Directeur de la gestion de SEI Investments France" LE MARCHÉ NE PEUT PAS TROUVER SEUL UN PRODUIT DE RETRAITE ÉQUILIBRÉ "L'affaire Enron couplée à la chute des marchés actions mondiaux a ébranlé la confiance des Anglo-Saxons à l'égard de leurs fonds de pension. Et même en France, le gouvernement d...

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Directeur de la gestion de SEI Investments France

" LE MARCHÉ NE PEUT PAS TROUVER SEUL UN PRODUIT DE RETRAITE ÉQUILIBRÉ "

L'affaire Enron couplée à la chute des marchés actions mondiaux a ébranlé la confiance des Anglo-Saxons à l'égard de leurs fonds de pension. Et même en France, le gouvernement de Jacques Chirac a préféré attendre des jours meilleurs pour les mettre en place.



Les déboires des salariés d'Enron ont été l'occasion d'évoquer les dangers des fonds de pension. Dans les pays anglo-saxons, à quelle réalité correspondent-ils ?

Il s'agit dans la plupart des cas de fonds de retraite collectifs à adhésion facultative pour l'entreprise qui garantissent une pension représentant entre 0,5 % et 1 % du dernier salaire par année d'ancienneté dans l'entreprise, parfois plus. Le développement de ces systèmes à prestations définies remonte aux années trente aux États-Unis et à l'après-guerre en Grande-Bretagne, où ils représentent la quasi-totalité des fonds de retraite supplémentaire. Ils se sont développés parce que les retraites obligatoires de type Sécurité sociale étaient relativement faibles. Clairement perçu par le salarié comme un avantage important, le fonds de pension est aussi pour l'entreprise un outil de fidélisation.

Un amalgame a donc bien été fait entre les fonds de pension et le système d'épargne mis en place chez Enron ?

Effectivement, il ne s'agissait pas d'un fonds de pension, mais d'un système d'épargne dit " 401 K ", investi essentiellement en titres de l'entreprise. Même si ce type de dispositif est utilisé en vue de la retraite, il s'agit en réalité d'une forme d'épargne salariale. Les cotisations sont fiscalement déductibles du revenu, avec un plafond et des modalités d'abondement qui favorisent l'investissement en actions de l'entreprise. Mais ce dispositif d'épargne en vue de la retraite peut être " cassé " ou le plus souvent hypothéqué avant l'échéance. Aujourd'hui, il existe un débat afin d'introduire une limite de 20 % en titres de l'entreprise et d'assouplir les possibilités d'arbitrage sur ces titres pour le salarié.

Les rentes des fonds de pension sont-elles revalorisées ?

Une telle revalorisation est exceptionnelle dans les fonds à prestation définies aux États-Unis. L'aversion au risque d'inflation y est très ancrée. Elle permet d'ailleurs de justifier la non-revalorisation des rentes. Le système est en effet d'abord conçu pour assurer un engagement de rente, tout en minimisant la probabilité pour l'employeur de devoir remettre au pot. La gestion comptable, technique et financière du fond, exclusivement financé par l'employeur, est par conséquent bien encadrée par la législation. En cas de faillite de l'entreprise, par exemple, un organisme fédéral prend le relais pour assumer les engagements.

Dans ces conditions, comment expliquez-vous la perte de confiance des Américains dans leurs fonds de pension ?

Le fonds de pension Calpers est souvent cité en exemple, en France notamment. Pourtant, il est peu représentatif de la réalité vécue par les salariés et les entreprises du secteur privé, parce qu'il concerne les fonctionnaires de l'État de Californie, qui n'est pas coté en Bourse ! Le sponsor du fonds ne pâtit donc pas de l'effet pénalisant d'un ratio de financement inférieur à 100 (rapport entre la valeur de l'actif et la valeur actuelle des engagements de rentes). Même si certains mécanismes de lissage existent, une entreprise pour laquelle ce ratio est inférieur à 100 doit en combler le déficit dans un délai de neuf mois. Cette sortie de cash amoindrit les bénéfices et, pour une société cotée, dégrade le cours de l'action. En plus, les anticipations négatives des analystes financiers accentuent la baisse. C'est une des raisons pour lesquelles, en 2002, des sociétés américaines ont enregistré des reculs très importants de leurs cours. Il y a eu un effet cumulatif à la baisse, c'est incontestable. La baisse des marchés dégrade la situation du fonds de pension, ce qui augmente l'aversion au risque, concourt à la vente d'actions, qui dégrade les cours et encore plus la situation du fonds, etc.

Ne constate-t-on pas pourtant une tendance à transformer des fonds de pension à prestations définies en systèmes à cotisations définies justement pour alléger la contrainte qui pèse sur le bilan de l'entreprise ?

C'est effectivement une tendance forte depuis les années soixante-dix. Cependant, elle est contrecarrée par la popularité des fonds de pension à prestations définies, car ils représentent un avantage social important. En plus, aux États-Unis, à la différence des systèmes à cotisations définies où le salarié apporte aussi sa contribution, les fonds de pension à prestations définies sont entièrement financés par l'employeur.

En France, au moment des débats de la loi " Thomas " sur les fonds de pension, il a d'emblée été question d'introduire un système à cotisations définies, partant du principe que l'engagement de l'entreprise était trop lourd dans le cadre de prestations définies...

Les employeurs sont totalement opposés à l'ajout de nouvelles cotisations obligatoires et n'acceptent pas l'idée de voir le risque global retraite supporté par les entreprises, aggravé par le risque financier introduit par des systèmes à prestations définies. Ils considèrent en effet que la charge des cotisations aux régimes obligatoires (25 % du salaire) a déjà atteint une limite. Du côté des représentants des salariés, l'opposition aux fonds de retraite facultatifs subsistera tant que des assurances n'auront pas été obtenues sur le niveau des pensions, c'est-à-dire la pérennité du système de protection sociale des retraités. Des deux côtés de la table, la fixation de règles stables et fermes sur les régimes obligatoires est donc un préalable à toute réflexion sur des systèmes collectifs facultatifs.

Certains fonds de pension britanniques ont bouleversé leur allocation d'actifs au profit des obligations. Serait-ce le signe d'une perte de confiance dans les actions ?

La réalité est en fait plus complexe. Le projet d'introduction d'une nouvelle norme comptable (la FRS 17), qui devait entrer en vigueur en 2003, a suscité un vif émoi. Ce projet a été proposé par le Gouvernement, à la suite du rapport Myners qui dénonçait certaines défaillances dans la gestion globale des fonds de pension. La norme FRS 17 obligeait en particulier à faire apparaître les déficits probables des fonds dans les comptes annuels des entreprises, ces déficits étant estimés selon des méthodes extrêmement rigoureuses. Or, en Grande-Bretagne, les fonds de pension à prestations définies comportaient souvent 80 % d'actions. Quand on rend le bilan de l'entreprise à ce point sensible au niveau du taux de financement de son fonds de pension, l'aversion au risque devient brutale. La société Boots, par exemple, a annoncé publiquement qu'elle passerait à 100 % en gestion obligataire ! Ce qui signifie que la vente d'actions est intervenue à un très mauvais moment, en réaction à une réglementation trop stricte quand elle aurait dû au contraire être assouplie. Corrélativement il y a eu, en plus, une accélération très forte des mouvements de fermeture de fonds à prestations définies au profit de systèmes à cotisations définies. Compte tenu de la prochaine entrée en vigueur des normes internationales IAS, l'application de cette loi aux effets pervers a été reportée sine die.

Les fonds de pension au Royaume-Uni sont-ils aussi financés uniquement par l'employeur ?

Non, les salariés y contribuent également. C'est l'une des grandes différences avec le système américain. La gestion est paritaire, avec une réelle influence des représentants des salariés. Ils ont d'ailleurs fait pression pour obtenir des garanties de niveau de rente et de revalorisation.

En France, vaut-il mieux laisser foisonner une multitude de formes d'épargne destinées à compléter les retraites obligatoires ou créer un outil supplémentaire ?

Il est toujours possible de créer de nouveaux produits, mais à condition qu'ils soient gérables et rentables. N'oublions pas que les frais de gestion des produits de retraite facultative doivent être optimisés, y compris pour une institution de prévoyance ou une mutuelle, qui exigent aussi un certain retour sur investissement. Les fonds de pension de la loi " Thomas " abrogée comportaient trop d'options. C'est aussi une tendance du projet " Afpen ". En voulant faire plaisir à tous les professionnels, le système devient lourd et cher à gérer et on augmente les difficultés de gestion des risques techniques et financiers, qui ne sont déjà pas minces. Un système avec trop de garanties supportées par l'entreprise est inacceptable pour les employeurs, mais un système qui en serait dépourvu l'est tout autant pour les représentants des salariés. Dans le cadre de régimes à cotisations définies, certaines garanties, comme le maintien du capital avec une revalorisation de type indexation sur l'inflation, me semblent être un minimum. Les contrats dits " article 83 du code général des impôts ", même aménagés, ne sont pas des fonds de pension, mais un cadre fiscal, qui a le mérite de rendre obligatoire l'adhésion individuelle du salarié. Il revient aux autorités de tutelles de fixer des règles suffisamment lisibles pour favoriser un retour de la retraite facultative dans les négociations paritaires d'entreprise ou de branche, car le marché ne peut pas trouver lui-même le produit équilibré, et l'expérience anglo-saxonne est là pour le démontrer.



SA CARRIÈRE

Actuaire, École nationale de la statistique et de l'administration économique (Ensae), maîtrise de mathématiques appliquées aux sciences sociales, option économie.

1982 Directeur technique et financier de l'Union nationale des institutions de retraite des salariés (Unirs), qui a fusionné dans l'Arrco.

1998 Actuaire conseil au cabinet Fixage à Paris.

2000 Stratégiste institutionnel à la société SEI Investments, société de gestion financière américaine multigérant encore en joint venture avec le CCF jusqu'en mai 2002. Implantée dans dix pays, SEI gère près de 80 Md$ d'actifs.

2002 En mai, il devient directeur de la gestion et membre du directoire de SEI Investments France.

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