L'irrésistible ascension des bancassureurs
La tendance n'est pas nouvelle, mais s'affirme de plus en plus. Face aux réseaux traditionnels, agents et courtiers à la peine et aux mutuelles qui stagnent, les bancassureurs font le plein d'affaires nouvelles, selon Facts et Figures.
CATHERINE DUFRÊNE

Les chiffres analysés par Facts & Figures datent de 2010, mais la tendance s'est sûrement poursuivie, voire accentuée, en 2011. Entre 2006 et 2010, ce sont les bancassureurs qui enregistrent la plus forte progression sur le marché non-vie français (entreprises et particuliers). Même s'ils partent de beaucoup plus loin que les acteurs historiques du marché [mutuelles sans intermédiaires (MSI), assureurs traditionnels, et réseaux d'agents et de courtiers], ils ont tout de même encaissé 2,3 Md€ en croissance nette sur la période (affaires nouvelles moins les résiliations), quand les MSI engrangeaient 1,8 Md€, les courtiers (y compris les partenariats) 1,6 Md€, et les agents généraux à peine 0,8 Md€. En 2010, la part de marché des bancassureurs en non-vie a désormais atteint 14,5% (avec acceptations), presque la moitié de celle des MSI.
Inverser la tendance négative en auto et MRH pour dynamiser les réseaux va être compliqué pour les compagnies.
Cyrille Chartier-Kastler, patron fondateur de Facts & Figures
Les bancassureurs grands gagnants en MRH
Particuliers, professionnels et entreprises confondus, Axa reste le champion du dommages en France, avec 18,2% du marché, talonné par Covéa (15,4%). Le premier bancassureur se classe 8e : le Crédit agricole, avec un chiffre d'affaires de 1,8 Md€ en 2010, représente 4,1% du marché.
Sur le marché des particuliers, auto et MRH confondus, Covéa, avec 17,7%, reste le numéro un incontesté, devant Axa (14,7 %) et Groupama (11,6%). Mais, si les MSI conservent près de 40% du marché, les bancassureurs ont grignoté 1 point de plus en 2010, essentiellement sur les terres du courtage de proximité (qui recule de 0,6 point) et des réseaux d'agents (- 0,4 point), qui sont les grands perdants dans le baromètre de Facts & Figures. « Certains réseaux ont enregistré des collectes nettes négatives en auto et MRH. Inverser la tendance pour redynamiser leurs réseaux va être compliqué pour les compagnies », estime Cyrille Chartier-Kastler, patron fondateur de Facts & Figures, auteur de ce baromètre.
C'est en MRH que les bancassureurs sont les grands gagnants de 2010. Avec une croissance nette de portefeuille de 50,6% (contre à peine 9% de croissance pour les assureurs traditionnels), ils représentent 14,4% du marché en chiffre d'affaires, et 21,3% en nombre de contrats de 2010. Selon Facts & Figures, Pacifica est le premier, avec 19,5% du marché en affaires nouvelles nettes (en volume). Tous acteurs confondus, il arrive 4e, derrière Macif, Axa France IARD et Groupama.
La progression des réseaux bancaires est moins nette en auto, qui a vu le jeu des acteurs sans grande modification en 2010. Les progressions ont été essentiellement le fait des augmentations de tarifs, rompant avec le cycle baissier qui avait cours depuis 2004. Les MSI, qui ont appliqué des augmentations plus modérées que leurs concurrents, voient de ce fait leur part de marché en chiffre d'affaires s'effriter, même si elles détiennent encore 43,2% du marché. « Cette diminution est à relativiser, car elles se maintiennent tout de même bien en termes d'affaires nouvelles et de stocks », nuance Cyrille Chartier-Kastler. Les assureurs traditionnels sont plus à la peine : en croissance moyenne nette du nombre de contrats, c'est Axa France IARD qui a le plus reculé (- 5,9%), ainsi qu'Aréas dommages (- 4,5%) et Thélem assurances (- 1%), quand Pacifica, encore lui, gagnait 82 900 contrats (soit 15% d'affaires nouvelles nettes).
Ceci dit, ces résultats doivent être analysés avec prudence, prévient Cyrille Chartier-Kastler, car ils sont un peu en trompe l'oeil. Ainsi, Axa France IARD avait comme préoccupation d'améliorer sa rentabilité technique, d'où un nettoyage du portefeuille qui explique son recul. Et « la politique d'hypersegmentation d'Axa porte ses fruits, même si elle n'est pas extensible à l'infini », commente Cyrille Chartier-Kastler.
Compagnies et syndicats d'agents doivent avancer sur la question de la rémunération. Il va falloir faire des concessions des deux côtés.
Cyrille Chartier-Kastler, patron fondateur de Facts & Figures
L'enjeu de la rémunération
A contrario, l'apparente progression irrésistible des bancassureurs ne saurait masquer un enjeu de taille pour eux. « Les bancassureurs réussissent à combiner innovation et tarif compétitif. Leur technique commerciale est tellement puissante qu'ils continuent de croître alors qu'ils sont confrontés à un taux de chute élevé du portefeuille. En fait, ils rompent la relation avec l'assuré dès que le contrat est signé, alors que les agents ou les MSI suivent leurs clients sur la durée », observe le patron de Facts & Figures. Il ajoute que les mécanismes d'intéressement à la marge technique, mis en place par les bancassureurs pour leurs réseaux, sont doublement vertueux : non seulement ils sont motivants, mais surtout ils assurent la qualité technique des souscriptions, donc la rentabilité.
Un enjeu de rémunération à laquelle tous les distributeurs sont confrontés (sauf, par définition, les MSI), et qui reste un problème pour la plupart. Notamment, et surtout, pour les réseaux d'agents qui continuent de perdre du terrain. « Les compagnies et les syndicats d'agents doivent avancer plus rapidement sur ces questions. Il va falloir faire des concessions des deux côtés. Tant que les agents et leurs mandantes ne procéderont pas à la reconstruction d'un système de rémunération vertueux, porteur de compétitivité et de rentabilité technique en auto, ils continueront de perdre des parts de marché. Aujourd'hui, les compagnies sont confrontées sur ce secteur à un marché hyperconcurrentiel, avec des résultats techniques très tendus. Il leur faut vraiment réduire leurs chargements et faire des efforts significatifs de leur côté, en complément de ceux réalisés par leurs réseaux », commente Cyrille Chartier-Kastler.
Selon lui, d'autres leviers doivent être actionnés pour réduire les coûts de distribution, telles la diminution des budgets de publicité ou les politiques de mois de cotisation gratuits. « La stratégie qui consiste à offrir des conditions tarifaires très différentes aux affaires nouvelles par rapport aux affaires en portefeuille atteint aussi ses limites. » En attendant, Covéa a explosé les compteurs en captant 25% des affaires nouvelles en auto en 2010, et Groupama 20%.
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