Signaler la présence d’un radar sur les réseaux sociaux n’est pas répréhensible
La chambre criminelle s’est à deux reprises penchée sur cette pratique en 2016, Crim., 6 sept. 2016, n° 15-86412, Crim., 13 déc.2016, n° 16-81144.
Si l’apparition des premiers cinémomètres s’est très rapidement accompagnée d’une réglementation visant à prohiber leur détection (se reporter, sur ce point, au décret n° 75-113 du 27 février 1975 qui a suivi de quelques mois la première décision d’approbation d’un radar en juillet 1974), le signalement de ceux-ci est longtemps resté légal. Avant l’arrivée des nouvelles technologies de l’information, la jurisprudence avait eu l’occasion de se pencher sur la pratique de l’appel de phares (CA Pau, 7 mai 1974, D. 1975 p. 566, CA Dijon, 17 mai 1990, Juris-Data n° 042817) autorisant, dans la pratique, les automobilistes à alerter leurs congénères de la proximité d’un radar.
Et c’est d’ailleurs par la métaphore que les fabricants des premiers avertisseurs de radars ont communiquée en vantant l’efficacité de « l’appel de phares du XXIe siècle ». Avec l’apparition de ces nouveaux appareils, s’était, bien évidemment posée la question de leur légalité. Mais jusqu’en 2011, ne faisaient l’objet d’une interdiction que les détecteurs de radars, appareils fonctionnant de manière totalement autonome. Le contexte réglementaire a radicalement changé avec le Comité interministériel de la sécurité routière du 11 mai 2011. Le CISR, a en effet, décidé d’étendre cette interdiction aux avertisseurs de radars.
Ces appareils ne reposent pas sur un dispositif de détection d’un cinémomètre en utilisation mais sur la délivrance d’une information au conducteur. Cette information peut être actualisée notamment par les utilisateurs eux-mêmes (chaque membre de la communauté apercevant un radar en alerte les autres) ou non comme c’est le cas pour un appareil de type GPS non connecté sur lequel a simplement été implémentée une liste d’emplacements des cabines radars automatisées.
Jusqu’à la décision d’interdiction des avertisseurs de radars, le caractère légal du recours à ses appareils se fondait notamment sur le fait que l’information de la présence d’un radar (tout du moins d’un appareil automatisé) était relayée par l’administration elle-même par le biais de panneaux ad hoc. Mais, à partir du moment où ce même CISR du 11 mai 2011 a également décidé de la suppression des panneaux signalant la présence d’un radar automatique, il ne faisait guère de doute que les avertisseurs de radars allaient subir le même sort que leurs aînés, les détecteurs de radars.
La mise en œuvre de cette nouvelle interdiction allait devoir prendre quelques mois que les fabricants d’avertisseurs de radars ont su mettre à profit pour engager des négociations avec le ministère de l’Intérieur. Ces pourparlers ont débouché sur l’accord Afftac (du nom de l’association des fabricants d’aide à la conduite) du 28 juillet 2011 au terme duquel la plupart des fabricants ont convenu de transformer leurs appareils en avertisseurs de « zones dangereuses ». Ces appareils ne signalent désormais plus l’emplacement d’un contrôle routier mais une zone de danger celle-ci s’étendant sur une distance plus ou moins importante (400 mètres en ville, de 2 km hors agglomération, et de 4 km sur réseau autoroutier).
L’interdiction de l’avertisseur de radar a été mise en place par un décret du 3 janvier 2012. L’article R. 413-15 du code de la route tel que modifié par ce décret ne fait désormais aucune différence entre avertisseurs et détecteurs de radars. « Le fait de détenir ou de transporter un appareil, dispositif ou produit de nature ou présenté comme étant de nature à déceler la présence ou perturber le fonctionnement d’appareils, instruments ou systèmes servant à la constatation des infractions à la législation ou à la réglementation de la circulation routière ou de permettre de se soustraire à la constatation desdites infractions est puni de l’amende prévue pour les contraventions de la cinquième classe. » L’article R. 413-15 précise, par ailleurs, que ses « dispositions sont également applicables aux dispositifs ou produits visant à avertir ou informer de la localisation d’appareils, instruments ou systèmes servant à la constatation des infractions à la législation ou à la réglementation de la circulation routière ».
Il ressort de cet article que ne sont donc pas seulement concernés par l’interdiction les avertisseurs de radars de type communautaires mais également tous les appareils fournissant une liste d’emplacements de radars même non réactualisée. Sont ainsi concernés les applications pour smart phones et les appareils de navigation GPS. Les peines prévues par l’article R. 413-15 du code de la route s’avèrent dissuasives :
« 1° La peine complémentaire de suspension, pour une durée de trois ans au plus, du permis de conduire, cette suspension pouvant être limitée à la conduite en dehors de l’activité professionnelle ;
2° La confiscation du véhicule, lorsque le dispositif qui a servi ou était destiné à commettre l’infraction est placé, adapté ou appliqué sur un véhicule. Toute condamnation donne lieu de plein droit à la confiscation du dispositif qui a servi ou était destiné à commettre l’infraction. IV.
- Cette contravention donne lieu de plein droit à la réduction de six points du permis de conduire. » L’évolution réglementaire de janvier 2012 a, par la même occasion, porté de deux à six le nombre de points retirés en cas de transport ou détention d’un détecteur de radars.
Les nouvelles technologies permettant de décliner les avertisseurs de radars en une multitude de produits, la rédaction des dispositions de l’article R. 413-15 du code de la route a été voulue assez large pour pouvoir permettre de poursuivre la détention ou l’usage d’un maximum de produits. Mais cette rédaction un peu ample a, du coup, permis la tenue d’un procès largement commenté sur les réseaux sociaux celui du signalement des radars sur Facebook.
« Le groupe qui te dit où est la police en Aveyron » condamné en première instance
S’est, en effet, posée la question de la légalité des pages tenues sur les réseaux sociaux visant à informer leurs utilisateurs de la présence de contrôles routiers. Le principe d’interprétation stricte de la loi pénale permet difficilement de prétendre qu’une page de tel ou tel réseau social peut être assimilée à « un dispositif » ou, pour adopter un langage plus clair, à un appareil de type avertisseur de radars. Dans cette hypothèse, l’assimilation pourrait se faire pour un site Internet ou n’importe quel média. Pourtant, telle n’a pas été la position du tribunal correctionnel de Rodez qui est entrée en voie de condamnation à l’encontre d’utilisateurs d’un célèbre réseau social ayant signalé différents contrôles routiers (T. corr., Rodez, 3 décembre 2014, n° 1035/2014).
Ce jugement de Rodez a été frappé d’appel. Les 21 septembre 2015 et 7 juin 2016, la Cour d’appel de Montpellier a fait une lecture totalement différente des dispositions de l’article R. 413-15 du Code de la route et a donc relaxé tous les usagers de la fameuse page Facebook. L’avocat général a, toutefois, décidé de former un pourvoi à l’encontre de cet arrêt ce qui a permis à la Cour de cassation de se pencher sur la question.
Pas d’infraction pour la Cour de cassation
Dans son arrêt du 6 septembre 2016, la chambre criminelle vient confirmer l’arrêt de la cour d’appel de Montpellier. La Cour de cassation a pris le soin de rappeler comme l’avait déjà fait la cour d’appel de Montpellier que l’utilisation d’un réseau social ne peut être considérée comme un dispositif et que les autorités publiques elles-mêmes utilisent ces réseaux sociaux pour parfois informer les automobilistes de tel ou tel contrôle. Enfin la Cour de cassation rentre dans son rôle de juge du droit et pose clairement la règle, ne laissant désormais place à aucun doute : « les dispositions de l’article R. 413-15 du code de la route ne prohibent pas le fait d’avertir ou d’informer de la localisation d’appareils, instruments ou systèmes servant à la constatation des infractions à la législation ou à la réglementation de la circulation routière, mais uniquement la détention, le transport et l’usage des dispositifs ou produits de nature ou présentés comme étant de nature à déceler la présence ou perturber le fonctionnement d’appareils, instruments ou systèmes servant à la constatation des infractions à la législation ou à la réglementation de la circulation routière ou à permettre de se soustraire à la constatation des dites infractions » (Crim., 6 sept. 2016, n° 15-86412, dans le même sens, Crim., 13 déc. 2016, n° 16-81144).
Jusqu’à une éventuelle prise de position du législateur ?
Informer d’un contrôle de vitesse sur Facebook, Twitter ou n’importe quel autre réseau social est donc aujourd’hui autorisé, tel est le message très clair de la Cour de cassation. Mais, peut-être, cet arrêt poussera-t-il le législateur à se pencher sur la question… Et c’est l’idée que vient, justement, d’avoir le sénateur Jean-Pierre Grand qui a alerté le ministère de l’Intérieur sur les conséquences de l’arrêt de la Cour de cassation et la nécessité selon lui d’interdire « toutes les formes de signalisation de la présence des forces de l’ordre ». Ce même sénateur avait proposé de légiférer sur une telle prohibition dans un amendement au projet de loi Sécurité publique. Si cet amendement a, finalement, été retiré, il n’est pas interdit de penser que, demain, une nouvelle majorité pourrait peut-être faire évoluer la législation en la matière.
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