Pas une ride après vingt-cinq ans d’application
Avec la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la Justice du XXIe siècle, le législateur vient colmater les dernières brèches qui permettaient à quelques conducteurs de se soustraire au mécanisme du permis à points. Obligation de désignation du salarié fautif pour les infractions commises au volant de véhicules de société, impossibilité d’immatriculer un véhicule au nom d’une personne non titulaire d’un permis de conduire, autant de mesures destinées à étendre encore un dispositif entré en application il y a vingt-cinq ans mais régulièrement dépoussiéré tant par le législateur que par la jurisprudence.

Le système du permis à point imaginé par le législateur avec la loi n° 89-469 du 10 juillet 1989 repose au départ, largement, sur la notion de pédagogie. Le conducteur doit prendre conscience au fil des décisions de retraits de points de l’impérieuse nécessité de changer son comportement sur la route s’il ne veut pas perdre, à terme, son permis.
De même la possibilité de récupérer des points par le biais d’un stage de sensibilisation à la sécurité routière procède de la même logique pédagogique.
Cette pédagogie passe, toutefois, nécessairement par une information effective de l’automobiliste. Si celui-ci n’est pas informé correctement des décisions de retrait de points, son attitude sur la route ne changera pas.
Cette perte de points doit, également, pour appeler une modification durable du comportement être progressive. Pour cette raison, les parlementaires, lors de l’élaboration de la loi du 10 juillet 1989, avaient pris soin de préciser qu’il n’est pas possible en cas d’infractions concomitantes de perdre plus des 2/3 de son capital, c’est-à-dire huit points (Cf. article L. 223-2 du code de la route).
Mais cette recherche de la pédagogie a été sacrifiée sur l’autel de la répression. Entre l’envolée des verbalisations et la multiplication des dispositions législatives et réglementaires, nombreux sont les conducteurs à s’y perdre et à avoir perdu leurs permis.
Le fonctionnement du permis à points : le bâton et la carotte
Le bâton : la perte de points. Le principe du permis à points est posé en deux phrases par l’article L. 223-1 du code de la route : « le permis de conduire est affecté d’un nombre de points. Celui-ci est réduit de plein droit si le titulaire du permis a commis une infraction pour laquelle cette réduction est prévue ».
Le législateur de 1989 a imaginé un barème de perte de point. Pour chaque infraction est prévu un nombre de points perdus. Les conducteurs disposent au départ d’un capital de 12 points que viendront progressivement entamer les décisions de retraits de points consécutives à des infractions. Le retrait de points est une mesure administrative sur laquelle le juge pénal n’a aucun pouvoir, il ne peut pas moduler la perte de points. Soit il relaxe (ou prononce une dispense de peine, Cf. CE, 16 juin 2004, no 248628, Ajda 2004.1934) et aucune perte de point n’interviendra, soit il entre en voie de condamnation et l’administration procédera ultérieurement à la décision de retrait de points. Les conducteurs novices ne se voient accorder, eux, qu’un capital de départ de 6 points. Depuis 2008, s’ils ne commettent pas d’infraction entraînant retrait de point pendant un an, deux points leur seront attribués. Ce crédit potentiel de 2 points leur permettra d’atteindre le plafond de 12 points au bout de trois ans. À partir du moment où est enregistrée une décision de retrait de point, le solde est figé, et le mécanisme de majoration n’a plus vocation à s’appliquer (en ce sens : CE, 15 juin 2016, n° 393522 : « Le fait d’avoir commis une infraction ayant entraîné le retrait d’un point fait obstacle à la majoration, alors même qu’en application de l’article L. 223-6, 3e alinéa du même code le point ainsi retiré a été rétabli au bout de six mois en l’absence de nouvelle infraction ayant entraîné un retrait de points »). Ce système de majoration progressive s’avère nettement plus avantageux que le précédent sous le régime duquel les jeunes conducteurs restaient à 6 points pendant les trois premières années.
Quand perd-on ses points ?
La décision de retrait de points va pouvoir intervenir lorsqu’est établie la réalité de l’infraction. L’article L. 223-1 du code de la route précise, à ce propos, que « la réalité d’une infraction entraînant retrait de points est établie par le paiement d’une amende forfaitaire ou l’émission du titre exécutoire de l’amende forfaitaire majorée, l’exécution d’une composition pénale ou par une condamnation définitive ». En pratique, l’absence de paiement permettra donc de différer légèrement la date de retrait de point qui interviendra toutefois à partir de l’émission de l’amende forfaitaire majorée.
En cas de contestation, la décision de retrait de point ne pourra avoir lieu qu’en présence d’une condamnation définitive. Le facteur déclencheur de la décision de retrait de point peut, ainsi, être repoussé de plusieurs mois ou années jusqu’à épuisement des voies de recours... Le principe du retrait de points à l’émission de l’amende forfaitaire majorée conduit régulièrement l’administration à procéder au retrait de point alors même que l’infraction a été contestée, puisque l’amende forfaitaire majorée ouvre un nouveau délai de contestation de 30 jours. Les conducteurs concernés devront donc alerter l’administration sur cette situation et seront parfois contraints de saisir le Tribunal administratif en cas d’absence de réponse de l’administration... Lorsque le solde de point atteint le 0, l’administration fait parvenir au conducteur un courrier recommandé 48SI l’informant de la perte de validité de son permis et lui donnant injonction de le restituer.
La carotte ou comment récupère-t-on des points ?
Le stage de sensibilisation à la sécurité routière. Le conducteur en mal de points a la possibilité, tous les ans (depuis la loi Loppsi 2 du 14 mars 2011), d’assister à un stage de sensibilisation au terme duquel son solde sera crédité de 4 points. Ce stage dure deux jours et ne peut être effectué qu’en présence d’un permis de conduire valide c’est-à-dire avant que ne soit réceptionnée une lettre recommandée 48SI. La réception d’un tel courrier le matin du deuxième jour de stage ne permettra pas, par exemple, à un automobiliste de bénéficier du crédit de 4 points.
Le stage de sensibilisation ne permettra d’opérer un crédit que dans la limite du plafond auquel le conducteur est soumis (par exemple, six pour un conducteur novice dans sa première année de permis).
Le conducteur qui découvrirait à la lecture de son Relevé d’information intégral qu’un courrier 48SI lui a été envoyé à une adresse erronée (erreur matérialisée par la présence de la mention NPAI sur le relevé) pourra faire valider un stage de sensibilisation à la sécurité routière (voir, par exemple : CE., 10 mars 2010, n° 332367 (lire, J.-B. le Dall, « Le Conseil d’État valide le stage de récupération de points », JA sept. 2010, n° 821), tel ne sera pas le cas en présence d’un courrier 48SI présenté au domicile de l’automobiliste mais non réceptionné (mention A/P sur le relevé).
Les reconstitutions du capital de points en l’absence de décision de retrait de points
La reconstitution triennale : le « droit commun ». L’article L. 223-6 du Code de la route prévoit que les conducteurs retrouveront les points retirés si pendant une période de trois ans n’intervient aucune décision de retrait de point. Chaque décision de retrait de point fait à nouveau courir un délai de trois ans. Le conducteur qui demeure irréprochable pendant trois ans retrouvera donc l’intégralité de son solde.
La computation de ce délai de trois ans nécessite, en pratique, de s’assurer de la date réelle du dernier retrait de point, cette information pourra être fournie par la lecture du Relevé d’Information Intégral délivré par les services préfectoraux. La date à prendre en compte apparaît sur ce document avec la mention « date définitive ». Les textes font référence à une infraction ayant entraîné retrait de point, la date à prendre en compte pour savoir si l’automobiliste atteindra ou non la date anniversaire des 3 ans correspond à celle du retrait de point. Il peut, donc, s’avérer tentant de repousser la date du retrait de point en contestant l’infraction et éventuellement en utilisant les différentes voies de recours pour retarder la date de la condamnation définitive...
La reconstitution abrégée (six mois). Pour les décisions de retrait d’un point (qui correspondent à seulement quatre cas de verbalisation : les excès de vitesse inférieurs à 20 km/h au-delà de la vitesse autorisée, le défaut de port de gants homologués par les conducteurs de deux-roues motorisés et les chevauchements de ligne continue et de ligne de bande d’arrêt d’urgence) le point retiré sera restitué au conducteur à l’issue d’un délai abrégé. La réforme de 2007 (loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance) avait introduit, pour ces décisions de retrait d’un point, un délai spécifique d’une année (Cf. article L. 223-6 du code de la route). La loi Lopssi 2 du 14 mars 2011 est venue, ensuite, abaisser ce délai à 6 mois.
Si elle peut arithmétiquement être gommée au bout de 6 mois, cette décision de retrait d’un seul et unique point ne disparait pas pour autant du fichier national des permis de conduire. Elle aura, ainsi, pour conséquence faire courir un nouveau délai de reconstitution triennale pour les décisions de retrait de points (Cf. CAA Paris, 20 décembre 2013, n° 13 PA01100 : « Il résulte des premier et deuxième alinéas des dispositions précitées de l’article L. 223-6 que le point de départ des délais prévus pour la réaffectation du nombre maximal de points n’est interrompu par la commission d’une infraction que si celle-ci a effectivement donné lieu à une décision de retrait de point ; que, dès lors, l’annulation ou le retrait de la décision retirant un point a une incidence favorable au titulaire du permis en faisant disparaître la cause d’interruption, à la différence de la seule réattribution, en application des dispositions précitées au 3e alinéa de cet article, d’un point au bout de six mois, qui laisse subsister la cause d’interruption. »)
La reconstitution biennale. Présentée comme une véritable réforme du permis à points, l’adoption de la loi Loppsi II devait déboucher sur un abaissement généralisé des délais de reconstitution de points. À l’origine de cette évolution, un amendement du Sénat du 10 septembre 2010 prévoyait un nouveau délai de « droit commun » de seulement une année contre trois auparavant.
Considérablement remanié, le texte d’origine n’est que partiellement repris par les parlementaires lors du vote de la loi Loppsi 2. A été retenu le principe d’un délai abrégé à 6 mois pour les décisions de retrait d’un point. Par contre, l’abaissement du délai applicable aux autres décisions de retrait de points, s’il a été voté, a été totalement vidé de sa substance. Un délai plus court de deux ans a effectivement été mis en place, néanmoins, dans le but de ne pas assouplir le dispositif à l’égard des auteurs des infractions les plus graves, il a été conseillé aux parlementaires d’exclure de ce nouveau mécanisme tous les délits et les contraventions de cinquième et de quatrième classe. Avec une telle exclusion, c’est en pratique l’immense majorité des décisions de retrait de points qui demeure dans le champ d’application du délai de reconstitution triennale. En effet, au moment du vote de la loi Loppsi 2, ne pouvaient être recensées que trois infractions entraînant retrait de points et ne correspondant ni à une contravention de cinquième classe, ni à une contravention de quatrième classe : le changement important de direction sans avertissement préalable (non utilisation des clignotants), la circulation sur bande d’arrêt d’urgence et l’usage d’un téléphone tenu en main par conducteur d’un véhicule en circulation. Depuis le champ d’application du délai abrégé à deux ans a, encore, été réduit avec un décret du 3 janvier 2012 qui a fait de l’usage du téléphone au volant et de la circulation sur bande d’arrêt d’urgence des contraventions de quatrième classe. Ce qui avait été présenté comme la grande réforme du permis à points avant le vote de la loi Loppsi 2 est donc à remettre en perspective, puisque le délai de trois ans continue, en réalité, à s’appliquer dans la plupart des cas. Le point majeur de l’évolution apportée par la loi Loppsi 2 réside, en réalité, dans une autre mesure : la possibilité d’effectuer un stage de récupération de points tous les ans (voir 2 § « Le stage de sensibilisation à la sécurité routière »).
Le mécanisme de reconstitution biennale fonctionne comme le dispositif abrégé de 6 mois. La reconstitution en deux ans ne porte que sur la décision de retrait de points liée au défaut de clignotants, les éventuelles autres décisions précédentes demeurent soumises au régime de droit commun (voir, en ce sens, CE, 22 février 2017, n° 402568 et n° 402659).
La reconstitution décennale. Ultime modalité de reconstitution automatique : la récupération des points perdus après une période de dix ans. Cette possibilité prévue à l’article ne concerne que les contraventions des quatre premières classes et ne sera effective qu’à la double condition que les points retirés n’aient pas fait l’objet d’une reconstitution triennale et que le permis de conduire ait conservé sa validité. Cette hypothèse se croise plus couramment que par le passé, la restitution apparaîtra sur le Relevé d’information intégral avec la mention « décision 99 ».
Le mécanisme de reconstitution décennale ne concernait, au départ, que les contraventions de quatrième classe ne pouvant donner lieu à suspension de permis de conduire. Le décret n° 2003-293 du 31 mars 2003 est venu élargir le dispositif à l’ensemble des contraventions des quatre premières classes. Pour le Conseil d’État, même des infractions commises avant cette modification réglementaire doivent pouvoir profiter du nouveau dispositif plus favorable aux conducteurs. Pour le Conseil d’État, il convient « de faire application d’une loi nouvelle plus douce », chose dont il ne s’est d’ailleurs pas privé profitant des pouvoirs dont il dispose lorsqu’il intervient comme juge de plein contentieux. (Cf. CE, 15 mars 2017, n° 395286).
La nécessité d’être toujours en possession d’un permis de conduire valide pour prétendre à une reconstitution de points ne concerne d’ailleurs pas que la reconstitution décennale, la procédure de droit commun est bien évidemment concernée. Sur ce point, le Conseil d’État a récemment apporté un assouplissement en élargissant sa jurisprudence relative à la régularité de la notification de la décision d’invalidation du permis de conduire. Le Conseil d’État avait déjà permis la validation d’un stage de sensibilisation à la sécurité routière et le crédit de points y étant attaché postérieurement à l’envoi d’un courrier recommandé d’invalidation du permis de conduire à une mauvaise adresse (erreur matérialisée par l’apposition d’une mention NPAI sur le talon de recommandé). Depuis un arrêt de février 2016, le Conseil d’État autorise l’application du mécanisme de reconstitution après une notification irrégulière de la décision d’invalidation (Cf. CE, 5e - 4e SSR, 17 février 2016, n° 380684 : « faute pour l’administration de l’avoir rendue opposable (la décision d’invalidation) en la notifiant à l’intéressé, celui-ci a pu ultérieurement remplir les conditions pour bénéficier d’une reconstitution totale ou partielle de son capital de points »).
Les recours administratifs. Il est toujours possible de contester la régularité d’une décision de retrait de point. Le conducteur peut former un recours gracieux auprès du Fichier national des permis de conduire ou porter directement l’affaire devant le tribunal administratif.
La jurisprudence s’étant considérablement resserrée en matière de contentieux du permis à points (voir sur ce point, J.-B. le Dall, « Coup de frein sur le contentieux du permis à points », JA, 11/2012, n° 0845, et plus récemment CE, 22 mars 2017, n° 404284 sur la régularité d’une décision de retrait de points en présence d’un avis de contravention issu du centre de traitement automatisé pour lequel l’amende aurait été volontairement rayée), les perspectives de succès ont sensiblement diminué et pourraient encore chuter, à l’avenir, avec la notification dématérialisée.
Une ordonnance du 7 octobre 2015 est venue, en effet, modifier l’article L. 223-3 du code de la route qui précise désormais que lorsqu’il « est effectif, le retrait de point est porté à la connaissance de l’intéressé par lettre simple ou, sur sa demande, par voie électronique ». Un décret du 29 décembre 2015 a précisé les modalités d’application de cette mesure avec la création d’un article R. 223-3-1 dans le code de la route. L’administration proposait déjà un service d’information sur Internet permettant une indication de l’état du capital de points du conducteur. L’information délivrée par cette voie dématérialisée demeurait, néanmoins, très parcellaire puisque la seule information résidait dans le nombre de points de 0 à 12 (aucune mention sur les décisions de retrait de points ayant conduit à ce solde, aucune précision sur les éventuelles notifications à destination du conducteur). Avec le nouveau service mis en place en application de l’ordonnance du 7 octobre 2015, le conducteur peut avoir accès à l’ensemble de décisions de retrait de points prononcées à son encontre. L’avantage pour l’usager réside dans une plus grande exhaustivité de l’information avec pour l’administration une réduction sensible des frais postaux liés à la notification des décisions de retrait de points.
Aux termes de l’article R. 223-3-1 du code de la route, le conducteur « peut demander sur un site Internet dédié et sécurisé que les informations relatives aux retraits et reconstitutions de points (…) ne lui soient plus communiquées par courrier simple, mais mises à sa disposition sous une forme dématérialisée sur un compte personnel accessible à partir de ce site (…). Lorsqu’une décision dématérialisée de retrait ou de reconstitution de points est déposée sur son compte personnel, l’intéressé en est alerté par un courrier électronique envoyé à l’adresse qu’il a déclarée au moment de l’enregistrement de sa demande et le cas échéant mise à jour. Les retraits et les reconstitutions de points dématérialisés sont réputés avoir été portés à la connaissance du titulaire du permis de conduire à la date à laquelle il les a consultés pour la première fois sur (son) compte personnel (…), ou à défaut de consultation dans un délai de quinze jours à compter de la date de leur mise à disposition sur celui-ci, à l’issue de ce délai. La date de notification de ces décisions dématérialisées est certifiée par le dispositif d’horodatage du site. » Le recours massif à ce nouveau service télématique par les usagers devrait considérablement réduire le contentieux lié au permis à points, l’administration pouvant aisément opposer une date de notification qui sera la plupart du temps bien antérieure au délai de recours de recours de deux mois.
Toujours de rigueur en présence d’une invalidation du permis de conduire, la notification par courrier recommandé avec accusé de réception laissera subsister un contentieux sur sa régularité à commencer par les problématiques d’envoi à une adresse erronée. L’apposition sur le relevé d’information intégral de la mention NPAI (N’habite Pas à l’Adresse Indiquée) à côté des références postales du courrier recommandé 48SI traduit une irrégularité manifeste de la notification.
Telle est la position du Conseil d’État : « aucun principe général, ni aucune disposition législative ou réglementaire, ne fait obligation au titulaire d’un permis de conduire de déclarer à l’autorité administrative sa nouvelle adresse en cas de changement de domicile. Il en résulte qu’alors même qu’il n’aurait pas signalé ce changement aux services compétents, la présentation à une adresse où il ne réside plus du pli notifiant une décision relative à son permis de conduire et prise à l’initiative de l’administration n’est pas de nature à faire courir à son encontre le délai de recours contentieux » (CE, 18 sept. 2009, n° 327027).
Le conducteur pourra tenter de rapporter la preuve de l’irrégularité de la notification malgré la mention A/P et non NPAI si un avis de passage a été déposé à une adresse n’étant pas ou plus la sienne (pour une illustration, voir : CE, 17 octobre 2016, n° 402059).
Néanmoins, la position du Conseil d’État n’est pas la même en présence de résidences multiples. L’envoi d’un courrier recommandé à une adresse correspondant à une résidence secondaire très peu occupée n’entachera pas d’irrégularité la notification. C’est ce qu’il ressort d’un arrêt du 29 janvier 2014 : « La notification d’une décision relative au permis de conduire doit être regardée comme régulière lorsqu’elle est faite à une adresse correspondant effectivement à une résidence de l’intéressé » ; que, pour confirmer l’ordonnance du président du tribunal administratif de Dijon, la cour administrative d’appel de Lyon a jugé « qu’en se bornant à soutenir, comme il le faisait en première instance, que cette notification n’aurait pas été faite à l’adresse de sa résidence principale mais à celle de sa résidence secondaire, le requérant ne justifie pas pour autant que ladite notification aurait été faite à une adresse où il ne résiderait plus » (CE, 29 janv. 2014, n° 356812). Pour le Conseil d’État, la notification peut, donc, être opérée dans n’importe quelle résidence du conducteur, il n’y a aucune obligation pour l’administration de notifier à l’adresse principale. Le Conseil d’État a, dans cette même logique, admis qu’un avocat puisse se voir notifier l’invalidation de son propre permis de conduire à l’adresse de son cabinet (CE, 4 nov. 2015, n° 373930).
Dans l’hypothèse, et c’est la plus courante, d’un avis de passage qui aurait été déposé au domicile du conducteur dont le permis aurait été invalidé, la jurisprudence s’attachera à vérifier la réalité de la notification et vérifiera la présence de « mentions précises, claires et concordantes » sur le pli recommandé retourné à l’envoyeur. En revanche, le Conseil d’État ne juge pas indispensable l’apposition de « la mention expresse du dépôt d’un avis d’instance informant le destinataire que le pli était à sa disposition au bureau de poste » (Cf. CE, 22 mars 2017, n° 399871). L’absence d’une telle mention n’empêchera de faire partir le délai de recours contentieux de deux mois à partir de la présentation du pli. Le conducteur qui aurait eu gain de cause devant la juridiction administrative aura pu dans de nombreux cas être contraint de passer à nouveau les épreuves du permis de conduire en l’absence de décision de référé suspension favorable l’autorisant à reprendre rapidement le volant. Se posera alors la question du choix : récupérer l’ancien permis ou conserver le nouveau ?
Un principe d’unicité du permis de conduire récemment revu par le Conseil d’État
En théorie, le jugement qui prononce l’annulation de la décision d’invalidation doit informer le conducteur de la possibilité soit de conserver son nouveau permis, soit de retrouver son ancien titre, « en précisant que, s’il souhaite qu’il soit procédé à cet échange, il doit le faire savoir à l’administration dans un délai qu’il fixe et qu’à défaut l’intéressé sera regardé comme ayant définitivement opté pour la conservation du nouveau permis » (Cf. CE, 22 juill. 2016, n° 382251, si le jugement ne fait pas mention de cette information « si aucune demande d’échange n’a été formée, il appartient à l’administration, (si) elle constate la perte de validité du nouveau permis pour solde de points nul, de vérifier le solde de points du permis initial (…), si ce solde est positif, elle doit restituer ce permis à l’intéressé ; si le solde est nul, elle doit lui notifier une décision constatant qu’il a perdu le droit de conduire »). Le choix entre l’ancien et le nouveau titre devra être opéré par le conducteur en fonction du nombre de points affectés à chacun des titres et de leurs potentiels respectifs. Le conducteur qui préfère conserver son ancien permis de conduire devra, dans un premier temps, calculer le nombre de points réaffectés à son permis à l’issue de la procédure devant le tribunal administratif.
L’annulation de la décision d’invalidation du permis de conduire remet le conducteur dans une situation où ce permis est supposé ne jamais avoir été retiré. Les décisions de retrait de points qui, peut-être, n’avaient pas pu être prononcées du fait de l’invalidation et d’un capital de point nul pourront l’être.
Toutes les infractions commises depuis l’invalidation et même parfois avant devront être comptabilisées, celles commises avant l’obtention du second titre également et bien évidemment aussi celles commises « avec » le second permis. Il conviendra de raisonner comme si l’invalidation n’avait jamais eu lieu. L’imputation des décisions de retrait de points relatives à ces éventuelles infractions pourra, dans de nombreux cas, réduire à néant un faible capital de points récupérés à l’issue de la procédure devant le tribunal administratif.
Si les infractions ont été trop nombreuses, le conducteur devra conserver son second permis de conduire et « abandonner » le bénéfice de sa décision de justice.
Si les calculs de points affectés au nouveau et à l’ancien permis, aboutissent à des résultats assez proches, le conducteur devra alors considérer les perspectives de majorations des deux titres. L’ancien titre de conduite lui permettra souvent de pouvoir escompter une restitution de points en application du mécanisme de reconstitution décennale. Le second permis de conduire pourra également être écarté par le conducteur qui préférerait un permis dont le capital ne serait pas limité (à 6, 8 ou 10 points). Les motards opteront d’autant plus volontiers pour l’ancien permis qu’il ne leur est plus possible de retrouver rapidement le guidon de gros cubes.
En effet, le décret n° 2016-723 du 31 mai 2016 modifiant les conditions d’obtention des catégories A et BE du permis de conduire a fait disparaître la condition d’âge pour la catégorie A (permis moto « grosses cylindrées »). Avant cette modification le candidat devait être âgé d’au moins 24 ans. Le décret introduit, désormais, une condition d’expérience en imposant la détention depuis au moins deux ans de la catégorie A2 du permis de conduire. Cette évolution a été présentée par le ministère de l’Intérieur comme la contrepartie de la disparition du bridage imposée par le règlement européen n° 168/2013. La puissance des motocyclettes n’est, en effet, plus limitée à 73,6 Kw ou 100 CV, une condition d’expérience a donc été ajoutée pour pouvoir prendre les commandes d’engins pour certains très puissants.
La condition d’expérience ou plutôt de durée de détention du permis A2 posée par le décret du 31 mai 2016 aura, donc, des conséquences pour les titulaires du permis A en cas d’invalidation du permis de conduire. Ces conducteurs ne pourront pas retrouver la jouissance de la catégorie A après l’obtention d’un nouveau permis de conduire. Le calcul du solde de points, en cas d’option pour la restitution de l’ancien permis de conduire, devra également prendre en compte les potentiels mécanismes de reconstitution naturelle dont aurait bénéficié le conducteur en l’absence d’invalidation de son titre et en raison de l’annulation de certaines décisions de retrait de points. Prenons l’exemple d’un permis de conduire invalidé du fait de la survenance de six décisions de retrait de deux points à intervalle d’un peu moins de deux ans. L’annulation de l’une de ces décisions permettra l’application du mécanisme de reconstitution triennale des points. Si l’unique annulation prononcée par le tribunal porte sur la décision relative à la dernière infraction, le permis restitué sera alors doté de douze points. La disparition de la décision d’invalidation pourrait également permettre l’application du mécanisme de reconstitution décennale autorisant la récupération des points retirés dix ans auparavant dans l’hypothèse où les points en question n’aient déjà été restitués du fait du mécanisme triennal. De même dans l’hypothèse d’un stage de sensibilisation à la sécurité routière effectué après la réception du courrier 48SI, l’annulation de la décision d’invalidation permettra l’attribution de quatre points supplémentaires dans la limite du plafond auquel était soumis le permis à cette époque. La cour administrative d’appel de Versailles avait même été jusqu’à permettre l’attribution de toutes les dotations de points : « il appartient à l’autorité compétente, pour l’application des dispositions de l’article L. 225-1 du code de la route, de procéder à l’enregistrement de toute modification du nombre de points affectés au permis de conduire initial, en particulier, d’une part, à celui de l’ensemble des dotations de points dont le bénéfice a été reconnu à l’intéressé du fait de la délivrance du permis initial puis du nouveau permis, (…) » (CAA Versailles, 18 févr. 2010, n° 08VE02458, com. J.-B. le Dall, « L’unicité du permis de conduire ou comment cumuler les points de deux permis », JA avril 2010, n° 817). Cette position avait également été adoptée par la Cour administrative d’appel de Paris dans un arrêt de 2013 reprenant les termes du considérant de principe posé par la juridiction versaillaise trois ans auparavant : « il ne résulte ni du principe d’unicité du permis de conduire, ni de l’autorité de la chose jugée qui s’attache à la décision de justice relative au permis de conduire initial, qu’une annulation (de l’invalidation du permis) aurait pour effet de priver l’intéressé du bénéfice des points qui avaient été affectés au nouveau permis rétroactivement disparu, sous réserve, toutefois, que soient respectées à tout moment, rétroactivement, les règles fixées aux articles L. 223-1 et R. 223-1 du code de la route relatives au nombre maximal de points du permis de conduire » (CAA Paris, 14 février 2013, n° 11 PA004402). Aux termes de cette jurisprudence tant une décision attributive de points consécutive à un stage de sensibilisation que la décision de dotation de six points liée à l’obtention du nouveau permis devaient être prises en compte pour le calcul du solde de points affectés à l’ancien permis de conduire. Ce qui tient du bon sens pour le crédit de 4 points lié au stage de sensibilisation relevait pour le crédit des 6 points d’un raisonnement juridique osé et novateur qui n’a pas résisté à l’examen critique du Conseil d’État.
Le Conseil d’État a, en effet, censuré sur ce point le tribunal administratif de Dijon, qui lui également appliquait la jurisprudence versaillaise, en soulignant qu’il « n’y avait pas lieu d’additionner les points illégalement retirés sur le permis initial et les points du nouveau permis » (Cf. CE, 22 juill. 2016, n° 382251). Le Conseil d’État a encore récemment fermement rappelé sa position : « une même personne ne saurait disposer de plus d’un permis de conduire (…) par suite, le requérant qui obtient l’annulation d’une décision constatant la perte de validité de son permis alors qu’il s’est vu délivrer un nouveau permis ne peut prétendre à la restitution par l’administration de son permis initial, sous réserve que son solde de points, calculé comme indiqué au point 3, ne soit pas nul, qu’à la condition que lui-même restitue le nouveau permis ; que, s’il lui est loisible de renoncer au bénéfice de son permis initial et de conserver son nouveau permis, il ne saurait prétendre, en cas de récupération de son permis initial, au transfert sur ce permis des points dont le nouveau permis était doté » (CE, 22 février 2017, n° 395101). 25 ans après son entrée en application, le dispositif du permis à points ne cesse, donc, d’être réinventé, complété, affiné par les textes et la jurisprudence. Et ce permis à points vient même d’être mis en avant par le législateur qui, avec la loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la Justice du XXIe siècle a imaginé un mécanisme de permis à points pour les conducteurs étrangers verbalisés sur le territoire français.
Base des organismes d'assurance
AbonnésRetrouvez les informations complètes, les risques couverts et les dirigeants de plus de 850 organismes d’assurance
Je consulte la basePas une ride après vingt-cinq ans d’application
Tous les champs sont obligatoires
0Commentaire
Réagir