Les limites de la garantie des vices cachés
SYLVIE GOBERT
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SYLVIE GOBERT
Pour qu'il y ait garantie des vices cachés, il faut un vice invisible pour l'acheteur. Le nombre d'arrêts d'appel cassés prouve que la notion n'est pas aussi simple. Et « le vendeur n'est pas tenu des vices apparents, dont l'acheteur a pu se convaincre lui-même », dispose l'article 1642 du code civil. Ainsi, dans un arrêt du 4 février 2004 (Cass. civ. 3, n° 02-18029), les acquéreurs d'une maison dont la charpente est infestée d'insectes xylophages demandent des dommages-intérêts au vendeur. Ils plaident le vice caché. La cour d'appel de Lyon les déboute. L'expertise judiciaire révèle la présence des insectes avant la vente et le vendeur, qui connaissait les désordres, n'en a pas averti les acheteurs. On ne peut pas le considérer de bonne foi et il ne peut pas se réfugier derrière la clause de non-garantie des vices cachés. Mais, poursuit la cour, selon l'expertise, « les désordres de structure de charpente pouvaient être remarqués par un non-professionnel ou, à tout le moins, susciter des interrogations lui permettant de solliciter un avis autorisé, à condition de pénétrer dans les combles ». Ladite visite, bien que qualifiée d'« acrobatique » par l'expert, « n'excédait pas les capacités physiques des acquéreurs ». L'arrêt est cassé pour violation de l'article 1642. Un acheteur non professionnel doit être attentif, mais il n'est pas obligé d'être assisté d'un expert.
Une trace n'empêche pas d'y vivre
Dans la lignée de « ce qui est connu n'est pas caché », voici un autre arrêt du 2 février 2005 (Cass., civ. 3, n° 03-16724). Une SCI fait édifier des immeubles et souscrit un contrat dommages-ouvrage et un contrat constructeur non réalisateur (CNR) auprès d'Axa Corporate Solutions. Les lots sont vendus, un désordre d'étanchéité affecte les terrasses, le syndicat de copropriétaires demande réparation. Axa CS est condamné à garantir la SCI en exécution de la police CNR et doit, solidairement avec d'autres intervenants, indemniser le syndicat. « La réception des travaux d'étanchéité a eu lieu avec réserves, motive la cour d'appel de Paris, mais l'assureur ne les a pas invoquées pour prétendre à une exonération. » L'arrêt d'appel est partiellement cassé pour violation de l'article L. 241-1 du code des assurances. « La garantie décennale ne s'appliquant qu'aux vices cachés, les désordres qui ont fait l'objet de réserves lors de la réception ne sont pas couverts par l'assurance obligatoire de responsabilité décennale du constructeur. »
Mais un vice caché ne suffit pas. Dans un arrêt du 2 mars 2005 (civ. 3, n° 03-13872, « l'Argus » du 20 mai, p. 43), trois sociétés assurées par le Gan IARD rénovent un immeuble et le vendent par lots. Des désordres apparaissant, le syndicat de copropriétaires assigne les vendeurs en réparation sur le fondement des articles 1641 (vices cachés) et 1792 (garantie décennale) du code civil. Le Gan est condamné à garantir ses clientes des condamnations prononcées contre elles pour vice caché de la chose vendue. L'assureur plaide en cassation la violation de l'article 1792 : l'affaire aurait dû être examinée à la lumière du régime de la garantie des constructeurs. Mais le Gan a demandé en appel la confirmation du jugement en ce qu'il a jugé que les désordres ne relevaient pas de la garantie décennale, rétorque la Cour de cassation. Il ne peut pas évoquer devant elle un moyen contraire. Le débat glisse alors sur l'article 1641 du code : « Le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise ou n'en aurait donné qu'un moindre prix s'il les avait connus. » L'assureur doit, en appel, garantir ses clientes pour le ravalement de la façade noircie de traces (40 830 E). Elles constituent la manifestation d'un vice caché, entraînant la dépréciation du bien vendu que les vendeurs doivent indemniser. Mais la cour n'a pas donné de base légale à sa décision, censure la Cour de cassation, elle ne précise pas « en quoi les traces apparues sur la façade rendent l'immeuble impropre à l'usage auquel on le destine ou en diminue l'usage ».
Les porcs relèvent du code rural
Dans un autre registre, une coopérative agricole a acheté des porcs en vue de la reproduction. Atteints du virus d'Aujesky, ils ont dû être abattus. Le vendeur agit en paiement des factures. La coopérative réclame l'annulation de la vente pour erreur sur les qualités substantielles ainsi que des dommages-intérêts. Sa demande est requalifiée par la cour d'appel de Bourges en action en garantie des vices cachés (article 1641). C'est le seul fondement possible sur lequel l'acquéreur des animaux atteints d'une maladie contagieuse peut agir, motive la cour, mais elle la juge irrecevable. L'arrêt est cassé le 25 janvier 2005 (civ. 1, n° 01-13101) : « Il incombe à la cour d'appel de relever d'office que l'action en garantie dans les ventes d'animaux domestiques est régie, à défaut de conventions contraires, par les dispositions des articles 285 et suivants du code rural. »
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