PEUT-ON ACTUELLEMENT BAISSER LES PRIMES AUTO ?
GILBERT THIRY
\ 00h00
GILBERT THIRY
Qu'en est-il actuellement ? Depuis 2002, suite à une forte incitation de l'application des mesures de sécurité routière et notamment au contrôle automatisé des vitesses, les baisses de fréquence ont été plus fortes que par le passé et finalement une diminution de la charge moyenne de sinistres par véhicule a été constatée. Les assureurs n'avaient jamais connu une telle situation. Sous la pression de la concurrence et de la transparence des prix, les assureurs se trouvent dans l'obligation de réajuster leurs classes tarifaires en fonction de l'évolution réelle du risque. Les améliorations ne sont pas aussi sensibles pour toutes les catégories et souvent les sociétés d'assurances, plutôt que de pratiquer une baisse généralisée des prix, ont préféré procéder à un réaménagement de leurs structures tarifaires sans toutefois s'écarter des grands principes de base.
Les grands principes de la tarification
L'établissement et la gestion des contrats d'assurance automobile nécessitent de collecter auprès de l'assuré des informations de natures diverses. Tout d'abord, pour établir le contrat, l'assureur recueille des renseignements nécessaires à la description du risque et, selon les sociétés, cette collecte est plus ou moins élaborée. Elle peut concerner le souscripteur du contrat mais également tous les conducteurs du véhicule assuré.
La connaissance de la marque, du modèle et de la version de la voiture est indispensable. Il convient de l'assortir de la date de 1re mise en circulation, du mode d'achat, etc. L'usage qui est fait du véhicule et l'intensité d'utilisation sont également des éléments d'appréciation de la durée d'exposition au risque. La connaissance des antécédents du risque est importante ; elle est donnée de différentes façons : soit par le taux de bonus-malus, soit par le relevé d'informations fourni obligatoirement par le précédent assureur sur la survenance des sinistres au cours des cinq dernières années, soit encore par le suivi de la survenance des sinistres pour les assurés fidèles à leur société sur une longue période. Pour la bonne application du bonus-malus, la société enregistre tous les sinistres pris en compte par la clause type de réduction-majoration.
Le prix de l'assurance dépend des garanties accordées et l'assuré a un très grand choix de formules. La garantie de responsabilité civile est rarement souscrite seule. Elle est très souvent assortie de garanties dommages aux véhicules avec ou sans franchises (vol, incendie, bris de glaces, dommages tous accidents, catastrophes naturelles, etc.). Outre le développement des garanties complémentaires contractuelles de dommages corporels des passagers et des conducteurs fautifs et non fautifs, il y a tout un marché ouvert à des prestations en nature (dépannage et défaillance technique, assistance matérielle et psychologique, etc.).
Compte tenu de la concurrence sévère qui règne sur le marché, les sociétés d'assurance s'organisent pour rechercher la vérité des prix et pratiquer des tarifs compétitifs. Tout est mis en oeuvre pour contrôler l'évolution de la charge des sinistres et donc agir sur le prix de revient sans nuire à la qualité des prestations.
Les sociétés d'assurances développent des collectes d'informations de toute nature et utilisent des statistiques professionnelles (regroupement des données représentatives de plusieurs sociétés d'assurance) pour apprécier les risques à leur juste valeur. Néanmoins, le rapprochement de données en provenance de plusieurs origines n'est pas sans difficultés car la définition des risques et des garanties est souvent différente d'une société à l'autre.
Après avoir collecté les informations nécessaires à la connaissance des risques, des analyses plus ou moins sophistiquées permettent d'optimiser une structure tarifaire pour les critères de tarification choisis. La méthode habituellement utilisée est la constitution de classes tarifaires homogènes, c'est-à-dire celles où la distribution des assurés selon les fréquences individuelles de survenance de sinistres est la moins dispersée possible.
La tarification a priori
Pour chacune des classes tarifaires est observé un coût moyen du risque par véhicule encore appelé prime pure qui est le produit de la fréquence par le coût moyen des sinistres. Pour obtenir la prime commerciale c'est-à-dire le net à payer il faut rajouter les frais de gestion et de distribution et les taxes.
Ces analyses donnent lieu à la fabrication d'un tarif dit a priori qui permet de fixer le prix à la souscription du contrat en fonction des caractéristiques retenues pour classer l'assuré et le véhicule. Tous les assurés pris individuellement à qui on a affecté a priori la même classe tarifaire ne présentent pas exactement le même risque. Il faut donc constamment surveiller que les meilleurs risques d'une classe ne soient pas trop surtarifés et les plus mauvais trop sous-tarifés. Pour limiter cet inconvénient, les assureurs recherchent notamment de nouveaux critères plus discriminants et tentent d'inventer de nouveaux secrets de fabrication. Néanmoins, le marché national a gardé un ensemble de critères de base.
Les critères de base
Le premier élément dominant la tarification est le véhicule. Toutes les études statistiques ont montré qu'il y avait une forte corrélation entre le coût du risque RC et la vitesse maximale du véhicule. D'autres facteurs ont un poids plus ou moins important pour expliquer la dangerosité des véhicules (la qualité de la tenue de route, le système de freinage, le type de propulsion, les éléments de sécurité active et passive, etc.). Pendant longtemps, les sociétés ont retenu le même principe d'affectation des véhicules dans un groupe de tarification fourni par l'organisation professionnelle. À ce jour, les assureurs ont une approche plus personnalisée de la définition du groupe qui, pour certains, est devenue un secret de fabrication.
Par ailleurs, deux modèles ayant des coûts de risque RC voisins ont à supporter des coûts de réparation très différents pour des chocs identiques. En plus du groupe qui caractérise le risque RC les assureurs ont retenu une classe de tarification qui prend en compte les différentiels de coût de réparation entre véhicules d'un même groupe pour les assurances de dommages.
L'ancienneté des véhicules est un facteur explicatif du risque. En France, la fréquence annuelle décroît régulièrement au fur et à mesure que les véhicules vieillissent. Les vieux véhicules périodiquement soumis au contrôle technique sont moins sinistrés que les véhicules récents parce qu'ils parcourent en moyenne moins de kilomètres ; le coût moyen des sinistres qu'ils causent est également moindre. Finalement, la prime pure d'un véhicule de quinze ans est en moyenne le tiers de celui d'un véhicule d'un an.
Les zones géographiques à faible densité de circulation se caractérisent par des fréquences de sinistres basses, un coût moyen de réparation des véhicules en milieu rural plus modeste que dans les grandes agglomérations mais une gravité des accidents plus importante car survenu à des vitesses plus élevées. Globalement, le prix de revient de l'assurance RC et surtout vol et dommages aux véhicules est plus faible à la campagne et dans les petites villes que dans les zones fortement urbanisées. En d'autres termes, l'assurance auto est moins chère dans la Creuse qu'à Paris ou Marseille. L'organisation professionnelle a longtemps fourni un découpage du territoire national en 5 ou 6 zones. La plupart des assureurs ont gardé cette notion mais ont choisi de procéder eux mêmes au classement des communes dans des zones de tarification cadrées sur leurs propres données statistiques.
La formation et l'expérience à la conduite sont prises en compte sous des formes diverses selon les sociétés. Certaines utilisent l'âge des conducteurs (moins de 21 ans, de 21 à moins de 25 ans), l'ancienneté du permis (moins d'un an, moins de deux ans) assortie de conditions spécifiques pour la conduite accompagnée, d'autres l'ancienneté d'assurance. Les conducteurs qui ont un passé d'assurance justifié par le relevé d'informations d'un précédent assureur feront également l'objet d'une tarification a priori particulière en fonction du taux de majoration-réduction et de l'absence de sinistres qui se superpose au taux de bonus-malus obligatoirement transféré.
Les notions d'usages (affaires, tous déplacements, promenade et trajet, promenade) et de catégories professionnelles (agriculteurs, artisans, salariés sédentaires, fonctionnaires, etc.) ont pratiquement disparu. Une application stricte des clauses était trop souvent source de litiges. Ces notions qui au départ s'expliquaient par des différences de kilométrage moyen ont longtemps été maintenues pour lutter contre la concurrence de certaines mutuelles professionnelles.
Bien d'autres critères sont utilisés mais de façon moins systématique. Il faut se méfier des trop fortes corrélations entre certains facteurs, notamment entre le kilométrage moyen annuel et l'ancienneté des véhicules. Si ces deux critères sont maintenus dans la structure tarifaire il faut analyser la part du risque expliqué par l'un après avoir éliminé l'influence de l'autre et vice versa pour éviter de cumuler des majorations ou des réductions.
Les méthodes de scoring retiennent une multitude de critères aussi variés que le nombre de conducteurs, la composition et les ressources des foyers, le mode de vie, le respect des règles de conduite, les habitudes de vacances, de week-end, l'aspect, l'entretien et la protection du véhicule, etc.
Le mode d'acquisition du véhicule (achat neuf et d'occasion, crédit, location de longue durée, leasing) fait partie des critères nécessaires pour bien apprécier le risque de dommage auquel s'ajoute une garantie de perte financière.
Au-delà des critères de tarification, certaines sociétés ont défini des critères de sélection pour offrir des packages de garanties à des clientèles particulières.
La tarification a posteriori
La tarification a priori a ses limites et doit être complétée par une tarification a posteriori. L'observation de la survenance des sinistres au cours du temps met en évidence le phénomène des fréquences liées : un assuré qui a déclaré des sinistres au cours d'une période donnée a une probabilité beaucoup plus forte que la moyenne d'en avoir d'autres dans un avenir proche d'où une tarification basée sur les antécédents. La clause type actuelle de réduction majoration serait un bon système de tarification a posteriori si les assurés placés a priori dans des classes différentes mais ayant la même fréquence individuelle de sinistres tendaient rapidement vers la même prime, ce qui n'est pas le cas. La clause type actuelle ne corrige pas les injustices tarifaires.
D'autres principes tarifaires ont été retenus pour améliorer l'approche a priori : les assureurs proposent aux bons conducteurs sélectionnés par une longue période sans sinistres des produits très élaborés tant par les garanties que par les prestations en nature à des tarifs très compétitifs. Les assurés sinistrés, eux, n'accèdent qu'à des garanties limitées.
La détermination du prix de revient
Pour être compétitive et vendre au meilleur prix tout en réalisant un profit, une société d'assurance comme toute entreprise industrielle doit calculer son prix de revient avec la meilleure approximation possible. Dans l'industrie, le calcul repose sur les prix connus des matières premières, les coûts des investissements, des amortissements des outils de production et de la main d'oeuvre, les frais de gestion et de commercialisation. En assurance, le prix de revient dépend avant tout du comportement futur de l'assuré qu'il faut tenter de prévoir par des approches statistiques plus ou moins sophistiquées. À ce coût du risque s'ajoutent diverses charges :
- les frais de vente et d'acquisition (marketing, réseau de distribution, implantation, etc.)
- les frais de règlements des sinistres (régleurs, experts, contentieux, etc.)
- les frais d'administration générale
- la réassurance
- les effets du décalage entre la période d'encaissement des cotisations et celle du paiement des sinistres, notamment les effets inflationnistes
En revanche, les produits financiers et les plus-values, lorsqu'elles existent, viennent alléger le prix de revient.
Une bonne évaluation du montant des provisions est un élément essentiel pour répartir équitablement les charges de sinistres entre les assurés. Pour fixer le niveau du tarif de l'exercice à venir, il faut connaître le résultat du dernier exercice. Or le coût réel des sinistres survenus au cours d'une année n'est définitivement connu qu'après plusieurs exercices. L'appréciation du prix de revient actuel repose en grande partie sur la qualité du calcul des provisions. De nombreuses incertitudes pèsent sur les choix tarifaires actuels et la baisse du nombre des accidents n'est qu'un des éléments à prendre en compte pour fixer les tarifs.
Les données financières et les rendements des placements, très chahutés, ces dernières années ne sont pas sans influence sur la politique tarifaire des sociétés. La situation financière s'était sensiblement dégradée de fin 2001 à 2003 et contraignait les sociétés à la prudence tarifaire. En 2004, les portefeuilles d'actions se sont redressés, les sociétés constatent une nette amélioration de leurs résultats techniques et les conditions semblent réunies pour engager un cycle de baisse des prix qui a commencé en 2004 et qui se poursuit en 2005.
En revanche, la dérive des coûts des sinistres corporels qui pèse très lourd sur le calcul des provisions reste préoccupante et il est difficile de prévoir ce que sera l'inflation judiciaire à court et moyen terme pour les cas graves (victimes ayant plus de 50 % de taux d'invalidité).
Les dommages matériels représentent près des trois quarts de la charge des sinistres et les taux horaires de main- d'oeuvre de la réparation continuent d'augmenter beaucoup plus vite que l'inflation.
Malgré la baisse de fréquence et de gravité des sinistres, il est difficile d'obtenir une baisse de charge des sinistres par véhicule de plus de 2 à 3 % sur un an.
Après toutes ces considérations peut-on encore baisser les cotisations d'assurance ? D'une façon générale les sociétés répercutent dans leurs tarifs les baisses de charge de sinistres qu'elles constatent. Mais il n'est pas souhaitable d'appliquer une baisse uniforme pour toutes les catégories d'assurés. Il faut moduler en fonction de la sensibilité de la prévention sur les risques. Par exemple, les contrôles automatiques de vitesse ont eu un effet très marqué sur les berlines, familiales, monospaces de haut de gamme.
Toutes les sociétés n'obtiennent pas les mêmes résultats : la maîtrise des coûts de sinistres et des frais de gestion d'une part, les rendements financiers d'autre part sont très différents d'une société à l'autre. Les politiques tarifaires sont donc très différentes selon les assureurs.
Même si techniquement et financièrement il est possible actuellement de baisser les tarifs, est-il bien raisonnable de le faire ?
Les fortes baisses de sinistralité constatées en 2003 et 2004 semblent s'essouffler en 2005 et laissent une incertitude pour 2006. À des cycles de fortes baisses ou de fortes hausses il est plus raisonnable de répondre par des lissages de variations modérées.
Les mutuelles à cotisations variables ont un avantage sur les sociétés à primes fixes : elles peuvent faire profiter leurs assurés des bons résultats d'un exercice en rendant du « trop perçu » sans modifier le tarif de l'exercice suivant.
Enfin, plutôt que d'aller trop loin dans les baisses, il serait préférable que les sociétés d'assurance investissent dans de nouvelles activités, développent de nouveaux services, fournissent davantage de prestations en nature, proposent des garanties élargies aux bons conducteurs sans modifier les cotisations. En tout cas il faut éviter le plus possible une baisse du chiffre d'affaires qui est souvent à l'origine des malaises sociaux d'une entreprise.
Base des organismes d'assurance
AbonnésRetrouvez les informations complètes, les risques couverts et les dirigeants de plus de 850 organismes d’assurance
Je consulte la base