Le top management féminin s'organise

Réunies depuis peu en conseil consultatif, les dirigeantes allemandes veulent inciter d'autres femmes à faire carrière et, surtout, à y prendre plaisir.
ELLES ASSURENT EN ALLEMAGNE
- 47,2% de l'effectif total
- Entre 20 et 25% des cadres
- 15,3% dans les conseils d'administration
- 10,6% dans les postes de niveau 1 (juste en dessous du directoire)
- 5,7% dans les comités de direction du secteur
SOURCE : AGV
La femme hors du foyer
Objectif de ces pionnières : changer les attitudes. Au sein des directions, certes, mais surtout, auprès de leurs consoeurs qui pratiquent encore l'autocensure. « Si nous sommes parvenues à gommer ces disparités dans notre entreprise, nous remarquons cependant dans la branche que, pour accepter une promotion ou pour exiger une réévaluation de leur rémunération, les femmes restent en retrait par rapport aux hommes », déplore Sarah Rössler, membre du directoire de la compagnie Huk-Coburg. « Un autre frein à la carrière des femmes reste leur fidélité à l'entreprise. Elles doivent intégrer qu'un changement d'employeur est l'opportunité d'une promotion », affirme Monika Sebold-Bender, membre du directoire de Generali Allemagne.
En général moins sûres d'elles, les femmes ont aussi moins envie de s'engager. « En Allemagne, la répartition des rôles entre hommes et femmes est encore très marquée par la tradition, et l'image de la femme au foyer continue de dominer dans une certaine mesure. Une partie des femmes allemandes est très perfectionniste et craint de ne pas pouvoir remplir parfaitement son rôle de mère et d'épouse parallèlement à sa carrière professionnelle », constate Susanne Pauser, directrice des ressources humaines de la compagnie Wüstenrot et Württembergische.
Une partie des Allemandes craint de ne pas pouvoir remplir parfaitement son rôle de mère et d'épouse parallèlement à sa carrière.
Susanne Pauser, DRH de Wüstenrot et Württembergische
Un autre obstacle à la promotion de la femme est le temps partiel, très répandu (entre 25 et 30%) et dont ces femmes managers n'hésitent pas à dire qu'il est un poison pour la carrière. Signe révélateur, quand elles sont mères de famille, ces dirigeantes affirment, dans un pays où la journée scolaire s'arrête à 13 h, avoir toujours pu compter sur le soutien indéfectible de leur partenaire. « Il est important de motiver les femmes à saisir les chances professionnelles qui s'offrent à elles. Cela suppose également de convenir à temps de la compatibilité de la carrière avec la vie de famille », affirme Marlies Hirschberg-Tafel membre du directoire de la compagnie Signal-Iduna.
Soucieuses de conserver leurs bons éléments, les compagnies inscrivent de plus en plus la famille au chapitre de leurs initiatives. « Afin de permettre à nos salariés de mieux réintégrer l'entreprise après leur congé parental, nous allons subventionner les frais de garde pendant douze mois », expose ainsi Daniela Janiak, responsable du management de la diversité chez Talanx.
La famille dans l'entreprise
Afin de promouvoir les talents en interne, ce groupe d'assurances mettra en place en 2014 un réseau féminin et un programme de mentor. Là comme ailleurs s'élabore une « stratégie de planification de la relève ». La branche a en effet pour souci de contrer la pénurie de main-d'oeuvre, mais aussi d'encadrement. Car si la plupart des dirigeantes déclarent privilégier les femmes dans le recrutement des postes à responsabilité, cela ne suffit pas. Il s'agit désormais de convaincre, de toute urgence, les femmes de l'encadrement intermédiaire d'accéder à des postes d'encadrement supérieur. La deuxième étape sera de les faire gravir de l'encadrement supérieur aux comités de directions, où elles restent sous-représentées. Aussi, dans ce contexte, les compagnies seraient mal avisées de pratiquer des écarts de rémunération trop importants. En l'absence de statistiques propres au secteur de l'assurance, le fossé entre les hommes et les femmes dans l'encadrement supérieur et les directoires des compagnies est aujourd'hui estimé entre 5 et 10%.
CHRISTIANE BISANZIO, DRH POUR LA RÉGION EUROPE DU NORD, CENTRALE ET DE L'EST D'AXA, ET DIRECTRICE GROUPE POUR LA DIVERSITÉ ET L'INCLUSION
« Si les compagnies ne recrutent pas des femmes à haut potentiel, elles jouent leur survie »
Les effectifs des compagnies sont composés à 50% de femmes, « mais on se demande où elles sont dans les directions, s'interroge Christiane Bisanzio. Si les compagnies ne recrutent pas des femmes à haut potentiel, elles jouent leur survie. » Pour percer dans l'entreprise, cette juriste de 46 ans a développé sa propre méthode, le « talent tandem », qui permet aux femmes de s'initier aux arcanes du pouvoir en suivant un dirigeant et d'acquérir ainsi 70% des compétences du management. Cet entraînement par la pratique met en lumière des techniques, comme le lobbying qui s'opère avant une réunion. Christiane Bisanzio tient cet esprit curieux d'une famille de journalistes et son intérêt pour les fonctions transversales de son expérience chez General Electric, où elle était présidente du réseau féminin. Mère de deux enfants, cette Allemande vit aujourd'hui en Suisse, travaille en Allemagne, Belgique et Suisse avec de nombreux passages à Paris.KATJA BUCHER, RESPONSABLE DES RESSOURCES HUMAINES DU GROUPE MUNICH RE
« Les femmes sont peu présentes dans le management supérieur »« Le monde de la politique et celui de l'entreprise doivent s'imbriquer pour que toutes les chances soient données aux femmes de s'engager professionnellement. Pour ce qui est de l'entreprise, il faut reconnaître une certaine partialité dans les processus d'embauche et agir en connaissance de cause », déclare Katja Bucher. Elle est consciente de l'ampleur de la tâche qui l'attend : le premier réassureur mondial ne compte que 21% de femmes aux fonctions dirigeantes et s'est fixé un taux de 25% d'ici à 2020. « Les femmes sont peu présentes dans le management intermédiaire et le management supérieur, les chances de les faire accéder aux instances supérieures est donc très faible. C'est pourquoi nous avons besoin de femmes dans ces étages avant de changer de manière durable la situation à la tête de l'entreprise. » La garde des enfants est un aspect de ce changement. Mais pas seulement. D'autres thèmes, comme la culture de la performance et de la gestion jouent également un rôle central dans cette mutation de l'entreprise.
Dans ce dossier
Commentaires
Le top management féminin s'organise