La circulation en France et la mise en place des zones à circulation restreinte
Les zones à circulation restreintes, introduites par la loi n° 2015-992 du 18 août 2015 visent à limiter la circulation des véhicules dans les agglomérations et les zones couvertes par un plan de protection de l’atmosphère afin de lutter contre la pollution atmosphérique. Un décret n° 2017-782 du 5 mai 2017 vient parachever le dispositif en rendant la vignette Crit’Air obligatoire dans les zones à circulation restreinte.

Les pouvoirs traditionnels du maire en matière de police de la circulation et du stationnement ne l’autorisaient pas à interdire la circulation sur tout ou partie de la commune pour la protection de l’environnement ou l’amélioration de la qualité de l’air. En effet, les interdictions ne pouvaient porter que sur certaines voies ou portions de voies (1).
Sous la pression de l’Union européenne (2), le législateur a mis en place un dispositif permettant de pallier cette carence.
La loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 a introduit un dispositif permettant d’interdire la circulation des véhicules à moteur dans les communes et groupements de communes de plus de 100 000 habitants en cas de dépassement ou de risque de dépassement des normes réglementaires de qualité de l’air : les zones d’action prioritaire pour l’air (Zapa) (3).
Les véhicules concernés par les interdictions étaient déterminés à l’aide d’une nomenclature fixée par un arrêté en date du 3 mai 2012 (4), classant les véhicules en fonction de leur niveau d’émission selon deux critères essentiels : le type de carburant et la norme Euro du véhicule.
La complexité de mise en œuvre du dispositif, expérimental, soumis à étude préalable et à l’aval de l’État, a conduit à ce qu’aucune Zapa ne soit créée.
Restriction de circulation
La loi n° 2015-992 du 17 août 2015 a remplacé les Zapa par un dispositif pérenne plus simple à mettre en place : les zones à circulation restreinte (ZCR). Le nouveau dispositif, prévu par l’article L. 2213-4-1 du Code général des collectivités territoriales, ne fait plus référence aux « normes réglementaires de qualité de l’air » mais uniquement à la lutte contre la pollution atmosphérique.
La création d’une ZCR peut donc être motivée par la volonté d’atteindre des concentrations de polluants en deçà des limites et objectifs réglementaires.
Contrairement aux Zapa, la création d’une ZCR n’est pas soumise à l’aval de l’État. Elle relève de la compétence des communes et des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre, avec, le cas échéant, l’accord du préfet et du président du conseil départemental si la ZCR englobe des voies nationales ou des voies départementales hors agglomération.
Les ZCR peuvent être mises en place dans les agglomérations et les zones couvertes par un plan de protection de l’atmosphère (PPA) adopté, en cours d’élaboration ou de révision.
Elles ne sont donc pas limitées aux zones urbaines et peuvent s’étendre au-delà si la zone concernée est couverte par un PPA.
Ainsi, les ZCR ne sont pas réservées aux grandes agglomérations, ni aux hypercentres. Elles ont vocation à concerner des étendues de plus en plus vastes.
Il est à noter que le projet « Villes respirables en 5 ans », mis en place sous la précédente mandature par le ministère de l’Écologie, oblige les participants à mettre en place une ZCR : 25 agglomérations participent à ce projet.
Surtout, les ZCR peuvent s’étendre sur tout ou partie du territoire de la commune ou de l’EPCI, et ne sont nullement limitées à des voies ou des portions de voies.
Les ZCR sont créées par un arrêté du maire ou du président de l’EPCI qui détermine l’étendue de la zone concernée, les mesures de restrictions et les catégories de véhicules qui en font l’objet.
La mise en place d’une ZCR reste toutefois soumise au contrôle du juge de l’excès de pouvoir.
Classification des véhicules
Pour déterminer les catégories de véhicules concernés par les restrictions, les collectivités locales se réfèrent à l’identification des véhicules fondée sur leur contribution à la limitation de la pollution atmosphérique, prévue par les articles L. 318-1 et R. 318-2 du Code de la route.
Selon l’article R. 318-2, les véhicules à moteur sont identifiés au moyen d’une vignette appelée « certificat qualité de l’air », plus communément appelée Crit’Air. Ce certificat atteste de la conformité des véhicules à différentes classes établies en tenant compte du niveau d’émission de polluants atmosphériques et de leur sobriété énergétique. La classification des véhicules est fixée par un arrêté en date du 21 juin 2016 (5).
Les véhicules sont classés en fonction de leur type (véhicule particulier, deux-roues, véhicule utilitaire léger, poids-lourds, autobus et autocars), de leur motorisation (essence, diesel, électrique, gaz, hybride…) et de la norme Euro à laquelle ils appartiennent.
Cette classification comporte 7 catégories (6) :
- Classe « véhicule électrique » (VE) ;
- Classes 1 à 5, des véhicules thermiques les plus récents, jugés les plus vertueux (classe 1), aux moins récents, qui le seraient moins (classe 5) ;
- « Non classés », qui concerne les véhicules les plus anciens, jugés les plus polluants.
Si la norme Euro du véhicule est inconnue, sa classe sera déterminée en fonction de sa date de première immatriculation.
On relèvera que les véhicules « non classés » n’ont droit à aucune vignette et qu’aucun véhicule diesel n’appartient à la classe 1.
Ainsi, le fait de limiter l’accès d’une ZCR aux seuls véhicules thermiques de classe 1 aura pour effet d’exclure de la ZCR tous les véhicules diesel, quelle que soit leur ancienneté, ainsi que tous les véhicules antérieurs à la norme Euro 5. C’est là le souhait de la mairie de Paris à l’horizon 2020 (7).
L’autorité qui crée la zone à circulation restreinte doit en évaluer l’efficacité de façon régulière, au moins tous les 3 ans.
Le certificat qualité de l’air est matérialisé par une vignette indiquant la classe du véhicule, dont la couleur varie en fonction de ladite classe, qui doit être apposée en bas à droite du pare-brise (8). Les collectivités locales ont désormais toute latitude pour fixer les restrictions de circulation, leur étendue, leur application dans le temps, et les catégories de véhicules concernées, afin de lutter contre la pollution atmosphérique.
À titre d’exemple, la mairie de Paris, seule collectivité à avoir mis en place une ZCR à ce jour, interdit la circulation des véhicules « non classés » et, depuis le 1er juillet 2017, les véhicules de classe 5, dans tout Paris intra-muros, boulevard Périphérique exclu, entre 8 heures et 20 heures, sauf les week-ends et jours fériés pour les véhicules particuliers, utilitaires légers et deux-roues, et aux mêmes heures, tous les jours, pour les poids-lourds, autocars et autobus (9).
La mise en place d’une ZCR reste toutefois soumise au contrôle du juge de l’excès de pouvoir (10).
S’analysant en une mesure de police, les ZCR doivent être nécessaires et l’atteinte causée aux droits des propriétaires et des usagers de la route proportionnée avec l’objectif de diminution de la pollution atmosphérique. Sur ce point, l’article L. 2213-4-1 du CGCT précise que les restrictions de circulation sont cohérentes avec les objectifs de diminution de la pollution atmosphérique fixés par le PPA de la zone concernée.
Surtout, la création d’une ZCR doit être précédée d’une étude présentant les mesures de restriction, justifiant leur nécessité et exposant les bénéfices environnementaux et sanitaires attendus, notamment en termes d’amélioration de la qualité de l’air et de diminution de l’exposition de la population à la pollution atmosphérique.
On regrettera que, par ce dispositif qui exclura de plus en plus de véhicules de territoires de plus en plus vastes, les pouvoirs publics se focalisent uniquement sur les moyens de se déplacer sans jamais s’interroger sur les nécessités de se déplacer.
Il est à noter que l’étude des impacts socio-économiques des restrictions, exigée pour la mise en place des Zapa, a disparu avec le nouveau dispositif qui exige uniquement une étude portant sur la pollution atmosphérique.
L’impact social des restrictions de circulation n’est désormais plus pris en compte pour les mettre en place.
L’article R. 2213-1-0-1 du CGCT précise que l’étude doit comporter une évaluation de la population concernée par les dépassements ou le risque de dépassement des normes de qualité de l’air, des émissions dues au trafic routier sur la zone, des véhicules concernés par les restrictions, et des réductions d’émissions attendues.
Le projet d’arrêté et l’étude sont présentés pour avis aux autorités organisatrices de la mobilité dans la zone et leurs abords, aux communes limitrophes, aux gestionnaires de voirie et aux chambres consulaires ; à l’expiration d’un délai de 2 mois à compter de leur saisine, l’avis est réputé conforme.
Puis le projet d’arrêté, l’étude et les avis susvisés sont mis à disposition du public dans les conditions de l’article L. 123-19-1 du code de l’environnement (11), afin qu’il formule ses observations et propositions.
L’autorité qui crée la zone à circulation restreinte doit en évaluer l’efficacité de façon régulière, au moins tous les 3 ans.
Enfin, l’accès de certains véhicules, limitativement énumérés par l’article R. 2213-1-0-1 du CGCT, ne peut être interdit : véhicules d’intérêt général, véhicules portant une carte de stationnement pour personnes handicapées, etc.
L’arrêté peut également énumérer des catégories de véhicules qui, quelle que soit leur classe, ne sont pas concernés par les restrictions de circulation (12).
Enfin, l’arrêté peut prévoir des dérogations individuelles sur demande motivée des intéressés.
En résumé
- Les véhicules électriques et les véhicules des classes 1 à 5 doivent obligatoirement arborer leur certificat qualité de l’air pour circuler ET stationner dans une ZCR, même aux heures où les restrictions de circulation prévues par la ZCR ne sont pas effectives ;
- Les véhicules « non classés » ne sont pas concernés par cette obligation puisqu’ils n’ont droit à aucun certificat qualité de l’air. Toutefois, jugés les plus polluants, ils sont concernés au premier chef par les restrictions de circuler résultant de la ZCR.
Infraction aux ZCR sanctionnée
Les sanctions attachées au non-respect des prescriptions d’une zone à circulation restreinte sont prévues par l’article R. 411-19-1 du Code de la route.
Dans sa rédaction d’origine, l’article R. 411-19-1 ne prévoyait que 3 infractions :
- la circulation dans une ZCR en violation des interdictions de circuler qu’elle prévoit ;
- le stationnement dans une ZCR avec un véhicule interdit en permanence, à toute heure et tous les jours ;
- le stationnement avec un véhicule non identifié conformément à l’article L. 318-1 du Code de la route, c’est-à-dire un véhicule des classes VE et 1 à 5 n’arborant pas le certificat qualité de l’air sur son pare-brise.
Constatant une certaine désaffection du public à l’égard du certificat qualité de l’air, la précédente mandature a modifié le Code de la route par un décret n° 2017-782 du 5 mai 2017, en vigueur depuis le 1er juillet 2017, afin de rendre le certificat obligatoire pour circuler dans une ZCR, d’une part, et en cas de pic de pollution, d’autre part.
Dans sa rédaction issue du décret, l’article R. 411-19-1 réprime en sus le fait de circuler dans une ZCR avec un véhicule non identifié conformément aux dispositions de l’article L. 318-1 du Code de la route, c’est-à-dire avec un véhicule des classes VE et 1 à 5 dépourvu de son certificat qualité de l’air. Il est à noter que les véhicules des classes 1 à 5 qui feront l’objet des restrictions n’auront pas le droit de circuler aux heures où les restrictions seront effectives et qu’ils devront en outre arborer le certificat qualité de l’air pour circuler aux horaires autorisées (13). Le contrevenant encourt une contravention de 3e classe pour les véhicules particuliers, les véhicules utilitaires légers et les deux-roues, et une contravention de 4e classe pour les poids-lourds et les transports en commun, ainsi que l’immobilisation et la mise en fourrière du véhicule.
Rappelons enfin que les ZCR ne sont pas les seuls dispositifs de restriction de la circulation.
En cas de pic de pollution, le Préfet de la zone de défense et de sécurité peut mettre en place des restrictions de circulation. Le décret précité du 5 mai 2017 a modifié l’article R. 411-19 du Code de la route pour officialiser la circulation alternée, qui repose sur les certificats qualité de l’air et non sur le numéro pair ou impair des plaques d’immatriculation.
Dans sa nouvelle rédaction, l’article R. 411-19 rend obligatoire le certificat qualité de l’air pour circuler en cas de pic de pollution dans le périmètre délimité par le Préfet. Enfin, le décret harmonise les sanctions de l’article R. 411-19 avec celles de l’article R. 411-19-1 du Code de la route. Après de multiples balbutiements, le dispositif des restrictions de circulation est désormais mature dès lors que le contrôle des contrevenants sera facilité par l’obligation du port du certificat qualité de l’air. On regrettera que, par ce dispositif qui exclura de plus en plus de véhicules de territoires de plus en plus vastes, les pouvoirs publics se focalisent uniquement sur les moyens de se déplacer sans jamais s’interroger sur les nécessités de se déplacer, notamment en repensant l’aménagement du territoire et l’organisation du travail.
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