvait éventuellement prétendre. De même, dans un arrêt du 13 juin 2017 (n° 16-83545), la chambre criminelle de la Cour de cassation a jugé irrecevables les demandes formées par la victime d’un accident de la circulation en perte de gains professionnels futurs et préjudice exceptionnel permanent compte tenu des termes larges de la transaction qui n’avaient exclu de son domaine que les préjudices résultants de l’arrêt temporaire de travail.
Risque de fragilisation de la transaction
Si la tendance législative actuelle vise à inciter la conclusion de transaction, encore ne faudrait-il pas que le législateur fragilise la stabilité qui leur est nécessaire par l’introduction de dispositions inadaptées à la transaction. En effet, depuis la réforme du droit des contrats par l’ordonnance du 10 février 2016, la transaction semble soumise aux nouvelles dispositions de l’article 1143 du code civil qui dispose qu’une convention peut être annulée pour violence « lorsqu’une partie, abusant de l’état de dépendance dans lequel se trouve son cocontractant, obtient de lui un engagement qu’il n’aurait pas souscrit en l’absence d’une telle contrainte et en tire un avantage manifestement excessif ».
Il s’agit de la reconnaissance de la « violence économique », mais aussi de la lésion qualifiée, c’est-à-dire d’une possibilité, pour le juge, d’annuler un contrat lorsque (a) la formation du contrat est caractérisée par une situation de dépendance entre les parties et que (b) cette situation permet à l’une des parties d’obtenir un avantage excessif. Il faut espérer que ces nouvelles dispositions seront appliquées avec mesure par les tribunaux afin que la stabilité juridique de la transaction ne se trouve pas remise en cause.
à retenir
La réforme du droit des contrats, issue de l’ordonnance du 10 février 2016, définit la transaction à l’article 2044 du code civil. La transaction est un contrat qui a autorité de la chose jugée et qui, selon la nouvelle rédaction de l’article 2052 du code civil, « fait obstacle à l’introduction ou à la poursuite entre les parties d’une action en justice ayant le même objet ».
à noter
Il conviendrait d’éviter que certaines dispositions issues de la réforme du droit des contrats, notamment celles relatives à la « violence économique », fragilisent la stabilité juridique de la transaction.
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