Qualité des données
Alors que les données sont le coeur même de l'activité des assureurs (pour la tarification, la gestion, etc.), bizarrement, les récolter et les restituer demeure visiblement pour eux une rude tâche. D'ailleurs, Fabrice Pesin, le secrétaire général adjoint de l'Autorité de contrôle prudentiel (ACP), n'a pas manqué de revenir sur la qualité médiocre - pour ne pas dire « catastrophique » - des données fournies par les assureurs pour la cinquième étude d'impact QIS5. « Il y a encore beaucoup de travail à faire sur la qualité des données. Et l'ACP ne peut pas affecter 100% de ses moyens à leur vérification. D'ailleurs, la philosophie de Solvabilité 2 n'est pas que le contrôleur vérifie la qualité des données. C'est la raison pour laquelle l'ACP milite au niveau européen pour qu'il soit prévu un audit externe, réalisé par des personnes compétentes. C'est un sujet aujourd'hui très débattu, notamment dans le cadre d'Omnibus 2, et à l'Eiopa », a-t-il déclaré, lançant une vive polémique avec l'auditoire de la conférence.
Un pas de trop pour l'ACP
Car qui, sinon l'ACP, autorité réputée indépendante et silencieuse, pourrait contrôler les données des assureurs (éminemment sensibles et stratégiques...) ? Les commissaires aux comptes ? Beaucoup s'y refusent, Marcel Kahn (MACSF) en tête. Aux yeux de José Sanchez (CTip), « l'audit des données ajoute du contrôle au contrôle. Cela aura un coût. L'ACP voit qu'elle n'aura pas les moyens de faire du contrôle récurrent ». En clair, pour les assureurs, elle abandonne une partie de ses missions, faute de moyens à la hauteur de sa tâche.
Inversion de la preuve
La question même des audits externes, tels que voulus par l'ACP, est loin de faire l'unanimité. Par ailleurs, la question des données est d'autant plus épineuse qu'il s'agit de toutes les récolter, sans exception, et de s'assurer de leur qualité, de leur provenance et de leur traçabilité. « Il ne s'agit pas seulement des données internes aux compagnies, mais aussi de celles de tous les prestataires, gestionnaires, courtiers, etc. Le chemin semble encore long ! », a commenté Jean-Marc Boyer, directeur général du groupe Pasteur Mutualité.
« Oui, les courtiers sont concernés. Exclure les courtiers de Solvabilité 2 aurait été méconnaître la chaîne de distribution de l'assurance et la place des courtiers dans la chaîne de valeur. La norme EDI Courtage 2.0 répond aux besoins fixés dans Solvabilité 2, puisque cela assure la traçabilité et la fiabilité des données. J'observe juste qu'avec cette réforme, la charge de la preuve s'est inversée : il appartient à l'assureur de démontrer qu'il a bien tout contrôlé, vérifié, et non plus à l'ACP... », commente Philippe Saby, directeur courtage chez Generali.
Pourtant, pour le président de la commission juridique et fiscale de la Chambre syndicale des courtiers d'assurances (CSCA), Christophe Pardessus, EDI Courtage n'est « pas suffisante » pour répondre aux enjeux posés sur les données. « Il y a eu une prise de conscience assez tardive de la profession, reconnaît-il. Mais nous y travaillons. » À écouter cependant Hervé Houdard, directeur général de Siaci Saint-Honoré, « Solvabilité 2 est davantage un sujet d'assureurs ». Celui-ci pointe le fait que la gestion des risques, a fortiori les risques opérationnels, relève de la responsabilité des compagnies d'assurances. Il ajoute que, certes, les courtiers ont un certain nombre d'obligations à respecter, mais que les assureurs doivent surtout s'organiser en interne...
Changement d'habitudes
Pour Frédérique Moy, responsable Solvabilité 2 chez Axa France, chaque étape de transmission d'une donnée, que ce soit à la souscription ou pendant la gestion du contrat, doit être contrôlée. Or, « il peut effectivement y avoir du retard dans la transmission des informations, notamment dans les assurances collectives ». Car la qualité des données pose également un enjeu autrement plus corsé pour les assureurs : les délais de transmission de ces données. Toute la profession, des compagnies aux prestataires, va devoir revoir des pratiques solidement ancrées. « Sous Solvabilité 2, lorsque, par exemple, l'encaissement des primes dépassera quatre-vingt-dix jours, les assureurs devront immobiliser 90% de la créance en fonds propres », rappelle Philippe Saby, directeur courtage chez Generali. Toutefois, « pour raccourcir les délais de transmission tout en assurant la qualité de cette dernière, encore faut-il que les assureurs s'organisent », répond Hervé Houdard, directeur général de Siaci Saint-Honoré...
Reste que la tâche est immense : pas moins de soixante-sept états sont demandés aux assureurs dans le cadre du QRT, rappelle Gildas Robert, practice leader Solvabilité 2 chez Optimind. « Une demande très forte de grande transparence est faite aux assureurs, qui n'y étaient pas habitués... Avant, le reporting se faisait a posteriori. Là il doit se faire en continu. Le reporting 2014 ne pourra pas être parfait. Il faut capitaliser d'une année sur l'autre », conclut-il.
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